Rudolf Steiner

Un petit résumé !

La pédagogie des écoles Waldorf a été élaborée par Rudolf Steiner[1]. R. Steiner était un philosophe/penseur autrichien (1861-1925), fondateur du mouvement anthroposophique (courant de pensée et de spiritualité). La pédagogie Steiner est une des applications les plus connues de ce mouvement, avec l’agriculture biodynamique et la médecine anthroposophique. Rudolf Steiner a commencé à expérimenter en 1919 son « projet d’éducation » au sein des usines de Cigarettes Waldorf-Astoria pour instruire les enfants de ses ouvriers. Depuis, d’autres écoles ont fleuri en conservant le nom de cette première usine : les écoles Waldorf. Elles restent en France très minoritaires (une quinzaine) et sont près de 200 dans le monde.

L’enseignement pour les moins de 7 ans

Avec l’approche de la pédagogie Waldorf, les réponses sont simples, elles sont dans l’enfant : il faut une observation permanente. Son changement dentaire est un des signes annonciateurs que l’enfant est prêt à être enseigné, ses forces de cristallisation sont en œuvre, mais il n’est toujours pas prêt à l’abstraction d’où un enseignement par l’image et le mouvement qui restent encore en union avec sa nature profonde.

Le très jeune enfant est dans « l’imitation » de sa naissance à 7 ans, elle lui est indispensable pour apprendre, il est en absorption permanente telle une éponge. Ses 3 premières années sont exclusivement orientées vers le marcher – parler puis le penser.Le besoin de marcher répond au désir de pouvoir s’approprier le monde ; ainsi va s’inscrire, de ses jambes, la distance. Il y a alors l’enfant ET le monde. La marche permet ensuite à l’enfant de parler car elle donne le rythme (temps des comptines, des chants). Il va nommer les choses et quand l’enfant parle, il laisse place à son imagination et donc sa pensée. Dans cette pédagogie, ce processus est requis pour tous les apprentissages surtout les premières classes : partir du mouvement car l’enfant est dans cette dynamique.

Pour les moins de 7 ans, il n’y a pas d’enseignement scolaire, il faut privilégier les forces pour son physique. Peu d’objets mais beaucoup d’imagination. Il peut disposer de crayons, de craies, couleurs, peinture, pâte à modeler et surtout des objets de la nature avec laquelle il est intimement lié : pierres, coquillages, morceaux de bois, de bûches et branches de formes variées. Il pourra alors faire infiniment de choses : il est le modeleur de son corps en évoluant dans la chaleur de sa mère et de son foyer familial. Il existe des jardins d’enfants dans les écoles Waldorf qui s’adressent aux enfants de moins de 7 ans, (pour répondre aux exigences de notre société) où le jeu libre domine… Steiner préconisait que dans les jardins d’enfants, la responsabilité des petits revienne à des grand-mères (elles n’ont plus la volonté de réussir et sont donc plus disponibles à l’autre…).

Comprendre la nature humaine de l’enfant avant d’enseigner est une règle. C’est dans cet esprit que R. Steiner a défini les spécificités de son approche éducative. Les premières années (1ère, 2ème et 3ème classes) sont vraiment très différentes de ce qui peut se passer dans des écoles plus conventionnelles. Le jeune enfant qui n’est pas encore dans l’abstraction est nourri par un langage d’images. Celles-ci se métamorphosent à mesure que l’enfant grandit. L’enseignement est basé sur l’oralité avec la force des contes, des histoires et des chants pour nourrir son imaginaire et enrichir son langage. L’approche du calcul se fera exclusivement à l’aide de ses jambes avec des courses rythmées… L’apprentissage d’une lettre passera par le mouvement : comment me direz-vous ?– en racontant une histoire avec la prédominance de la lettre à apprendre,– en donnant forme à la lettre par le modelage, la peinture,– en chantant la lettre.

Toute la première année est centrée sur l’apprentissage de l’alphabet avec les lettres en majuscule car elles sont plus proches de la représentation de la force qu’elles possèdent (les lettres minuscules ont été stylisées par l’homme en particulier avec le métier des copistes).Exemple : le serpent sillonne les chemins sauvages et secs. Sa silhouette longiligne laisse sur le sol des sillons, signe de son passage et de son absence, je ressens encore le son de sa présence « ss ss ».L’approche des voyelles diffère de celle de la consonne, elle correspond à un état d’âme (Ah, Oh ! C’est par un geste intérieur et notamment avec l’Eurythmie que l’on aborde la voyelle – nous y reviendrons un peu plus loin)[2].

L’enseignement pour les plus de 7 ans

A l’âge de 7 ans, l’enfant manifeste l’envie d’apprendre : il a besoin d’une autorité mais pas celle qui s’acquiert par la force mais la véritable autorité qui est justifiée par le respect, né en l’enfant de l’affection qu’il porte à l’adulte. Pendant 7 ans, l’enfant restera dans la même classe et avec le même enseignant. Puis en 8ème classe (à 14 ans), les apprentissages se poursuivent avec un nouveau besoin qui s’éveille : celui de vouloir vérifier et comprendre l’existence dans tous ses aspects. L’enfant a atteint l’âge où la maturité se développe, qui fait naître une force nouvelle. Aujourd’hui, le plan scolaire défini dans les écoles Waldorf débute avec la 1ère classe et se termine avec la 12ème classe (avec la présentation d’un chef-d’oeuvre choisi, conçu et présenté par l’enfant devant un public lors de la fête de fin d’année). Ensuite, les jeunes adultes intègrent des cursus professionnalisants. Pour information, voici ci-après les grandes lignes ou couleurs de chaque classe :– 1ère classe : les contes– 2ème classe : fables et légendes– 3ème classe : pour mieux comprendre leur passé, les récits ou contes sont maintenant empruntés à l’ancien testament et la présentation de la vie de certains saints– 4ème classe : étude de l’homme et les animaux– 5ème classe : étude des plantes– 6ème classe : étude approfondie de la géographie pour satisfaire son intérêt pour le monde– 7ème classe : étude de l’Histoire : les étapes de l’évolution de l’humanité– 8ème classe : étude de la géométrie– de la 9ème à la 12ème classe : développement de l’attitude scientifique avec l’approfondissement des maths et la géométrie, de la physique, de la chimie, de la géographie, de l’anthropologie et la biologie, de l’histoire des sciences sociales, de l’enseignement des arts et du théâtre.Il s’agit uniquement de donner la tonalité de chacune de ces années, parallèlement les cours de peinture, dessin, français en général, langues, math, musique, travaux manuels… viennent enrichir leurs journées[3].

Les spécificités de la pédagogie des école Waldorf

L’importance des rythmes

Dans les premières classes, l’enfant n’est enseigné que le matin, le travail de la pensée étant plus facile pour lui à ce moment là. Ensuite viennent les matières qui nécessitent une répétition rythmique (langue, musique, chant) et, pour finir, des travaux manuels et artisanaux ou du jardinage.

L’enseignement par périodes

A partir de la 2ème classe et/ou 3ème classe, un thème est défini et abordé pendant près de 5 semaines : il est l’axe des apprentissages, tout s’articule autour de lui. Exemple en 4ème classe, nous avons étudié en géographie : la France, ses fleuves, ses plaines, ses montagnes… Pendant 5 semaines, nous avons lu des textes et livres en Français sur ce thème, la grammaire et l’orthographe se faisaient sur ce thème également. Nous avons dessiné plusieurs cartes… En calcul, nous avons travaillé sur les mesures, les longueurs avec des problèmes de distance à parcourir en France… Quand la période est terminée on n’y revient plus de manière « scolaire », nous en parlons et nous tentons de la faire vivre (ex. nous avions dessiné une très grande carte de France 1,50m sur 1,20m sur laquelle, nous reportions les adresses de nos expéditeurs de divers courriers, les villes des évènements passés, les lieux de vies des vacanciers de passage chez nous, et diverses devinettes…).

Et nous poursuivons avec une nouvelle période… (le calendrier des périodes est donc à définir sur l’année au préalable selon le plan scolaire des écoles Steiner). Il se peut que le sujet exige 2 périodes, il faut le planifier en prévoyant un temps de sommeil entre les deux. L’enseignement par périodes offre une pause pour transformer le savoir en faculté.

L’importance des activités artistiques

Peinture, dessin, modelage, musique, récitation, représentations théâtrales ont une grande importance dans les premières classes. L’endurance nécessaire à la réalisation de ces activités incite les enfants à renouveler et à approfondir continuellement leur engagement.

Le dessin de forme

C’est une activité où l’enfant va rapidement découvrir les lois géométriques[4] qu’il côtoie dans la nature. La première séance commence avec la droite et la courbe. Dans le dessin de forme, la ligne ne représente pas un contour ou une limite mais au contraire, l’expression d’un jeu de forces internes, pour faire entrer l’enfant dans la force du mouvement. Cette activité est très appréciée des enfants. Elle développe énormément leur motricité fine et le travail sur la latéralisation. Tous ces termes ne sont pas énoncés au cours de la séance, tout est dit à travers des images, une histoire, ou un conte… Les dessins rythmiques, où la répétition de la forme est importante, font appel à la résistance, la persévérance et la constance. Certaines formes sont d’abord vécues avec le mouvement dans l’air, puis sur le sol avec les pieds, à nuancer selon le tempérament des enfants….

Exemples de formes rythmiques issus de l’ouvrage :

L’importance du travail des couleurs

C’est un aspect qui est très développé, surtout en peinture, mais dans ce domaine, j’ai très vite été confrontée à mes propres limites. Je n’ai pas eu le plaisir de faire ces découvertes avec nos enfants. Le dessin est, par contre, très présent dans toutes nos activités (exemple : la réalisation d’un petit livre que Sarah a illustré suite à la lecture du livre de Poly. Elle a « résumé » avec ses mots et l’a librement illustré et relié). Le dessin est à privilégier car pour l’enfant, il rend vivant son travail, surtout dans les premières classes.

L’importance des travaux manuels

Comme le modelage, le travail du bois et des métaux, le tricot, le crochet, la broderie… Ces activités révèlent une intention artistique et artisanale. Par ailleurs, elles développent le corporel de l’être humain dans le but de le travailler tout en agissant sur l’intellect de manière moins formelle. Elles préparent ainsi l’être à rendre active sa volonté dans le penser.

L’eurythmie

C’est une discipline dans laquelle la musique et les paroles sont exprimés par des mouvements spécifiques du corps qui correspondent à des notes ou à des sons particuliers : « une éducation corporelle imprégnée d’âme » disait R. Steiner. L’eurythmie, ou « discours visible » ou « chant visible » est uniquement enseignée dans les écoles Waldorf. Elle amène l’enfant à se libérer de ses inhibitions et à oser le mouvement, attitude naturelle chez le jeune enfant. Avec une pratique assidue, elle a une fonction ennoblissante et équilibrante. Plus tard, les élèves plus âgés élaborent des représentations eurythmiques à partir de poèmes, de pièces de théâtre ou de morceaux de musique, gagnant ainsi une perception plus fine des œuvres.

Les supports

Les enfants travaillent sur des cahiers grand format A4 voir A3 (plus l’enfant est petit, plus le format du cahier est grand, ce dernier diminue au fur et à mesure que l’enfant grandit). Toujours des feuilles blanches sans ligne, il apprend progressivement à éprouver la ligne dans sa main, c’est pourquoi il aborde dès la 1ère classe la droite…. C’est aussi lui offrir une vraie liberté d’espace, il reste, face à cette page blanche, l’auteur totalement libre de son « chef-d’œuvre » ; chaque page est mise en couleur, illustrée quelle que soit la nature du cahier, écriture, grammaire, calcul… A partir de la 5ème classe, les cahiers en français et maths sont plus « sobres » par contre, les cahiers relatifs aux « périodes » comme la mythologie, la géographie, l’histoire, la chimie sont illustrés de dessins très élaborés… La photocopie n’a pas sa place. Le cahier est dans sa totalité « l’oeuvre » de l’enfant.

Finalités profonde de cette approche éducative

La pédagogie Steiner est une pédagogie qui suppose d’être avec l’autre et donc réclame beaucoup de créativité, de disponibilité et de confiance. Les « décalages » peuvent paraître importants si l’on compare avec des enfants scolarisés du même âge. Avec la 6ème classe, autour des 12 ans de l’enfant, les enseignements s’équilibrent davantage, avec d’autres pédagogies, sur le fond, mais surtout pas dans la forme, néanmoins l’écrit reste encore fragile.

La pédagogie Steiner veut éduquer l’enfant tout entier « tête, cœur et mains ». Il y a un équilibre entre les matières académiques et les enseignements artistiques et les activités pratiques. Dans les écoles Steiner, les enfants sont respectés dans leur progression. Ceux qui rencontrent des difficultés dans une matière seront pris en charge individuellement par l’équipe pédagogique afin de comprendre avec les parents les raisons des difficultés et pour trouver une solution. D’autre part, on lui permettra de s’épanouir pleinement dans les autres matières qu’elles soient manuelles, intellectuelles ou artistiques.

Mais c’est une autre façon de percevoir l’instruction. Tout est perçu comme une capacité à acquérir au niveau d’une force intérieure et non comme un savoir proprement dit. C’est comme si on travaillait sur une « partie invisible » de l’être…

« Former des individus capables, en eux-mêmes et par eux-mêmes, de donner un sens à leur vie ».

Dans La Dyslexie, handicap ou talent ? l’auteure Cornelia Jantzen confronte (2006) les fondements de la pédagogie Steiner avec la méthode Davis. Cornelia Jantzen est chercheur en sciences de l’éducation, spécialiste de la dyslexie. Cette confrontation l’amène à mettre en évidence des corrélations entre le talent dyslexique et la pédagogie de Steiner.

Cornelia Jantzen conçoit qu’un enfant dyslexique apprend mieux par intérêt et par expériences sensorielles concrète que par bourrage de crâne.

Elle a découvert que Steiner avait eu beaucoup de difficulté pour apprendre à lire et surtout pour apprendre à écrire correctement. Steiner n’hésite pas à parler de maltraitance pour faire apprendre les lettres qui n’ont « absolument aucun lien avec notre vie intérieure ». Après un incident à l’école, Steiner continua d’apprendre à lire avec son père, ce qui fut laborieux. Il se passionna complètement pour un livre de géométrie, ce qui l’aida beaucoup dans l’apprentissage de la lecture. Steiner aime citer Goethe qui n’a pas su lire ni écrire avant neuf ans et qui fit des fautes toute sa vie.

Steiner, de part ses écrits, montre qu’il pensait en images : « Il faut nous représenter que notre activité pensante elle-même n’est qu’une activité imagée » et il critiquait la pensée en mots qui ne donne que des paroles creuses et non la réalité.

Cornelia Jantzen cite de nombreux écrits de Steiner qui expliquent ses difficultés personnelles sur lesquelles il s’appuie pour faire ses recommandations en ce qui concerne les apprentissages :

– il recommande donc vivement l’apprentissage de la lecture plutôt entre 7 ans et neuf ans à cause de ce qu’il a enduré lui-même pour cet apprentissage.

– il préconise la lecture d’histoires et de contes dans les premières classes pour aider l’enfant à s’exprimer correctement et afin qu’il puisse mieux écrire plus tard.

– il conseille de partir d’images pour présenter les lettres car les images correspondent à la réalité alors que les lettres ne sont que des signes.

– il préconise de beaucoup utiliser le modelage car il est persuadé que l’enfant a un besoin impérieux de créer des formes, soit en modelant, soit en peignant.

« Au lieu de toujours se demander : Que faire pour qu’ils apprennent enfin à écrire avec une bonne orthographe ? ne pourrait-on chercher si ce problème n’est pas, au fond, l’expression de facultés véritables qu’il faudrait explorer… »

Fatima et Catherine Chemin

[1] Eduquer vers la Liberté : la pédagogie de R. Steiner de Frans Carlgren et Arne Klingborg, aux éditions les 3 arches

[2] Voir le livre de Grunélius, Les Moins de 7 Ans, aux éditions Triades

[3] Voir le livre Le Plan scolaire des écoles Steiner d’Henriette Bideau aux éditions Triades qui développe le programme de chaque classe.

[4] La Géométrie dans les écoles Steiner/Warldorf : du dessin de forme au tracé géométrique dans les 4 premières classes d’Ernst SCHUBERT

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