Jeunes enfants
Ces textes ont été écrits par Claire et Catherine Chemin, anciennes membres de CISE. Ils enrichissent désormais le site de LAIA en invitant à la réflexion.
Sciences cognitives
Besoins cognitifs
Laissons la parole à Céline Alvarez qui a fondé la classe Montessori à Genevillers (en Zone d’Education Prioritaire) et qui a expliqué le 14 septembre 2013 à l’événement TEDxIsèreRiver organisé à Grenoble[1] l’importance d’utiliser, en pédagogie, les découvertes des sciences cognitives.
Les sciences cognitives[2], aujourd’hui, ont identifié quatre facteurs déterminants pour la vitesse et la facilité d’apprentissage :– Etre attentif ;– Etre engagé activement ;– Recevoir un retour d’information immédiat sur l’action effectuée : le signal d’erreur va permettre au cerveau d’ajuster les hypothèses qu’il est en train d’émettre sur l’action qu’il effectue et c’est le décalage entre la prédiction du cerveau et l’observation qui va créer la surprise et permettre l’apprentissage ;– La consolidation : lorsque nous sommes attentifs, engagés, et que nous avons des retours d’informations positifs sur l’action effectuée nous avons besoin de répéter pour consolider. Et cette répétition va permettre au savoir de s’automatiser.
Céline Alvarez pense que l’école doit se réorganiser de l’intérieur selon ces 4 principes. Ces mécanismes de base doivent être respectés pour que les enfants puissent s’épanouir au niveau scolaire. De plus, en respectant ces 4 paramètres, les compétences non cognitives – la confiance en soi, l’estime de soi, la capacité d’entraide, de coopération – se développent, sans avoir cherché à les provoquer.L’inégalité de résultats se creuse entre 0 et 6 ans. Or, aujourd’hui, l’école maternelle sollicite très très peu ces quatre paramètres de l’apprentissage. Actuellement, sur 3 heures de cours, il n’y a en moyenne que 30 minutes, 45 minutes en grande section, de moments dédiés aux apprentissages directs guidés par l’enseignant et l’activité n’est pas choisie par l’enfant, elle est imposée par l’enseignant. Il n’y a pas de décision, de motivation personnelle de la part de l’enfant. Il n’y aura donc que très peu d’attention, et très peu d’engagement. Le signal d’erreur que pourrait recevoir l’enfant va être très pauvre, très insuffisant parce que l’enseignant ne peut pas donner lui seul avec 30 enfants un signal d’information immédiat sur toutes les hypothèses de tous ces petits cerveaux qui vont être en train de travailler. Un enfant à qui l’on a imposé une tâche n’aura qu’une seule envie, surtout à 3 ans, c’est de s’en libérer pour pouvoir aller dans les coins jeux ou bibliothèque. Il n’y aura donc pas de répétition et pas de consolidation.
En utilisant la pédagogie Montessori, ces quatre principes sont parfaitement respectés. Céline Alvarez explique également à quoi est due la réussite de cette classe en ZEP selon la pédagogie de Maria Montessori :– l’autonomie : ils choisissent librement leur travail, ils sont motivés, ils veulent ce qu’ils font. L’enseignant peut s’occuper des enfants qui ont plus de difficultés;– chaque activité proposée réunit les paramètres cités ci-dessus ;– le contrôle de l’erreur : il se fait par le matériel, l’enfant cherche à se perfectionner, ce qui renforce l’attention et se reporte sur les autres formes d’apprentissage. C’est un cercle vertueux ;– le matériel proposé est sensoriel : les enfants ont besoin de toucher, d’intégrer sensoriellement afin de pouvoir intégrer intellectuellement ;– les enfants sont calmes, apaisés, heureux de travailler ;– les enfants sont mélangés de 3 à 6 ans afin de favoriser l’interaction sociale. L’enseignement devient horizontal, le savoir se partage entre les enfants ;– il n’y a pas de compétition, de comparaison mais une émulation constante.
Maria Montessori a élaboré une pédagogie qui respecte les périodes sensibles et les stades d’évolution de l’enfant et lui permet de développer pleinement sa personnalité et de devenir très vite autonome dans son travail. Des recherches l’ont amenée à constater que 20% seulement des humains ont une intelligence abstraite, alors que 80% ont une intelligence concrète. C’est pourquoi, toute notion nouvelle est représentée par un matériel et chaque difficulté est isolée. Ainsi, elle s’adresse à toutes les formes d’intelligence et respecte le rythme de chaque enfant qui travaille autant qu’il en a besoin avec chaque matériel.
Il est surprenant aujourd’hui de constater à quel point sa pédagogie est efficace avec tous les enfants. Stanislas Deheane, neuroscientifique, convient que la pédagogie de Maria Montessori est en totale adéquation avec le fonctionnement du cerveau :
- la pédagogie respecte parfaitement le rythme de chaque enfant ;
- l’enfant choisissant son activité développe bien plus de motivation et de renforcement positif ;
- l’enfant développe au maximum tous ses sens, ce qui favorise la concentration avant d’aborder la lecture et le calcul ;
- la concentration de l’enfant est élevée ce qui favorise l’acquisition et la rétention des informations ;
- l’enfant est actif ! Il peut expérimenter, se tromper et recommencer, ce qui consolide les apprentissages ;
- l’enfant apprend très tôt un vocabulaire riche, précis et technique ;
- l’enfant travaille beaucoup la phonologie avant d’aborder l’apprentissage de la lecture…
[1] http://lamaternelledesenfants.wordpress.com/2014/0…
[2] Stanislas Dehaeane, professeur de psychologie cognitive au Collège de France
Langue
Richesse du langage
Richesse du langage avant d’aborder la lecture
Le rapport du Haut Conseil de l’Education de 2007 déclare que : « la réussite future de tous les enfants que l’école primaire accueille dès l’âge de trois ans repose sur la solidité de leurs premiers acquis ». Or, 40% des enfants qui entrent au CP sont en échec scolaire. D’autre part, ce rapport révèle que les enfants qui réussissent le mieux sont ceux « qui bénéficient à la maison d’un environnement favorable aux premiers apprentissages » car l’école maternelle ne prépare pas correctement les enfants aux apprentissages. C’est le cas pour l’éveil des sens et c’est aussi le cas pour la maîtrise de la langue orale qui conditionne l’ensemble des apprentissages ultérieurs : « On ne peut apprendre à lire qu’une langue qu’on parle déjà », or les enfants manquent bien souvent cruellement de vocabulaire lorsqu’ils abordent l’apprentissage de la lecture. A la lecture du rapport, il apparaît évident, que l’école maternelle ne remplit pas son rôle et a une part de responsabilité importante dans l’échec scolaire. La crèche n’aide pas non plus les enfants à développer leur langage car les adultes sont trop peu nombreux pour reprendre chaque enfant.
Beaucoup d’enfants commencent l’apprentissage de la lecture avec seulement 500 mots de vocabulaire alors que les spécialistes recommandent d’en connaître 2000 à 3000.
Avec l’instruction en famille, nous pouvons leur offrir un environnement favorable à la maîtrise orale de notre langue.
L’apprentissage du langage est d’autant plus important à développer pour les enfants pensant en images et étant plus lents à se construire une pensée langagière. Ce sont les enfants qui parlent plus tard que la moyenne, qui ont du mal à s’exprimer et à faire des phrases, qui ont du mal à comprendre les consignes, qui auraient même tendance à vouloir faire un dessin !
(Voir pensée en images)
Catherine Chemin
Eveil des sens
Eveil sensoriel
Introduction
Que ce soit avec Elisabeth Nuyts, Ghislaine Wettstein-Badour ou Maria Montessori, nous avons vu l’importance pour laquelle le petit enfant doit développer ses cinq sens. Mais, les développer vraiment !
Tous les sens sont importants mais pour les futurs apprentissages, développer le sens du toucher et le sens de l’ouïe est vraiment important. L’enfant doit aussi pouvoir bouger…
Il est vrai qu’aujourd’hui, tant de jeux sont proposés pour éveiller les sens de l’enfant ! Depuis pas mal d’années déjà, les jeux dits d’éveil pour tout petits se multiplient. Qu’est-ce que cela peut apporter concrètement ?
Maria Montessori attachait beaucoup d’importance à l’isolement de la difficulté. Une difficulté à la fois, donc un matériel pour chaque difficulté ! Or, lorsqu’on observe ces jeux dits d’éveil, nous pouvons constater qu’un même jeu regroupe plusieurs difficultés.
Concrètement, Maria Montessori propose par exemple la tour rose (10 cubes de 10cm3 à 1cm3) que l’enfant doit empiler du plus grand au plus petit afin d’éveiller sa discrimination visuelle. Tous les cubes sont peints de la même couleur afin de mettre en évidence la différence de taille pour que l’enfant aiguise son acuité visuelle. Très souvent, les tours à construire trouvées dans le commerce sont, au mieux, peintes de couleurs différentes, souvent de manières répétitives, au pire, avec en plus des dessins sur chaque face, des chiffres et même des lettres ! Ce qui est aberrant.
De même pour les encastrements, l’acuité visuelle doit s’affiner autour des différentes formes (encastrements géométriques) ou autour de la taille (encastrements cylindriques). Pour cela, ces matériels sont toujours de couleur unie et souvent neutre. Dans le commerce, nous trouvons beaucoup de jeux d’encastrement qui sont toujours peints de multiples couleurs, avec souvent des dessins en plus, comme les « cubes d’éveil », qui proposent à la fois des activités visuelles, tactiles et auditives, le tout chargé de couleurs et de dessins, voire même de sons !
Au bout du compte, tout ce qui pourrait réellement aider l’enfant à se développer se trouve noyé dans un environnement très riche. Trop riche ? Nous nous retrouvons avec beaucoup d’activités proposées mais qui, finalement, ne participent pas à éveiller les sens de l’enfant et, de surcroît, ne permettent pas de favoriser la concentration.
De part la vie d’aujourd’hui :
- les enfants ont beaucoup plus de jouets ;
- ils se déplacent beaucoup plus mais pas pour se promener à leur rythme ;
- leurs sens sont stimulés de manière permanente, que ce soit à l’extérieur ou à l’intérieur, via la télévision entre autres ;
- ils sont souvent agressés par de nombreuses images et soumis à des bruits très agressifs.
Les sens sont donc très sollicités, mais est-ce à bon escient ? Peut-être cela provoque-t-il même un déséquilibre ? Finalement, un environnement trop riche nuit au développement de l’enfant.
Chaque matériel créé par Maria Montessori met en évidence une différence et une seule : soit le volume, soit la longueur, soit la grosseur, soit la forme, soit la couleur… Elle a également mis au point beaucoup d’activités qui éveillent les autres sens : soit l’ouïe (boîte à bruit, clochettes), soit le toucher (support plus ou moins rugueux ou lisse, sac à mystère, tissus de différentes qualités…), l’odorat… Les activités prévues par Maria Montessori non seulement aident l’enfant à éveiller ses sens réellement, aident l’enfant à devenir autonome, mais surtout l’aident à se concentrer, à développer son attention.
Nous pouvons affirmer que l’éveil des sens est capital pour le petit enfant puisque :
- Maria Montessori, qui était médecin, n’a pas rapporté de problèmes de dysfonctionnement chez ses élèves alors qu’elle a mis un soin considérable pour éveiller les sens du petit ;
- Les enfants ayant des problèmes de dysfonctionnement aujourd’hui à l’école sont corrigés par Elisabeth Nuyts, Béatrice Sauvageot… en réapprenant à éveiller leurs sens. Le développement des sens a un impact considérable sur les futurs apprentissages. Elisabeth Nuyts a particulièrement mis au point une méthodologie pour apprendre aux enfants en difficulté à éveiller leurs sens, travail qui n’avait pas été fait, et à créer de nouvelles connexions entre les différents sens, connexions qui n’avaient pas été établies. Cette méthodologie reprend les principes de Maria Montessori.
L’éveil sensoriel est donc une étape primordiale à ne pas négliger pour la construction de l’enfant et ses futurs apprentissages ! Il faut être attentif à ce que nous proposons à nos petits. Pas toujours facile !
Outre l’éveil sensoriel, le petit enfant à une soif de découvertes et d’expérimentation incroyable et il est rapidement capable de faire beaucoup de choses, pourvu qu’on lui en donne la possibilité. La maman peut vraiment accompagner son enfant vers l’éveil et l’autonomie, en respectant son besoin de « faire seul » avec parfois peu de choses.
Comme vous l’avez peut-être déjà compris à travers la pédagogie de Maria Montessori, il est préférable que ce genre de matériel ne soit pas mélangé avec les jouets. Le grand principe de Maria Montessori étant que l’enfant puisse prendre du matériel pour une activité sans avoir à demander à un adulte. L’idéal est donc de prévoir un coin pour l’enfant avec des étagères où tout se trouve à sa portée en libre utilisation.
Il est important de montrer à l’enfant le geste exact et précis. Pour cela, il peut être bon de s’entraîner avant de montrer à l’enfant. Le rangement de l’activité n’est pas à négliger. Il faut aussi montrer comment ranger après l’activité. Si l’enfant ne le fait pas, le faire pour lui, mais pas devant lui. Il est surprenant de constater combien les petits aiment l’ordre !
Beaucoup de matériels sensoriels et de vie pratique sont détaillés dans La Pédagogie scientifique 1 de Maria Montessori (chez DDB) et aussi dans 100 activités d’éveil Montessori de Eve Herrmann (éditions Nathan).
Catherine Chemin
Activités sensorielles
Vers 2 ans / 2 ans 1/2 ½
Sac à mystère : mettre quelques objets dans un sac que l’enfant identifie en mettant la main dans le sac sans voir l’objet. Il le décrit et le nomme. Les objets sont changés de temps en temps.
Les tris : l’enfant commence par trier des boutons rigoureusement identiques par la couleur mais de formes différentes placés dans une coupelle moyenne et il les met dans différentes petites coupelles, une par forme. L’enfant continue par trier des boutons rigoureusement identiques par la forme mais de couleurs différentes placés dans une coupelle moyenne et il les met dans différentes petites coupelles, une par couleur.
Les tris peuvent se faire avec d’autres choses : des graines, des couverts…Il faut toujours garder le même principe : il ne doit y avoir qu’une seule différence, soit la forme, soit la courleur…
Les emboîtements cylindriques : à présenter un par un puis deux ensemble, puis trois, et les quatre ensemble.
La tour rose : 10 cubes de 10 cm3 à 1 cm3. L’enfant les empile du plus grand au plus petit pour travailler la discrimination visuelle.
La 1ère planche rugueuse : sur une petite planche, coller sur la moitié du papier de verre afin de mettre en évidence la différence entre ‘’lisse’’ et ‘’rugueux’’. Nous pouvons coller du papier de verre de 5 grains différents sur 2 séries de tablettes. L’enfant met en paire les yeux bandés les 2 séries mélangées, puis effectue la gradation d’une série.
La 1ère boite de couleurs : petites planchettes de 4 cm x 6 cm. La boîte contient 2 jaunes, 2 rouges, 2 bleues. L’enfant fait la mise en paire et, plus tard, vocabulaire avec la leçon en trois temps.
Le binôme : à ce stade, le binôme se travaille sensoriellement . Mettre en évidence les faces de même couleur : bleu contre bleu, jaune contre jaune. Le binôme représente la formule d’algèbre (a+b)3 = a3 + b3 + 3ab2 + 3a2b. Les cubes replacés doivent se séparer en tranches.
Vers 3 ans
Les petits volumes : il y en a 10 mesurant tous 5 et 10 cm : cube, parallélépipède, prisme à base triangulaire, pyramide, tétraèdre, sphère, cône, cylindre, ovoïde, ellipsoïde. L’enfant les découvre un par un, les touche, puis il peut les empiler par relation : la pyramide sur le cube… Nous lui donnons les 5 cartons avec les projections. L’enfant empile selon les relations. Il peut faire les empreintes des volumes dans un plateau avec de la farine et faire rouler ceux qui le peuvent. Il apprend le vocabulaire avec la leçon en 3 temps.
L’escalier marron : 10 prismes de 20 cm de long et de 10 cm2 à 1 cm2 de section. L’enfant les pose l’un contre l’autre du plus gros au plus mince pour travailler la discrimination visuelle.
Les barres bleues : 10 barres de 2 cm2 de section et de 10 cm à 100 cm de long. L’enfant les pose l’une à côté de l’autre de la plus longue à la plus courte.
Les tiroirs de géométrie :
La 2ème planche rugueuse : sur une petite planche, coller des bandes de papier de verre de différents grains en laissant un espace : ‘’lisse’’, ‘’rugueux’’, ‘’moins rugueux’’, ‘’plus rugueux’’.
La 2ème boite de couleur : couleur primaire en double + 2 verts, 2 oranges, 2 violets, 2 roses, 2 marrons, 2 blancs, 2 noirs, 2 gris. L’enfant fait la mise en paire et, plus tard, vocabulaire avec la leçon en trois temps. Disposer une série sur un tapis éloigné, montrer une couleur de l’autre série à l’enfant qui va chercher la même couleur : mémorisation visuelle. Faire nommer à l’enfant des objets de l’ambiance de la même couleur…
Le trinôme : à ce stade, le trinôme se travaille sensoriellement . Mettre en évidence les faces de même couleur : rouge contre rouge, bleu contre bleu, jaune contre jaune. Le trinôme représente la formule d’algèbre (a+b+c)3 = a3 + b3 + c3 + 3a2b + 3a2c + 3ab2 + 3bc2+ 3ac2 + 3bc2 + 6abc. Les cubes replacés doivent se séparer en tranches.
Les boîtes à bruits : deux séries de six tubes opaques fermés avec des graines différentes. Chaque série est d’une même couleur. L’enfant secoue chacun des tubes à côté d’une oreille, puis de l’autre. Il procède d’abord à la mise en paire en cherchant les 2 tubes qui font le même bruit (un dans chaque série). Puis, il classe les boîtes d’une série selon leur bruit : du plus grave au plus aigu.
Les boîtes à odeurs : préparer différentes odeurs dans des flacons en double exemplaire : plantes, épices… (pas d’essence de plante). Mise en paire puis vocabulaire.
Les tissus : 6 paires de tissus de différentes textures. Les yeux bandés, l’enfant met en paire. Puis, nous pouvons en ajouter d’autres… Plus tard vocabulaire : coton, tulle, velours, satin, rayonne, organdis, damassé, feutrine…
Vers 4 ans
Les tablettes baryques : 3 boîtes de 7 plaquettes en bois différents et donc de poids différents. Le contrôle de l’erreur se fait par la couleur du bois qui diffère. Les yeux bandés, l’enfant regroupe les plaquettes par poids en les comparant et soupesant, une tablette dans chaque main.
Les blocs de cylindres :
La 3ème boîte de couleurs : 9 séries de 7 planchettes peintes en dégradés : jaune, orange, rouge, rose, vert, bleu, violet gris, marron. L’enfant met chaque série dans l’ordre de gradation. Plus tard, il mélange plusieurs séries puis, il les mélange toutes.
Catherine Chemin
Activités de vie pratique
Pour les activités de vie pratique, il est nécessaire de montrer à l’enfant les gestes en respectant les sens d’écriture. Ainsi il apprend à laver la table ou les vitres de haut en bas et de gauche à droite et de frotter les cuivres, par exemple, en cercle dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Ainsi de 1 à 5/6 ans, l’enfant s’est préparé à l’écriture sans jamais écrire ! Tout le matériel nécessaire aux activités suivantes est rangé à portée de l’enfant. Ainsi, il peut faire les activités quand il veut et autant qu’il le veut.
Le petit enfant peut apprendre très tôt à manger seul, à s’habiller seul, se laver les mains et se coiffer seul… afin de favoriser le début de l’autonomie. Permettre à l’enfant de se laver les mains en lui mettant une cuvette avec un broc d’eau, du savon et une serviette. On peut aussi laisser un marchepied devant un lavabo.
Versés de graines : peuvent se faire avant 2 ans. L’enfant verse des grosses graines d’un petit pot à lait (avec bec verseur) dans un autre. Les deux pots sont identiques et posés sur un plateau de couleur neutre. Puis, l’enfant verse des petites graines d’un petit pot à lait à un autre. Enfin, l’enfant transfère avec une cuillère des grosses graines d’une coupelle à une autre sur un plateau. Si des graines tombent à côté sur le plateau, l’enfant les ramasse avec 3 doigts en faisant une petite pince. Ce geste prépare indirectement à l’écriture. Puis, petites graines avec une cuillère.
Tous les versés se font d’une main, puis de l’autre !
Versé d’eau : l’enfant transvase le contenu d’un pot à bec verseur dans un autre pot identique. Plus tard, il transvase le contenu d’une bouteille dans différents flacons dont la capacité totale équivaut à la capacité de la bouteille à l’aide d’un petit entonnoir (vers 4/5 ans). Le contrôle de l’erreur est l’eau versée sur le plateau : il faut éponger.
Ouvrir et fermer des boîtes : mettre à porter de l’enfant des boîtes et bouteilles pour ouvrir, fermer, visser, dévisser…
Les cadres : on peut présenter dès 2 ans les gros boutons, la fermeture éclair jupe. Puis, les nœuds simples, les petits boutons, la fermeture blouson, les boucles et, pour finir, les crochets et les œillets vers 5 ans.
Porter : un plateau vide, un plateau avec des objets dessus, contourner des obstacles avec le plateau, porter une chaise… sans faire de bruit.
Nettoyer : balayer, épousseter, laver une table, un miroir, des vitres, polir des cuivres, cirer des chaussures…
Plier du linge : plier un mouchoir, une serviette, des vêtements… Il peut aussi laver des mouchoirs, des serviettes…les étendre.
Jardiner : arroser des plantes, observer la nature, désherber, planter des graines, les entretenir… Soit nous donnons des tâches précises à l’enfant, soit nous lui donnons un petit bout de jardin qu’il cultive lui-même. Nous montrons à l’enfant et l’enfant s’en occupe seul. Le contrôle de l’erreur est de constater que les mauvaises herbes étouffent les semis, l’excès d’arrosage fait pourrir et le déficit d’eau fait sécher les plantes.
Cuisine : l’enfant peut commencer à mettre le couvert avant deux ans. Il peut aussi très tôt dénoyauter des fruits, préparer une collation (fruits secs, frais dans un petit bol, un verre d’eau), écaler des œufs durs, puis couper des légumes, les éplucher…
Travail manuel : enfiler des grosses perles avec un lacet, peinture, découpage, collage, coloriage (en vérifiant que l’enfant tienne correctement son crayon)…, cartes à lacer…pâte à modeler, playmaïs, pâte à sel, gommettes…
Le langage : (cartes et objets, familles, livres, nomenclatures, jeu des sons et du silence…)
Jeux de société : mémory, loto, dominos
Dans 100 activités d’éveil Montessori[1] l’auteur propose de mettre en place une table d’observation qui réunit la collecte de la promenade du jour (petits cailloux, plumes, un escargot qu’on placera dans un vivarium…) et d’encourager l’enfant à mettre en scène sa table d’observation par des figurines d’animaux notamment.
Claire et Catherine Chemin
[1] De Ève Herrmann chez Nathan
Imagination
Créativité
Quand j’ai appris que ce livre était sorti, je me suis dit : « encore un énième livre d’art manuel » pour les enfants, je n’en ai pas besoin, j’en ai déjà douze mille ! ». Mais, étant passionnée par le sujet de la créativité et ayant eu l’occasion de le feuilleter à la médiathèque, j’ai dû me rendre à l’évidence : ce livre est différent des autres, dans le sens où il ne donne pas d’exemples de réalisations toutes pré-mâchées (d’ailleurs il n’y a aucune photo, ce qui peut paraître déroutant et même un peu frustrant), mais au contraire nous donne mille et une pistes de réflexions, d’idées, et ce dans de multiples domai-nes, afin de laisser parler notre créativité et celle de nos enfants. J’ai donc eu envie de partager ma lecture avec vous, notamment parce que j’ai trouvé que Marie Gervais tient un discours qui met en exergue le respect de l’enfant, de son inventivité et de sa curiosité, qui ne sont autres que les buts recherchés par l’IEF.
L’auteur ponctue son ouvrage de multiples citations très intéressantes, et je n’en citerai que deux :
« Eduquer, c’est susciter l’intelligence, les forces créatives d’un enfant tout en lui donnant ses propres limites pour qu’il se sente libre de penser, de sentir et de juger autrement que nous-mêmes, tout en nous aimant. » (Françoise Dolto)
« Encourager la créativité de son enfant, c’est lui dire : « il n’y a jamais eu, et il n’y aura jamais plus une personne comme toi sur la Terre. Vas-y, ose être toi-même, invente ta vie à chaque instant, imagine tes possibles et réalise-les. » (Philippe Brasseur )
Quel vaste challenge ! Quand je lis ces deux cita-tions, je ne peux m’empêcher de penser : « Oh mais quelle chance que mes enfants soient en IEF ! Au moins je peux tenter de m’approcher de ce but !» Car l’auteur confirme ce que je pense dans son introduction : quand elle cite les obstacles à la créativité de l’enfant (qui est pourtant un homo creativus !), elle pense à la société, à l’éducation trop standardisée, et à l’école, rien de moins ! Elle critique les emplois du temps trop chargés qui tuent la rêverie et l’inventivité, fustige le « trop » d’écrans, les positions statiques imposées à l’école.
Elle propose aux parents d’adopter une attitude positive englobante faite d’acceptation de l’enfant tel qu’il est, d’un climat favorisant le questionnement et l’inventivité et surtout elle nous suggère de montrer l’exemple ! Soyons créatifs nous-mêmes et notre enfant le sera ! D’ailleurs, à ce propos, Marie Gervais nous encourage à utiliser notre créativité d’adultes en récupérant, recyclant des vieux maté-riaux, des bouts de laine, des tissus, des bou-chons… afin de proposer à nos enfants autre chose que des kits créatifs tout prêts du commerce. De ce point de vue, le livre est une mine d’astuces fort simples à mettre en œuvre pour la plupart (fabriquer des tampons encreurs, son propre sable coloré, ses marionnettes, un flipper, des petits meubles pour la dînette, un chevalet de table, etc.).
L’auteur aborde chapitre par chapitre tous les domaines de la créativité. On voit qu’elle a étudié et compris les grands courants de pédagogie et c’est intéressant finalement de comprendre qu’on peut « piocher » autant d’éléments intéressants selon notre sensibilité, notre vie quotidienne et nos choix.
Ainsi, à l’instar de Maria Montessori, elle propose de créer un environnement créatif adapté et favorable à l’enfant, que ce soit mettre le matériel à portée de main, ou stocker et exposer les œuvres.
Dans le chapitre sur les activités manuelles artistiques, Marie Gervais fait une distinction iné-vitable entre liberté et guide, s’appuyant pour cela sur la démarche d’Arno Stern (le père d’André Stern, auteur de Et je ne suis jamais allé à l’école, éditions Actes Sud) dans son atelier du Clos-lieu. L’auteur écrit en effet : « accompagnons nos enfants, avec bienveillance et souplesse, dans la découverte de ce dont ils ont besoin pour s’exprimer. » Elle insiste sur les conditions (endroit non salissant ou protégé pour la peinture ou activités avec l’eau par exemple) et les limites que nous devons mettre en place (si on est fatigué ou pas prêt à nettoyer, peut- être faut-il s’abstenir) afin de « créer les conditions propices à la création, sans devoir gronder, rappeler à l’ordre et donc gâcher ce qui devrait être un bon moment. » Que celui ou celle à qui un tel moment n’est pas arrivé me fasse signe! Sans oublier nos propres a priori, tensions et habitudes. L’auteur po- se de bonnes questions aux-quelles nous pouvons réfléchir : « doit-on proposer un thème ? Doit-on intervenir quand la séance devient gribouillage ? Doit-on montrer comment dessiner ? »
L’auteur préconise le moins d’intervention possible et nous propose de mémoriser ces 3 règles :
- 1- c’est l’enfant qui décide quand il a fini.
- 2- c’est lui qui décide ce qu’il veut dessiner/créer.
- 3- c’est lui qui décide comment il va le dessiner/créer.
Sans oublier que les moments de créativité peuvent être de bons moments de partage, d’échange, de découverte. A nous de doser le trop ou le pas assez de « guide ». Simple non ?!
Elle donne plein d’idées et de recettes pour le dessin, la peinture, le collage, le découpage, lemodelage, du bricolage avec tissus, de la laine, du sable… c’est très complet. Exemples : dessiner dehors sur un grand format (papier kraft ou nappe en papier). Peindre tout nu, avec les mains et les pieds sur un support ou sur le corps. Les enfants adorent, et pas que les petits !
Idée de décoration façon mosaïque : « Faites couler un mélange eau-plâtre dans un moule en argile. Lorsque le plâtre commence à prendre, proposer aux enfants de le décorer en enfonçant légèrement des petits éléments, à la façon d’une mosaïque : billes, pierres colorées, boutons, lettres… N’oubliez pas de planter une paille dans le haut du moule pour pouvoir le suspendre ensuite. Ma propre adaptation de cette idée : prendre des couvercles de boîte en plastique, y verser de la colle blanche ou transparente et y déposer doucement des perles brillantes, des pierres colorées. Attendre que cela sèche, démouler délicatement et cela donne un magnifique « sun catcher » à placer devant une fenêtre.
Tableau à fil : planter des clous dans un morceau de bois ou de liège. Faire un noeud au brin de laine sur le premier clou, puis enrouler autour des clous, en serrant un peu, jusqu’à la fin… Variante : tableau à fil avec des punaises (photo d’un tableau avec fil et punaise par Eliot en 4ème de couverture, CSN 50).
Vient ensuite un chapitre sur le jeu, véritable travail des enfants. Marie Gervais aborde inévi-tablement la pédagogie Steiner qui prône dans ce domaine de revenir à l’essentiel et aux matériaux bruts et naturels, loin du marketing et des jouets en plastique du supermarché. L’auteur détaille l’impor-tance du jeu libre, le jeu à règles, en famille ou seul. Elle donne de nombreuses pistes pour fabriquer soi-même des jouets pour nos enfants.
Suit un chapitre sur la lecture et le fait de raconter des histoires, de l’importance de la lecture à voix haute, mais bon, quand on pratique l’IEF, on n’a pas vraiment besoin d’être guidé dans ce domaine !
Elle propose des histoires à écouter, d’inventer des histoires drôles, tristes, abracadabrantes voire d’offrir à son enfant son propre cahier d’histoires. Il y a pour cela une mine d’idées dans le livre de Gianni Rodari, Grammaire de l’imagination.
J’ai retenu cette phrase : « nous devrions nous po- ser chaque semaine la question : « depuis combien de temps n’avons-nous pas ri ensemble ? » Alors fabulons ensemble !
La créativité, c’est aussi :
- – la musique, du chant et de la danse avec des idées de fabrications d’instruments ;
- – le théâtre (fabrication de marionnettes) :
- – le bricolage, avec des outils de « grand » développer son esprit par les sciences (cf. le site « la main à la pâte ») ;
- – faire la cuisine :
- – visiter, voyager et fabriquer des souvenirs.
Enfin, l’auteur consacre un grand chapitre sur la créativité dans et par la nature :
- – le jardinage (quoi planter, voir pousser, récolter des graines) ;
- – jouer dans la nature ;
- – créer (land art) ;
- – découvrir la faune et la flore (fabrication d’un herbier, faire des chasses au trésor).
Les activités pratiques sont, pour la plupart, très simples à réaliser. L’auteur nous fait part tout au long du livre de son expérience de maman, c’est peut-être ce que j’ai le moins aimé. Les activités de création plus difficiles sont identi-fiées par un logo menant au blog de l’auteur présentant les vidéos associées:
(http://education-creative.com/blog/ qui contient aussi des extraits de ses lectures, des activités qu’elle pratique avec ses enfants, des théories sur l’éducation, sur l’école, des idées de jeux et de découverte).
En conclusion, l’auteur rappelle les habitudes qui tuent la créativité :
- – une surveillance constante des parents ;
- – (trop de) télévision ;
- – trop de jeux vidéos;
- – l’absence de moments « vides », « off » ;
- – le trop- plein d’activités, un rythme quotidien trop soutenu.
Au-delà des activités, Marie Gervais propose aux parents un véritable « lâcher prise » pour une attention plus présente et une réelle écoute de leur enfant à travers une pleine ouverture à sa créativité par des réalisations concrètes. C’est ce ton naturellement confiant et bienveillant envers le parent et l’enfant qui m’a conquise car c’est exacte-ment le propos de l’IEF : accompagner son enfant avec bienveillance et confiance dans tous les domaines, y compris celui de la créativité.
Claire