Apprendre

Ces textes ont été écrits par Catherine Chemin, ancienne membre de CISE. Ils enrichissent désormais le site de LAIA en incitant à la réflexion.

Différences

Nous sommes tous différents

 

Introduction

Que ce soit avec notre enfant, scolarisé ou non, que ce soit avec d’autres enfants ou des adultes, nous avons certainement tous fait l’expérience qu’il peut être parfois très simple de se comprendre, de se faire comprendre, et d’autres fois, l’autre ne comprend pas du tout nos explications ou nous ne comprenons absolument pas celles de l’autre, nous avons l’impression de ne pas parler la même langue ! Ou de parler à un mur ! Si certains aimeraient nous faire croire que le problème est lié à un manque d’intelligence, d’autres personnes nous ont prouvé, par leur travail, qu’il n’en est rien. Nous sommes seulement tous différents dans notre fonctionnement cérébral !

Des membres de CISE se sont intéressés aux différentes pédagogies et à leurs résultats, aux travaux de différentes personnes comme Antoine de La Garanderie (gestion mentale), Elisabeth Nuyts (les dysfonctionnements), Maria Montessori (pédagogie aide-moi à faire seul), Ghislaine Wettstein-Badour (la lecture) et Stanilas Deheane (neuroscience). Plusieurs réalités sont frappantes. Nous les évoquons succinctement maintenant, mais les développerons plus loin, car il nous semble important de comprendre l’impact que peut avoir une pédagogie sur les apprentissages, la construction et le développement de l’enfant.

 Antoine de La Garanderie (1920-2010) s’est intéressé aux élèves ayant des difficultés en leur demandant comment ils procédaient dans leur tête lorsqu’ils parvenaient à un apprentissage. Car pour lui, un élève en difficulté n’est jamais mauvais en tout, il y a toujours un domaine où il réussit, et il s’y est pleinement intéressé. Il a ensuite appris à chacun de ces élèves en difficulté à utiliser le même mode de fonctionnement dans les matières à problème. Les résultats ont été surprenants par l’efficacité de la méthode, ce qui a donné naissance à la gestion mentale et à d’autres mouvements.

► Elisabeth Nuyts, s’occupe également d’enfants en difficulté, et plus particulièrement ayant un dysfonctionnement : dyslexie, dyscalculie, dysorthographie. A travers son expérience, elle a découvert que ces dysfonctionnements étaient dus très majoritairement à une méthode pédagogique qui ne convenait pas à l’enfant car chaque enfant fonctionne différemment. En changeant de méthode d’apprentissage, elle arrive donc à la disparition du dysfonctionnement. Elisabeth Nuyts est favorable aux pédagogies qui aident l’enfant dès son plus jeune âge à utiliser toutes « ses entrées’’ sensorielles (auditive, visuelle, kinesthésique), et de privilégier le langage, afin de ne pas permettre de blocage.

 Maria Montessori (1870-1952), médecin, a conçu une pédagogie qui convient à tous les modes de fonctionnement (auditif, visuel et surtout kinesthésique [80% des enfants]) et permet aux plus jeunes d’utiliser toutes leurs entrées sensorielles à travers son matériel de vie pratique et de vie sensoriel. Elle a réussi à faire passer l’équivalent du certificat d’études à des enfants dits débiles à son époque en Italie, c’est-à-dire au début du XXe siècle. Cette femme, qui n’est pas une idéologue, a conçu sa pédagogie à partir de l’observation d’enfants, l’a utilisée avec beaucoup de succès dans des écoles du monde entier et elle n’a observé aucun dysfonctionnement. Cette pédagogie a d’ailleurs été utilisée avec succès dans une classe maternelle d’une ZEP de banlieue parisienne entre 2011 et 2014 avec 100% des enfants qui sont entrés dans la lecture en fin de GS dont 90% étaient de très bons lecteurs. Tous les postulats scientifiques qui ont fondé la démarche de Maria Montessori se vérifient aujourd’hui par les sciences du développement humain (recherche de Stanislas Dehaene entre autre). Il y a une parfaite cohérence entre cette pédagogie et le fonctionnement du cerveau.

 Dr Ghislaine Wettstein-Badour (1939-2010) et Stanislas Dehaene (né en 1965) ont démontré par leurs recherches et leurs travaux que l’apprentissage de la lecture par méthode globale n’était pas du tout en cohérence avec le fonctionnement du cerveau et que cette pratique était à l’origine de nombreux dysfonctionnements.

 Stanislas Dehaene (né en 1965), psychologue cognitif et neuroscientifique, a démontré par ses recherches que le cerveau a besoin d’être actif pour apprendre et comprendre. Il est convaincu que les intuitions de Maria Montessori se trouvent confirmées par les avancées des sciences cognitives et de la psychologie expérimentale.

Catherine Chemin

Le fonctionnement du cerveau

 Nous sommes convaincus que tous les enfants naissent intelligents et que cette intelligence va se développer positivement ou engendrer des dysfonctionnements selon la nature des apprentissages proposés, l’éducation et l’environnement. MAIS, chaque enfant est différent et a un mode de fonctionnement différent. Les apprentissages scolaires ne correspondent en général qu’à 20% des enfants à peine.

Pour instruire son enfant, il est intéressant de connaître comment fonctionne le cerveau, de repérer comment fonctionne notre enfant, afin de savoir comment aborder les apprentissages avec lui car il a certainement un fonctionnement particulier qui peut être différent du nôtre. En effet, nous allons voir que les modes de fonctionnement peuvent être très différents d’une personne à une autre, même au sein d’une famille. Pour cela, nous nous appuierons sur les plus récentes recherches scientifiques.

Depuis quelques années déjà, la différenciation des hémisphères cérébraux a été établie. Les deux hémisphères sont pratiquement symétriques, dans le sens ou chaque hémisphère comporte des aires visuelles, motrices… mais suivant les stimuli, ce ne sera pas forcément le même côté qui réagira chez une personne ou une autre. En fait, les deux côtés vont s’activer, mais en alternance, en fonction du traitement de chaque détail et cela dans des proportions différentes. Des expériences ont montré que c’est très souvent le même côté qui réagit pour une fonction particulière demandée. Aussi, certaines fonctions ont été attribuées plus particulièrement à un des hémisphères, même si les deux hémisphères travaillent en permanence. Le va-et-vient des données est essentiel à la réflexion, et la complémentarité des deux hémisphères est nécessaire pour obtenir un développement harmonieux des capacités cognitives. Les deux hémisphères établissent des connexions entre eux grâce aux 200 000 fibres du corps calleux. Le cerveau comporte 100 milliards de neurones qui sont reliés entre eux par un million de milliards de connexions qui varient selon chaque individu en fonction de sa culture, de ses émotions, de ses prédispositions et de l’environnement ! Le nombre de circuits potentiels pouvant être créé par chaque individu étant équivalent au nombre de particules de l’univers. Le fonctionnement du cerveau est donc extraordinairement complexe et il n’a pas encore révélé tous ses secrets… Cependant, des recherches récentes apportent un éclairage intéressant sur plusieurs points.

Toutes les informations qui parviennent de l’extérieur sont traitées à la surface du cerveau, le cortex (matière grise). Les données circulent le long de la moelle épinière et des nerfs à travers un vaste réseau de cellules spécialisées : les neurones.

Pour constituer ce réseau, il faut du temps. Il y a peu de connexions établies à la naissance et les connexions se mettent en place au fur et à mesure des apprentissages. A chaque situation, le cerveau crée des connexions. Dès que l’enfant reçoit une information ou apprend quelque chose, des connexions sont créées dans son cerveau. Lorsqu’une situation se présente, le cerveau cherche d’abord dans la mémoire si quelque chose de similaire a déjà été vu. Si c’est le cas, le cerveau se sert des connexions déjà établies. Sinon, il en crée de nouvelles.

La plasticité du cerveau

Le cerveau ne cesse jamais de se développer, c’est la plasticité du cerveau ou la régénérescence du cerveau. Cette faculté de régénérescence du cerveau disparaît uniquement si [1] :

  • la personne cesse d’apprendre et de s’émerveiller face à l’inconnu,
  • la personne est soumise au stress du monde urbain,
  • la personne consomme de façon chronique des psychotropes,
  • la personne pratique peu d’efforts physiques,
  • la personne est isolée socialement.

Si la personne reste en quête de connaissances, si elle étouffe et maîtrise la pollution sonore et visuelle du monde urbain, si elle n’abuse pas de façon chronique de psychotropes, si elle pratique un peu d’efforts physiques et qu’elle s’engage dans une vie sociale, le cerveau garde sa capacité à produire des neurones quel que soit l’âge. Le cerveau garde sa capacité d’apprendre.

La plasticité du cerveau est la propriété de celui-ci à modifier ses connexions synaptiques : en formant de nouveau synapses, en renforçant ou affaiblissant les synapses existantes, en supprimant les synapses existantes qui ne sont plus utilisées (élagage).

Par exemple, à la naissance, le bébé a la capacité de faire la différence entre tous les sons qui existent à travers toutes les différentes langues. Lorsqu’il grandit et que son langage se met en place en fonction de la langue de son entourage, il y a une sorte d’élagage qui se fait et certains sons deviennent très difficiles à être identifiés. C’est pourquoi, une langue étrangère est souvent plus difficile à apprendre adulte si cette faculté n’a pas été entretenue.

Des personnes amputées d’une partie de leur cerveau suite à un accident peuvent recouvrer toutes leurs facultés. Les parties amputées peuvent se reconstituer et les parties les plus anciennes peuvent être colonisées par les nouvelles facultés. Les zones du cerveau bougent et évoluent.

Plus les connexions sont pratiquées avec le corps, associés au corps, plus les connexions sont fortes. C’est pourquoi, par exemple, la pratique du vélo ne s’oublie pas alors qu’une langue étrangère apprise peut s’oublier si elle n’est pas pratiquée.

Par contre, une partie du corps immobilisée un certain temps doit être rééduquée. Mais, avec la rééducation, la partie du corps immobilisée retrouve toute sa fonctionnalité.

Pour Fabrice Bak, différents facteurs peuvent influencer les apprentissages : la nutrition ; l’exercice physique ; le sommeil ; les émotions ; l’environnement social dont l’école.

Les particularités de chaque hémisphère

L’hémisphère droit

D’une manière générale, l’hémisphère droit est plus utilisé pour les connaissances et les tâches non-verbales, les tâches spatiales, analogiques, simultanées et synthétiques. C’est aussi celui qui est le plus stimulé par les aspects émotionnels et intuitifs, la sensibilité. Il utilise en priorité la vue ainsi que la perception et la maîtrise de l’espace.

L’hémisphère droit agit en mode binaire – conforme / non conforme ; vrai / faux ; oui / non – comme un ordinateur, avec une rapidité telle que la conscience n’entre pas en jeu. Il domine le traitement du dessin, de l’image et de la perception, en particulier en trois dimensions.

La grande question de cet hémisphère est « comment ? »

Voici les différents modes de traitements qui s’y rattachent :

  • Traitement synthétique : c’est le contraire du traitement analytique. La synthèse regroupe différents éléments dans un ensemble.
  • Traitement analogique : c’est traiter les informations et les stimuli par analogie ; faire des rapprochements, établir des correspondances par rapport à ce qui est déjà connu et enregistré, des associations entre les différentes informations et stimuli. Cette façon de procéder peut entraîner de véritables arborescences d’information.
  • Traitement simultané : les informations et les stimuli sont traités de manière globale en privilégiant le sens selon un mode visuo-spatial. Des images mentales apparaissent, se superposent.
  • Traitement intuitif : les informations et les stimuli sont traités de manière intuitive. L’intuitif peut donner un résultat exact, parfois très rapidement, sans pouvoir expliquer son raisonnement.

L’hémisphère gauche

Il est plus utilisé pour les capacités analytiques, logiques, rationnelles, déductives, verbales et séquentielles. Il utilise en priorité l’ouïe ainsi que la perception et la maîtrise du temps. Cet hémisphère filtre les émotions et les pulsions.

La grande question de cet hémisphère est « pourquoi ? »

Voici les différents modes de traitements qui s’y rattachent :

  • Traitement analytique : c’est le contraire du traitement synthétique. Les informations et les stimuli sont analysés en décomposant de manière méthodique chaque élément.
  • Traitement séquentiel : c’est l’analyse des informations et des stimuli les uns à la suite des autres, de manière linéaire, dans un ordre logique et immuable. Analyse méthodiquement chaque détail indépendamment du suivant pour en saisir le sens.
  • Capacité logique : disposition à raisonner juste, avec méthode et cohérence.
  • Traitement déductif : raisonnement qui va essayer différentes possibilités, les unes après les autres avant d’en choisir une.

Chaque personne utilise plus ou moins chacun de ses deux hémisphères ou modes de traitements qui s’y rattachent et utilise donc, en priorité, plutôt des traitements analytique, logique, séquentiel et/ou déductif ou des traitements synthétique, analogique, simultané et/ou intuitif par exemple. Lorsque l’on est quelqu’un à dominante cerveau gauche c’est-à-dire que l’on utilise en priorité des traitements analytique, logique, séquentiel et/ou déductif, on aura plus de mal à comprendre des concepts ou à réaliser des tâches qui relèvent de l’hémisphère droit du cerveau, c’est-à-dire qui font appel à des traitements synthétique, analogique, simultané et/ou intuitif, et vice-versa. Mais nous pouvons aussi rencontrer des personnes utilisant principalement un hémisphère du cerveau pour traiter les stimuli extérieurs, et qui utiliseront ensuite des modes de traitement relatifs à l’autre hémisphère du cerveau. Enfin, il y a aussi des personnes qui sont capables de faire appel à l’un ou l’autre de manière égale, sans gêne ou difficulté particulière, nous dirons comme Jeffrey Freed, qu’elles sont ambidextres du cerveau. Les particularités innées du mode de pensée, les différentes façons d’utiliser ses hémisphères et de choisir un mode de traitement en priorité par rapport aux autres, constituent les différentes formes d’intelligences.

La science n’a pas encore vraiment élucidé le réel fonctionnement du cerveau, cependant, nous pouvons affirmer que chaque personne, en présence de stimuli définis, ne fait pas appel aux mêmes formes de traitement. Nous garderons les appellations « hémisphère droit » ou « cerveau droit » et « hémisphère gauche » ou « cerveau gauche » pour faciliter la compréhension des différentes formes d’intelligence et de fonctionnement en gardant à l’esprit que nul n’est tout l’un ou tout l’autre, mais qu’il y a une infinité de combinaisons possibles selon le dosage de l’un et de l’autre.

Le plus important est donc :

  • de comprendre que chaque personne utilise certains modes de traitement en priorité, et qu’en conséquence, tous ne fonctionnent pas de la même manière,
  • de connaître les genres de traitement auxquels nous avons recours dans l’exécution des tâches, autant nous que nos enfants, afin d’adapter les apprentissages.

En abordant la multiplicité des formes d’intelligence, on remet en question l’option de « mauvais fonctionnement du cerveau », « manque d’intelligence » pour laisser le champ à la possibilité d’un « fonctionnement différent » auquel certains apprentissages conviendront et d’autres ne conviendront pas.

Nous n’avons pas tous exactement le même cerveau

L’imagerie cérébrale montre aujourd’hui [2] quelques différences fonctionnelles et morphologiques du cerveau de la personne à ‘’haut potentiel’’ (HP) ou zèbre [3] :

  • l’électroencéphalogramme montre une plus grande relation entre les différentes zones du cerveau chez les HP ;
  • l’imagerie fonctionnelle cérébrale (IRM fonctionnel) montre une plus nette accentuation du fonctionnement de certaines zones du cerveau, principalement les zones frontales et les zones pariétales, et de manière bilatérale chez le HP ;
  • l’IRM morphologique montre que la substance blanche (qui entoure le cerveau et est faite de fibres qui sont des connexions entre les zones du cortex) a une plus riche connectivité entre les différentes zones du cerveau, tout particulièrement dans la partie qui unit les zones frontales aux zones pariétales chez le HP.
  • C’est donc une différence morphologique.

Ces différences sont constitutionnelles, elles sont présentes dès la naissance et non pas secondaires à un mode de fonctionnement particulier.

Pour Michel Habib, la pensée en arborescence, censée qualifier les surdoués, est battue en brèche par le fait que l’IRM fonctionnel montre que c’est seulement certaines zones du cerveau du surdoué qui diffèrent de manière significative au niveau de leur fonction. Il semble évident pour lui que la pensée en arborescence est une particularité fonctionnelle globale du cerveau, ce qui est en contradiction avec l’activité plus importante des zones frontales et pariétales qu’il a observées.

Outre que la pensée en arborescence n’est pas en contradiction avec le fait d’avoir certaines zones qui s’activent plus, nous observons que :

  • son refus de conserver la pensée en arborescence comme une particularité des surdoués/zèbres est en contradiction avec les observations des spécialistes de la question (Jeanne Siaud-Facchin, Fabrice Bak, …),
  • sa conclusion n’est qu’une théorie, c’est son interprétation,
  • sa conclusion est en totale contradiction avec les témoignages des surdoués/zèbres eux-mêmes.

Le professeur Michel Habib explique également que l’électroencéphalogramme (qui mesure l’activité électrique du cerveau) montre également aujourd’hui [4] une différence entre les enfants « précoces’’ :

  • certains enfants « précoces’’ ont un fonctionnement homogène entre les deux hémisphères,
  • certains enfants « précoces’’ ont un fonctionnement hétérogène entre les deux hémisphères, ils feraient davantage appel à l’hémisphère droit. Ce sont ces derniers qui sont portés à avoir des difficultés d’apprentissage et à devenir dyslexiques, dysphasiques…

Ce constat est très important car il montre bien que les vrais dys peuvent être également surdoués.

Un point commun entre les surdoués et les TDAH est que le cerveau est en permanence en ébullition à gérer un grand nombre d’informations puisqu’ils ont aussi tous leurs sens en éveil. La difficulté des TDAH réside dans le traitement de ces informations qui ne se fait pas de la même façon.

Le neurologue Michel Habib a découvert [5] que l’aire visuelle de reconnaissance des mots s’active chez les lecteurs ‘’normaux’’ mais pas chez les dyslexiques. Il espère prouver d’ici quelques années que cette perturbation cérébrale est prénatale et non due à la conséquence d’un mauvais apprentissage.

Nous constatons effectivement une certaine hérédité de la dyslexie. En revanche, nous constatons que la méthode d’apprentissage de Maria Montessori par exemple lorsqu’elle est correctement appliquée n’engendre pas de dyslexie pour les enfants qui en ont bénéficié petits et qu’elle guérit les enfants qui sont devenus dyslexiques. Nous verrons que la dyslexie se développe chez les penseurs en images. C’est la pensée en images qui est innée et non la dyslexie. Et la pensée en images n’est pas une perturbation cérébrale !

Nous verrons que Béatrice Sauvageot a découvert que les dyslexiques n’utilisent pas les mêmes zones du cerveau pour déchiffrer car ils déchiffrent les lettres comme un musicien déchiffre une partition. C’est un mode de fonctionnement différent qui doit être appréhendé différemment.

L’hypersensibilité du zèbre (arborescent, surdoué…) : l’amygdale est une zone du cerveau, en deux parties, située de part et d’autre de l’hippocampe, dans le lobe temporal. Les amygdales jouent un rôle fondamental dans le décodage des émotions. Elles font notamment office de donneurs d’alerte en déclenchant la peur face à un danger, réel ou supposé. Elles appartiennent aux structures limbiques impliquées dans la reconnaissance des émotions, ayant notamment d’étroites connexions avec l’hippocampe, qui joue un rôle dans le stockage de ces dernières. Ainsi, la remémoration d’un souvenir peut-elle provoquer une réponse émotionnelle déclenchée par l’amygdale.

Jeanne Siaud-Facchin explique [6] qu’il a été démontré que le cerveau droit, zone de la pensée intuitive, et l’amygdale ont une activité plus intense chez le zèbre. L’amygdale, nichée au fin fond du cerveau archaïque, et dont la fonction est de décoder les émotions, est beaucoup plus vulnérable. Le seuil auquel l’amygdale se déclenche est beaucoup plus bas qu’habituellement chez les autres personnes. La plus petite émotion va déclencher la réactivité de l’amygdale et envoyer très vite des informations au préfrontal qui va transmettre très vite au pariétal, puis distribuer à l’ensemble du cerveau…la personne en a plein la tête et disjoncte.

Le sommeil paradoxal

Jean-Claude Grubar de l’Université de Lille et de Tourcoing, professeur de psychologie expérimentale, a étudié le sommeil paradoxal de l’enfant zèbre/HP (2006). Un sommeil normal adulte comporte de 4/5 cycles, de 1 h 30 mn à 2 h chacun, et est constitué de 4 stades dont le dernier est appelé sommeil paradoxal (au cours de cette phase, les yeux bougent, le tonus musculaire est aboli, l’activité cérébrale est intense). C’est au cours de ce sommeil paradoxal, qui occupe 20% de la durée totale du sommeil, que les personnes rêvent.

Il y a un parallèle entre le taux de sommeil paradoxal et la nécessité d’apprentissage (chien 6%, chat 15%, homme 20% – pas chez les oiseaux et les reptiles). Quand on prive un dormeur de sommeil paradoxal, la première fonction perturbée est la mémoire. Quand un animal apprend un nouveau comportement, son pourcentage de sommeil paradoxal augmente. La quantité de sommeil paradoxal est donc un bon indice de la plasticité cérébrale, c’est-à-dire de l’aptitude d’un sujet à recueillir et stocker des informations, à réorganiser les connexions entre neurones selon les informations fournies par l’environnement. Chez le nouveau-né, le sommeil paradoxal représente 50% des 18 à 19 h de sommeil quotidien. A 1 an, 25%, à partir de 15 ans 20 % et chez les personnes âgées 16%.

Chez les zèbres/HP, il y a 6/7 cycles de sommeil, la durée d’un cycle de sommeil est plus courte (70mn) et la latence d’apparition de la première phase de sommeil paradoxal est plus courte. La durée totale de sommeil paradoxal chez les HP est donc plus élevée. Par contre, le rapport des fréquences occulo-motrices est plus élevé, et c’est un bon indice des capacités d’un individu à organiser les informations qu’il reçoit. Ils sont capables de recueillir et de stocker plus d’informations qu’un sujet normal et leurs capacités d’organisation de ces informations sont plus grandes, ils ont une plasticité du cerveau plus importante.

A contrario, J.C. Grubar a observé que les déficients mentaux avaient une durée de sommeil paradoxal 2 fois moins importante que celle des ‘’normaux’’, moins de capacité à stocker des informations et moins d’aptitude à les organiser.

Le cerveau et les apprentissages

Pour Stanislas Deheane [7], qui s’intéresse aux sciences cognitives basées sur l’imagerie cérébrale et surtout la psychologie, il est important de ne pas sous-estimer les compétences du bébé. Dès la naissance, le bébé continue à mettre en place ses aires cérébrales et elles fonctionnent très tôt, d’abord pour comprendre puis pour parler. La compréhension précède la production.

C’est pourquoi, il est primordial de développer tous les sens (vue, ouïe, toucher) du petit enfant afin de créer des connexions entre ces différents sens, ce qui est fondamental pour les apprentissages futurs.

Les sciences cognitives actuelles démontrent [8] que le cerveau a besoin d’apprentissages actifs. Pour cela, il a besoin de développer quatre facteurs déterminants pour la vitesse et la facilité d’apprentissage qui sont :

  • l’attention : mécanisme qui nous sert à sélectionner une information et à en moduler le traitement. L’attention empêche de réaliser deux tâches simultanément. Lorsque nous sommes engagés dans une tâche donnée, les stimuli non-pertinents peuvent devenir littéralement invisibles. S’ils sont visibles, leur traitement est massivement différé. Pour instruire, il faut canaliser et captiver, à chaque instant, l’attention de l’enfant et proposer du matériel, des supports qui ne distraient pas de la tâche primaire. La musique, marcher sur une ligne (Montessori),… favorisent la concentration.
  • l’engagement actif : les neurosciences ont montré qu’un organisme passif n’apprend pas. L’apprentissage est optimal lorsque l’enfant peut alterner des périodes d’enseignement avec des périodes de test immédiats et répétés de ses connaissances. De plus, cela favorise la mémoire.
  • le retour d’information : il doit être immédiat et est surtout efficace lorsque l’enfant peut observer tout seul le résultat. En effet, lorsque l’enfant réalise une tâche, il fait inconsciemment une prédiction sur le résultat et si la prédiction s’avère différente du résultat, il y a une réaction : il est surpris. L’apprentissage se déclenche lorsqu’un signal d’erreur montre que la prédiction n’est pas parfaite. L’enfant réajuste alors ses connaissances et il est récompensé en ayant conscience de progresser. Il apprend également que l’erreur est normal et même indispensable pour apprendre.
  • la consolidation : c’est le transfert de l’explicite vers l’implicite. En début d’apprentissage, le cortex préfrontal est fortement mobilisé pour un traitement explicite, conscient et avec effort. Progressivement, l’automatisation transfère les connaissances vers des réseaux non-conscients et elles deviennent des connaissances implicites et rapides, libérant les ressources. Par exemple, quand la lecture devient inconsciente, l’enfant peut plus facilement se concentrer sur la compréhension du texte. Pour la consolidation des apprentissages, le sommeil joue un rôle essentiel. Une période de sommeil, même courte, après une période d’apprentissage, consolide ces apprentissages (des enfants souffrant de troubles de l’apprentissage peuvent souffrir de troubles du sommeil). C’est pourquoi, Stanislas Deheane préconise de courtes périodes d’apprentissage quotidiennes plutôt que quelques grosses journées.

Stanislas Deheane recommande un environnement riche pour l’enfant, un enseignement structuré et exigeant tout en étant accueillant, généreux et tolérant à l’erreur. Il est très favorable à un enseignement explicite du code alphabétique pour la lecture, enseignement systématique des correspondances graphème – phonème et pour une correspondance spatio-temporelle de gauche à droite.

D’une part, on perçoit déjà l’importance de créer de bonnes connexions dès le départ car des connexions établies sur des données erronées pourraient altérer des fonctions ultérieures du cerveau. D’autre part, le cerveau est de plus en plus performant. En effet, plus on fait travailler le cerveau, même s’il y a moins de neurones en vieillissant, plus de nouvelles connexions se créent et s’ajoutent aux anciennes. Et, c’est l’importance du nombre de connexions stockées qui rend le cerveau plus performant.

Les différents modes de pensée

Nous allons voir que nous n’avons pas tous le même mode de pensée. En effet, la pensée peut être linéaire ou arborescente ET en mots ou en images et mots.

Nous verrons également que ces différents modes de pensée engendrent les différents profils spéciaux (précocité, autisme Asperger…) et engendrent certains dysfonctionnements comme la vraie dyslexie, le TDA avec ou sans hyperactivité, la dyspraxie…

Catherine Chemin


[1] Conférence de Fabrice Bak :

[2] Professeur Michel Habib, neurologue au CHU de Marseille, conférence de mai 2011 –

[3] Terme de Jeanne Siaud-Facchin

[4] Expérience réalisée par le docteur Marie-Noëlle Magnier au CHU Pasteur à Nice

[5] http://sante.lefigaro.fr/actualite/2013/04/15/2037…

[6] https://www.youtube.com/watch?v=KJPX0uyhT9A

[7] Stanislas Dehaeane, professeur de psychologie cognitive au Collège de France

[8]

 

Pensée linéaire et pensée arborescente

Sommaire

Introduction

La pensée arborescente d’après Jeanne Siaud-Facchin

La pensée en arborescence d’après Cécile Bost à propos des tests de QI

La pensée en arborescence d’après Fabrice Bak

La pensée en arborescence d’après Christel Petitcollin

Introduction

Les personnes ayant un mode de pensée linéaire ont une pensée qui suit la ligne du langage, ils ont une idée après l’autre, les idées se succèdent. Cette pensée est séquentielle, procède par étape, un peu comme une corde à nœuds : il y a un point de départ, un déroulement avec éventuellement de temps en temps un détail qui est analysé plus spécialement et une arrivée. Ces personnes ont principalement un, voire deux sens en éveil.

Les personnes ayant un mode de pensées en arborescence ont tous les sens en éveil même si un ou deux sens dominent. Le fait que tous les sens soient en éveil engendre une hypersensibilité. Plus les sens sont en éveil, plus l’hypersensibilité est importante. L’hypersensibilité influe directement sur les apprentissages, sur le profil pédagogique et sur la personnalité.

Ceux qui pensent en arborescence ont une pensée qui s’organise par une multitudes de ramifications. Ils fonctionnent par association d’idées, par analogies, utilisent des connaissances antérieures, la pensée ne s’arrête pas et créé des nouveaux réseaux en permanence, c’est un foisonnement infini. D’une idée de départ, la pensée part très rapidement dans différentes directions qui peuvent se rejoindre par des liens. Les différents réseaux peuvent s’activer simultanément. Ce type de fonctionnement favorise l’émergence de découvertes, de créativité dans tous les domaines, car avoir la possibilité de garder actives plusieurs informations et réseaux, permet la mise en rapport de tous ces éléments et leurs analyses conjointes.

C’est cette forme de pensée qu’ont les enfants surdoués, HP, EIP, précoce…Le terme de précoce fait supposer une avance qui disparaîtrait dans le temps. Or, d’une part le ‘’surdoué’’ ne prend pas forcément d’avance, il peut être en échec, et d’autre part il a surtout un mode de fonctionnement très différent qui lui façonne une personnalité vraiment très particulière qu’il gardera toute sa vie ! C’est pourquoi nous préférons le terme de ‘’zèbre’’ de Jeanne Siaud-Facchin car, finalement, comme les zèbres, ils sont tous uniques !

Le mode de fonctionnement différent du zèbre réside dans le fait qu’il conjugue en permanence son hypersensibilité à son hyperactivité cérébrale.

Il est très difficile pour l’école de s’adapter à ces enfants. D’ailleurs des inspecteurs reconnaissent l’impuissance des enseignants qui n’ont pas reçu de formation spécifique pour accompagner ces enfants.

Nous pensons qu’il est délicat de faire tester les enfants qui semblent concernés car l’aspect émotionnel à une très grande importance chez eux et est rarement pris en compte. Il faut vraiment trouver un professionnel qui connaisse bien ce profil afin que la personnalité de l’enfant soit prise en compte dans sa globalité. Les résultats ne sont donc pas forcément fiables dans le sens ou beaucoup d’enfants semblent avoir échoué à ces tests, alors qu’ils ont le profil. Le plus important est la manière de se servir de son intelligence et de son affect. Un enfant pensant en arborescence et hypersensible est forcément Zèbre/HP. Le test QI ne peut le définir.

Une famille nous dit un jour que son enfant n’était pas ‘’précoce’’ car il avait eu 129 au test de QI qui requiert 130 pour être considéré ‘’précoce’’ ou surdoué. Alors que, en échangeant avec la mère, il était évident que cet enfant avait toutes les caractéristiques de l’arborescent et était hypersensible. L’hypersensibilité peut faire échouer aux tests.

Ce qui est primordial, c’est que l’enfant sache en quoi il est différent des autres et qu’il comprenne comment il fonctionne.

Si dans certains cas, on peut parfois parler de haut potentiel, cela ne sous-entend absolument pas qu’il y ait, par conséquent, un sous potentiel. Le fonctionnement en arborescence et par analogie peut engendrer des résultats plus performants dans certains domaines : cela leur permet, par exemple, d’analyser une situation beaucoup plus rapidement que la moyenne. Le fonctionnement des arborescents n’a pourtant pas que des côtés positifs, loin de là, puisqu’ils vivent sous l’influence de leur hypersensibilité et de leurs émotions qu’il doivent apprendre à maîtriser et qu’ils sont souvent tiraillés par l’envie de ressembler aux autres…

Ni précocité, ni haut potentiel ne riment avec réussite. D’ailleurs, la scolarité n’est pas toujours facile puisque 1/3 de ces enfants est en échec scolaire complet, 1/3 s’en sort moyennement ou insuffisamment et 1/3 seulement s’en sort bien à très bien[4].

Intuitif ou déductif

Selon si l’arborescent est intuitif ou déductif, nous n’aurons pas du tout le même genre d’enfant.

L’arborescent intuitif trouvera, par exemple, très rapidement une solution à un problème de mathématiques mais il sera incapable d’expliquer comment il a trouvé ou cela lui prendra du temps. Il est incapable de restituer le cheminement logique qui l’a conduit au résultat. Il devra apprendre à raisonner sur le papier.

L’arborescent déductif a l’art et la manière, face à un problème de mathématique par exemple, de voir défiler dans sa tête toutes les solutions possibles et imaginables, différents chemins plausibles pour aboutir à une trop grande quantité de méthodes. Il peut passer du temps, voire beaucoup de temps, à essayer de choisir. Il peut commencer par en adopter une puis changer de méthode en cours de route. Il peut se mettre à angoisser si le temps lui est compté. Et au bout du compte, passer pour un enfant très lent alors qu’il a trop d’idées et doit apprendre à les maîtriser.

 

La pensée arborescente d’après Jeanne Siaud-Facchin

Jeanne Siaud-Facchin, psychologue clinicienne, dresse un portrait très complet de l’enfant à la pensée arborescente [1] qu’elle nomme ‘’zèbre’’.

Pour Jeanne Siaud-Facchin, la pensée arborescente est une intelligence particulière, un système différent qui s’accompagne toujours d’une hypersensibilité, d’une affectivité envahissante qui marquent la personnalité. Ces enfants ressentent très tôt qu’ils sont différents des autres et, en général l’acceptent mal, ils veulent ressembler aux autres. Les autres acceptent mal cette différence et c’est parfois l’origine d’agressivité voire de violence des autres envers les zèbres. Le mode de fonctionnement des arborescents donne une coloration particulière à leur personnalité car ils ont également un mode de raisonnement différent qui fait que leur intelligence est atypique. « C’est cette particularité qui rend souvent difficile son adaptation scolaire mais aussi son adaptation social »

Hypersensibilité, hyperesthésie

L’arborescent, de part sa sensibilité extrême, perçoit et analyse avec tous ses sens toutes les informations provenant de l’environnement qui l’assaillent en permanence. Il peut ressentir l’état émotionnel des autres et a une capacité d’empathie naturelle. Ses sens sont tous en éveil, très supérieurs et performants, il perçoit avec une acuité exceptionnelle. Cette exacerbation des sens, l’hyperesthésie, est liée à l’hypersensibilité. L’arborescent hypersensible est capable, par une exploration minutieuse et rapide, de distinguer de nombreux détails composant l’environnement, les physionomies, les détails vestimentaires… Ces détails étudiés peuvent être à l’origine de remarques, commentaires ou comportements de la part de l’arborescent qui peuvent être inexplicables par l’entourage. L’arborescent hypersensible peut enregistrer des sons de différentes provenances simultanément, peut également sentir des odeurs même légères et, surtout, peut les identifier, ce qui est habituellement une tâche difficile. De même, ils ont des capacités gustatives, surtout s’ils ont été habitués petits à des saveurs particulières. L’arborescent hypersensible, en général, aime aussi le contact physique, aime toucher les objets.

L’hyperesthésie « élargit considérablement la perception qu’a l’enfant surdoué du monde et exalte sa sensibilité. Il ressent, en qualité et en quantité, une multitude de choses imperceptibles à la plupart d’entre nous. De plus, l’information sensorielle est traitée avec une très grande rapidité ».L’hyperesthésie est aussi à l’origine de comportement plus marqué comme l’enthousiasme, la peur, l’angoisse. Cet emballement émotionnel peut être considéré comme exagéré. Le zèbre est une véritable éponge émotionnelle, avec des réactions épidermiques, une sensibilité à fleur de peau, c’est un écorché vif qui vit en état d’alerte permanent.

De part ses sens aiguisés, sa sensibilité et sa perspicacité intellectuelle, le zèbre est d’une grande lucidité envers son environnement, lui-même et les autres. Mais « la lucidité sur les êtres qui nous entourent est source d’inquiétude. L’enfant surdoué perçoit la fragilité des autres, ressent leur souffrance, leurs faiblesses. Quand on est enfant, on a besoin, au contraire, de sentir que les adultes sont solides, qu’ils peuvent nous protéger, nous réconforter de nos propres inquiétudes, nous soulager de nos propres blessures. Comment grandir sereinement lorsque ces adultes censés être psychologiquement forts sont perçus par l’enfant comme des personnes souvent plus fragiles qu’ils ne le sont eux-mêmes ? Comment se sentir rassuré par des adultes dont on ressent la propre peur ? Comment s’appuyer sur celui dont on a compris la fragilité ? Par contre, l’enfant surdoué aura un amour, une passion sans borne pour un adulte dont il ressentira la solidité et la capacité à surmonter ses faiblesses. Pour lui, cet adulte-là devient un véritable héros ». A cause de cela, le zèbre cherche constamment à tester les limites des adultes afin de savoir s’il peut compter sur eux.

« L’hypersensibilité s’observe chez tous les enfants surdoués. Elle est plus ou moins perceptible selon les aménagements effectués par l’enfant, c’est-à-dire selon ses capacités à gérer, équilibrer, doser cette sensibilité. L’hypersensibilité est à la fois un atout, par la finesse perceptive de l’environnement qu’elle permet, mais aussi une source de souffrances et de blessures affectives ». Leur émotivité est telle qu’il peut mettre en place des stratégies et des mécanismes de défense pour se protéger. C’est pourquoi le développement affectif est fragilisé et qu’ils sont vulnérables psychologiquement. Leur maturité est également différente. Pour Jeanne Siaud-Facchin, il est courant de confondre maturité et sensibilité. Le zèbre fonctionne avec affectivité, tout transite par le cœur. Il peut avoir des réactions émotionnelles exacerbées qui peuvent être interprétées comme de l’immaturité, ce qui n’est pas le cas. La maturité n’est pas le refoulement de son affectivité ! Le zèbre est hyper réceptif, et il le sera toujours ! Face à tout ce ressenti qu’ils sont seuls à ressentir, les zèbres peuvent sembler au mieux être bizarres, au pire être fous. Le doute est toujours présent. En outre, « l’enfant consacre une énergie importante à contrôler ses émotions pour ne pas se laisser envahir ».

« Les particularités du fonctionnement affectif de l’enfant surdoué sont à la fois une force et une fragilité de son développement psychologique. Ces caractéristiques sont communes à l’ensemble des enfants surdoués et constituent des éléments de diagnostic. Les singularités affectives pèsent de façon aussi importante dans la personnalité de l’enfant surdoué que ses singularités intellectuelles ». Ces caractéristiques affectives – hypersensibilité émotionnelle, empathie, lucidité – serviront de base à la construction de l’identité du zèbre.

Construction de l’identité

Pour Jeanne Siaud-Facchin, l’identité est d’avoir la possibilité d’être toujours le même et à la fois pouvoir évoluer et s’adapter aux différents événements de la vie, être toujours pareil en étant différent.La construction de l’image de soi passe par la capacité de se représenter ce que l’on est, ce que l’on ressent être. « L’image de soi est la résultante de la confrontation entre le sentiment de soi, les attentes du monde extérieur et les idéaux du moi ».Dans ce cadre, Jeanne Siaud-Facchin insiste sur le fait qu’il est très important d’adresser le plus souvent possible des messages positifs aux enfants et à quel point il faut être vigilant aux messages négatifs qui peuvent s’adresser à l’enfant au lieu de s’adresser à l’acte. Préférez ‘’ce que tu as dit est un mensonge’’ plutôt que ‘’tu es un menteur’’.

« Au contraire, plus un enfant recevra de messages valorisants, plus l’image qu’il se construira de lui-même sera stable et solide et plus il sera à même d’affronter le monde avec une force tranquille et sereine. Et dans la plus grande humilité car il n’aura pas besoin de lutter contre les autres pour se sentir exister ».

Enfin, Jeanne Siaud-Facchin affirme qu’une « bonne estime de soi est un facteur essentiel d’équilibre psychologique et un moteur de réussite dans la vie. L‘estime de soi comporte une dimension essentielle : la croyance dans la possibilité d’être aimé ».

Construire son identité, c’est à la fois se sentir unique et à la fois se sentir partie intégrante d’un groupe. C’est ce qui sera le plus délicat pour le zèbre. Il sera tentant pour lui de renier sa réelle identité pour ressembler aux autres, ce qu’elle appelle un faux self qui crée un conflit interne permanent. L’enfant peut aussi se créer un faux self pour plaire et répondre aux désirs de ses parents par exemple.

L’entrée en maternelle peut être le révélateur du décalage entre le zèbre et son environnement social, d’une part à cause du mode de pensée des autres si différent du sien et d’autre part de la trop grande différence avec le système de pensée scolaire. Tout cela peut engendrer une perte de confiance et d’estime de soi très forte. Le zèbre est partagé entre adopter le système de pensée des autres qui semble convenir mais semble moins intéressant ou garder le sien.

Pour Jeanne Siaud-Facchin, il est impératif que le zèbres puissent être identifiés afin de leur expliquer leur fonctionnement et leur permettre d’adopter des stratégies d’adaptation. Celles-ci doivent être adaptées à la réalité sous peine de devenir excessives et pathologiques. En effet, pour Jeanne Siaud-Facchin, le QI n’est pas une mesure de l’intelligence, mais une évaluation des capacités intellectuelles.

Le zèbre met en place des mécanismes de défense qui sont de trois ordres : la défense par la cognition, l’humour et le développement d’un monde interne hermétique aux autres.

– La défense par la cognition est le fait de faire passer toutes les données émotionnelles par l’intellectuel, la logique, le raisonnement et l’explication rationnelle. Cela a l’avantage de pouvoir « soustraire toute marque affective à une situation, de désactiver la charge émotionnelle, de mettre à distance les angoisses ». L’inconvénient est le repli sur soi, la construction d’une identité désaffectivée. L’enfant peut se réfugier dans la sphère intellectuelle ou sombrer dans le cynisme.

– L’humour permet de garder à distance l’affectif sans le supprimer mais le zèbre ne l’apprécie pas à son égard.

– La création d’un monde interne protecteur se fait par le zèbre à son image. Il est basé sur la réalité mais les règles et les rapports humains sont établis en fonction de ses aspirations. Ce monde est un refuge protecteur qui permet à l’enfant de prendre du recul par rapport aux données émotionnelles qu’il reçoit. Jeanne Siaud-Facchin encourage les parents à respecter le monde de l’enfant car c’est une nécessité pour sa vie. Les parents peuvent aider l’enfant en créant des ponts entre ses deux mondes et en l’aidant à les faire cohabiter.

Les apports récents de la neuropsychologie, des neurosciences et de la neurobiologie du cerveau aident à mieux comprendre les différences de procédures de raisonnement, compréhension, mémorisation, construction et élaboration de connaissances. La grande difficulté réside là : les différences sont telles qu’elles sont difficilement compréhensibles pour un ‘’normaux-pensant’’. Une grande difficulté pour tous est de comprendre que nous pensons tous différemment. Nous sommes convaincus que les autres pensent comme nous, ce qui peut entraîner des problèmes de communication et de compréhension, même avec des proches, problèmes parfois insurmontables.

Dans certains contexte culturels, familiaux, sociaux comme l’école, il existe un certains nombres de codes implicites que chacun est censé connaître et respecter. Il est très difficile pour un arborescent de percevoir ces codes car les siens sont différents. D’où des interprétations erronées et une incompréhension des consignes, ce qui peut être pris pour de l’insolence ou de la provocation par l’enseignant. Il est en effet très déroutant d’être confronté à un enfant qui montre souvent des connaissances à l’oral et une certaine aisance dans son savoir, et de le voir dans la confusion ou l’incompréhension face à un énoncé. Ses codes étant différents, il interprète l’énoncé avec ses codes et non avec ceux du contexte. Jeanne Siaud-Facchin rapporte cet exemple : « A la question ‘’qu’est-ce qui fait que le fer rouille ?’’, dans un test d’intelligence, une adolescente surdouée de 13 ans répond, perplexe : ‘’Je ne sais pas’’. Pourtant après investigation complémentaire : ‘’Qu’est-ce que c’est que tu ne sais pas ?’’, elle répond sereinement : ‘’Je ne connais pas le processus chimique qui permet d’expliquer l’oxydation !’’. La réponse ‘’oxydation’’ était pour elle une non-réponse, c’est-à-dire que ce ne pouvait être la réponse attendue tellement il s’agissait pour elle d’une évidence partagée de tous ».

L’enfant interprète souvent littéralement le sens des mots et applique à la lettre les consignes. Jeanne Siaud-Facchin nous donne aussi l’exemple d’un enfant de CM2 à qui la maîtresse demande de faire un triangle isocèle, un carré et un losange aux dimensions précises. L’implicite voulait que les enfants interprètent le verbe faire au sens de dessiner. Cet enfant, après les avoir dessinés en respectant les dimensions, les a rendus à la maîtresse découpés et reliés par un trombone. Excédée, celle-ci lui demande comment elle va faire pour les reconnaître. Il répond naïvement : « Alors, toi tu me demandes de faire ces figures et tu ne sais pas les reconnaître ? ». Imaginez le problème d’incompréhension avec la maîtresse et celui entre celle-ci et les parents qui fonctionneraient comme elle ? Cela peut être une source de conflits inextricables.

La principale préoccupation du zèbre est de donner du sens à tout ce qui l’entoure ! Il a une curiosité insatiable et un grand besoin de comprendre le monde et les autres. D’où ses questionnements incessants car l’incertitude l’inquiète et le déstabilise. Il faut qu’il maîtrise sa pensée qui nécessite une précision absolue. Une grande mission pour les parents peut consister à aider l’enfant à lui faire comprendre que de se tromper, ne pas tout connaître ou même avoir tort n’est pas dramatique pour lui et peut permettre des ouvertures, de voir les choses sous un autre angle. Il faut l’aider à gérer l’incertitude. Par contre, le zèbre décortique chaque mot utilisé et veut donner un sens à tout ce qui est dit. Chaque parole, chaque expression utilisée a forcément un sens. Chaque mot employé doit être précis, chaque idée exprimée doit être claire. Il est donc en permanence en hyper vigilance.

Les apprentissages scolaires

Le zèbre a en général une facilité déconcertante avec l’apprentissage des nombres et comprend très rapidement l’utilité de leur connaissance. Petit, il aime jongler avec eux et se plait à jouer à les doubler jusqu’à de très grands nombres. La première grande difficulté résidera dans l’apprentissage des tables de multiplication, non pas parce qu’il est incapable de les mémoriser mais parce que c’est inutile pour lui car il adopte des stratégies différentes ultra rapide basées sur l’addition et la soustraction tout en étant incapable d’expliquer son raisonnement. Ce procédé convient dans les classes de primaire et de début de collège mais ne convient plus à la fin du collège car l’école lui demande de développer son raisonnement et de justifier ses réponses. Il ne sait pas le faire ! Pour le zèbre « Les résultats apparaissent sur l’écran mental de l’enfant surdoué sans qu’il ait pu prendre conscience du cheminement qui l’a conduit à obtenir cette réponse. C’est une fonction émergente de son système de pensée : des associations et des activations de données se sont produites en deçà du seuil de conscience. Le résultat est le produit de ce travail ultrarapide et inaccessible à la représentation. De plus, le résultat étant juste, l’enfant ne peut ressentir la nécessité de reprendre le processus qui a pu conduire au résultat : c’est évident ! ». Les modalités de pensées standardisées du système scolaire ne correspondent pas du tout à ses modalités de pensées à lui. Malgré cela, il est bon de laisser l’enfant s’approprier les processus d’apprentissage à sa manière, puis de le questionner très tôt sur son raisonnement, qu’il prenne conscience de sa manière de penser puis de découvrir comment les autres pensent. Il pourra alors se contraindre à appliquer les règles imposées indispensables.

La pensée en arborescence du zèbre favorise l’activation simultanée de divers réseaux d’idées. Toute information est traitée par associations d’idées et par analogie. Une autre grande difficulté pour le zèbre est l’absence de cadre qui lui permette d’organiser, structurer et exprimer sa pensée complexe. « La pensée en réseaux est à la fois une force et une faiblesse. Elle diffère dans le fond et dans la forme de la pensée linéaire qui permet une structure logique de la pensée ».La pensée arborescente permet donc d’activer simultanément plusieurs réseaux en parallèle qui font émerger de nouvelles idées qui peuvent déclencher de nouveaux réseaux et est propice à la créativité. Ces liens peuvent s’associer avec des acquisitions et des connaissances antérieures, disponibles dans le même espace-temps. De par ces associations et connexions multiples qui se confrontent, ce mode de fonctionnement permet l’émergence d’idées géniales, de découvertes, d’inventions. « Un fonctionnement linéaire de la pensée, en réduisant à l’information pertinente chaque étape de la pensée est moins propice à la créativité mais beaucoup plus efficace dans un cadre scolaire »La complexité de la pensée du zèbre rend difficile la sélection de l’information pertinente. C’est la raison pour laquelle, par exemple, l’enfant aura du mal avec les rédactions dont le sujet va déclencher un afflux de données qui l’empêcheront de démarrer et l’empêcheront de fournir le devoir structuré attendu ou il partira sur une idée en oubliant le sujet. Pour les adultes linéaires, ce mode de fonctionnement peut être assimilé à un tempérament rêveur ou a un déficit de l’attention. De plus, il « est le principal responsable du manque de structure et d’organisation de la production écrite et de l’éparpillement de la restitution des connaissances à l’écrit comme à l’oral ».

Cette pensée divergente est créative, originale et rarement conforme à ce qui est attendu, dans un contexte scolaire notamment. « La possibilité d’utiliser sa pensée divergente est indispensable à l’équilibre de cet enfant dont la pensée ne peut être constamment verrouillée par l’impérialisme du cerveau gauche. Brimer cette spécificité de son fonctionnement cognitif peut rétrécir considérablement son espace de pensée et sa possibilité d’expression intellectuelle ».La pensée arborescente est une composante génétique qui peut être optimisée et devenir performante comme n’importe quelle disposition mais elle ne pourra s’affirmer si elle n’est pas exploitée. Ce mode de fonctionnement ne peut pas s’acquérir. On l’a de naissance pour toute la vie ou on ne l’a pas.

La dimension émotionnelle est une dimension essentielle chez les arborescents et l’affectif est présent à chaque instant. Par exemple, un zèbre sera influencé par son lien affectif avec les professeurs. Un affectif positif entraînera de bons résultats, un affectif négatif, de mauvais. D’où des résultats très fluctuants d’une année sur l’autre pour une même matière.

Comment doit faire un zèbre pour réussir à l’école ? Une surdouée livre ses clefs de la réussite : écouter en cours ; participer ; prendre du plaisir à faire marcher sa pensée ; accepter les règles de restitution scolaire (façon de faire demandée par l’école et qui permettra d’avoir une bonne note). Mais force est de constater que beaucoup de zèbres n’arrivent pas à s’adapter, ils délaissent le plaisir d’activer leur intelligence, pour même sombrer dans la phobie scolaire. Ils se sabordent pour être comme les autres, être intégrés au groupe. Pour Jeanne Siaud-Facchin, c’est un peu à cause de l’école car elle est censée tenir compte des différences. Or, il n’y a pas toujours l’effort nécessaire d’admettre qu’ils sont différents dans leur intelligence et non pas plus intelligent, le manque de travail et d’effort sont souvent considérés comme responsables de l’échec, l’enseignement n’est pas remis en question. Mais ce n’est pas toujours à cause des enseignants qui ne sont pas formés pour cela et il est difficile de savoir comment s’y prendre avec ces enfants car il y a encore trop peu d’études à ce sujet.

« Or, dans nos sociétés, l’école et son système restent des parcours incontournables pour atteindre le pallier supérieur qui permettra de choisir la voie convenant à l’enfant et dans laquelle il pourra exprimer son intelligence dans toute sa richesse, sa créativité et sa singularité. Ce n’est qu’après ce parcours périlleux que l’intelligence pourra se débrider et que le plaisir d’exploiter ses ressources intellectuelles pourra atteindre son plein épanouissement. C’est également à ce prix que l’adulte surdoué pourra trouver l’accomplissement dans son activité professionnelle et la satisfaction d’avoir réussi sa vie. L’adulte surdoué à la scolarité tumultueuse ressent toujours une amertume de n’avoir pu utiliser son intelligence dans la réalisation d’un projet professionnel et garde au fond de lui une souffrance profonde d’avoir ‘’tué’’ une partie de lui-même ».Il faut faire comprendre à l’enfant qu’il pense différemment, qu’il a le droit de penser différemment, que l’on accepte ce fait mais que le système scolaire est différent, et que c’est un passage obligatoire pour parvenir aux stades supérieurs et qu’il pourra utiliser son propre système plus tard à travers son activité professionnelle.

Jeanne Siaud-Facchin ne pense pas que l’IEF soit une bonne solution pour les zèbres et pense que l’école est incontournable. A CISE, nous sommes convaincus que l’IEF est une solution, néanmoins l’adaptation aux codes scolaires reste incontournable pour l’obtention des diplômes. Mais, ceux-ci ne sont pas forcément incontournables, loin s’en faut, tout dépendra du projet professionnel de l’enfant.

Nous pensons également que, pour certains enfants, essayer de se fondre dans le moule de l’EN reviendrait vraiment à étouffer leur réelle personnalité. Tous ne sont pas capables de se prendre au jeu sans se renier.

Il ne s’agit pas pour l’enfant de se renier, mais de se prendre au jeu de décoder les demandes scolaires d’un système conçu pour le plus grand nombre dans le but d’avoir de bonnes notes et de ‘’réussir’’. Jeanne Siaud-Facchin imagine une école ou le partage des modes de pensées serait de mise : les zèbres feraient l’effort de comprendre le mode de fonctionnement qui convient au plus grand nombre et ils pourraient expliquer aux autres leur mode de fonctionnement pour un enrichissement mutuel et une ouverture à la diversité.

Tout cela empêchera rarement l’ennui de s’installer ! L’ennui est le désœuvrement, le manque d’intérêt d’une chose. Il ne s’agit pas là de manque d’intérêt sur ce qui est enseigné mais de la façon dont cela est enseigné : la répétition, le rythme des leçons, la simplification des contenus, le découpage en petites unités d’apprentissage (contraire à sa vision globale : il vaut mieux présenter toute une leçon dans sa globalité ou un chapitre quitte à revenir sur des détails), l’obligation de rester dans le cadre d’apprentissage imposé, l’impossibilité d’intégrer des connaissances hors programmes… Tout à l’école est fait pour que les apprentissages soient simplifiés, mis à la portée du plus grand nombre . « les apprentissages sont prédigérés afin d’être bien intégrés ».

Or, c’est exactement ce qui ne convient pas aux zèbres qui sont attirés par la complexité ! La simplification n’éveille aucune curiosité, aucune stimulation, aucune motivation : il n’accroche pas ? Il décroche. Cela produit de l’agitation, du bavardage, des troubles du comportement et aussi une forme d’agressivité. Celle-ci nait de la frustration de ne pas pouvoir utiliser son intelligence, ses compétences.

Le zèbre a besoin de complexité pour être motivé, se concentrer et s’impliquer « plus c’est difficile, plus on cherche, mieux c’est ! ».

Jeanne Siaud-Facchin raconte que quelques enseignants audacieux présentent à des 6ème les devoirs du brevet des collèges afin d’amener les enfants à se demander de quels outils, quelles compétences et quelles connaissances ils ont besoin pour résoudre ces problèmes. L’enfant va ainsi redescendre les marches des difficultés jusqu’à leur niveau de connaissance et il aura envie de surmonter ces difficultés.

L’instructeur peut proposer un problème à l’enfant et ouvrir le dialogue par des questions comme « Tu sais comment il faut faire toi ? », « Tu as une idée ? ». Si l’enfant retourne les questions vers l’adulte « comment je pourrais faire ? » « Tu sais le faire toi ? », celui-ci peut devenir un partenaire et on cherche ensemble. Jeanne Siaud-Facchin recommande ce mode de fonctionnement pour la maison : ne pas hésiter à dire si on ne sait pas, c’est un challenge très motivant pour l’enfant que de trouver ensemble. Elle préconise également de replacer les notions dans leur contexte et de créer des ponts entre les matières. A éviter avec un zèbre : donner une réponse floue, dire « parce que c’est comme ça ».

En fait, c’est exactement ce qui se produit bien souvent en IEF ! Les parents ne maîtrisent pas toutes les notions ou sont limités dans un certain domaine que l’enfant veut approfondir, alors on cherche ensemble. L’enfant apprend ainsi à chercher et cela contribue à donner du sens, donnée indispensable pour ces enfants car il ne peut se conformer que s’il comprend à quoi ça sert.

Jeanne Siaud-Facchin constate que souvent le zèbre cumule des problèmes d’écriture, de dyslexie et d’orthographe. Les problèmes d’écriture peuvent être dus au décalage entre le développement du langage et le développement psychomoteur, au décalage temporel entre la rapidité de la pensée et le geste graphique ou aux attentes de l’école trop exigeantes pour leur réelles capacités (attention tout de même aux troubles visuospatial et/ou visuoconstructif possibles !). Mais, l’écriture est pour certains un véritable plaisir, plaisir de communiquer leur pensée à travers poèmes, récits, nouvelles… La dyslexie et la dysorthographie sont souvent liées chez le zèbre qui, au cours d’une dictée par exemple, voit les mots dans sa tête mais… en images !

Le plus important avec le zèbre est qu’il soit motivé ! La motivation s‘active avec un projet clair, un but précis et elle correspond à un projet personnel. La motivation déclenche les actions nécessaires pour arriver au but fixé et engendre l’effort indispensable à la réussite. La motivation peut être extrinsèque, ce que l’enfant va obtenir vis-à-vis des autres, ou intrinsèque, ce que l’enfant va éprouver comme plaisir, satisfaction. Pour l’instruction, c’est la motivation intrinsèque qui est de loin la plus efficace et qui ouvre la porte à l’autonomie.

Pour qu’il y ait motivation, il faut que l’enfant soit reconnu dans ses compétences, qu’il réussisse d’abord dans ses compétences et qu’il soit beaucoup encouragé et félicité !« Plus vous manifestez votre plaisir de le voir réussir, plus il a envie de renouveler son exploit. Une autre réussite s’enchaînera sur celle-ci si elle a été suffisamment valorisée. En revanche, minimisez les échecs : la valorisation de la réussite est beaucoup plus efficace que la sanction des échecs ».Un zèbre est peu sensible à la punition mais hyper réceptif à la gratification.

Toutes ces difficultés peuvent entraîner une démotivation qui fait assimiler le zèbre au trouble de l’attention (c’est parfois possible). Pour les enfants porteurs du trouble de l’attention, celui-ci est présent en permanence pour tout ce que cet enfant essaiera de faire, même pour des tâches qui l’intéressent. Pour le zèbre, ce sera peut être une démotivation pour certaines tâches avant même de les commencer mais il peut être hyperconcentré pour des tâches dont il est passionné.

Le zèbre est, de par son fonctionnement, suractif en général, même lorsqu’il écoute quelqu’un ou quelque chose. Il peut dessiner, écouter de la musique, … tout en écoutant ou en travaillant, il peut sauter sur son lit tout en récitant sa leçon. Il a besoin de faire plusieurs choses à la fois, de mobiliser son attention sur plusieurs canaux, certains ne seront pas nécessaires et un le sera pour la tâche à accomplir. C’est comme ça ! Si l’ambiance, comme à l’école par exemple, ne lui permet pas d’avoir des canaux non nécessaires d’ouverts, il ne pourra pas écouter, être attentif et il partira dans ses rêves.

Pour la concentration du zèbre, il y a une autre composante essentielle : c’est la dimension affective. En effet, il peut se montrer attentif et concentré envers quelqu’un pour qui il a de l’estime et est capable de rester tranquille, sans rien faire, pour faire plaisir à cette personne.Ces enfants sont peu touchés par la crainte de l’autorité ou de la sanction mais sont touchés par le renforcement positif.

Toutes ces différences ont besoin d’un enseignement différent.« Adapter une pédagogie aux enfants surdoués signifie replacer la dynamique de l’apprentissage au centre du problème. C’est par rapport aux modalités d’apprentissage que l’élève surdoué rencontre les plus grandes difficultés. Il est curieux et motivé par les nouvelles connaissances. Il peut être passionné et impatient d’apprendre. Mais pas sous la forme proposée par l’école. Parce que ces modalités sont trop différentes et éloignées de sa façon d’apprendre. Il a besoin de modalités d’apprentissage adaptées à son fonctionnement pour investir l’apprentissage et s’approprier les connaissances. Sinon, le plus souvent, il n’y arrive pas. C’est le paradoxe fondamental ».

[1]Dans son livre L’enfant surdouéLivre très complet sur les différents aspects de cette personnalité particulière

La pensée en arborescence d’après Cécile Bost à propos des tests de QI

A propos des Tests de QI…

C’est un sujet qui revient régulièrement sur les listes… Devant le comportement de leur enfant, le décalage qui peut être observé par rapport à ses pairs, des parents se demandent parfois : et s’il était précoce ? Faut-il que nous le fassions tester ?

Tout d’abord, nous l’avons déjà dit, le terme de précoce n’est pas approprié puisqu’il induit que l’enfant a de l’avance à un moment donné et que cette avance disparaîtra au fil des années. Personnellement, j’aime bien le terme de ‘zèbre’’ de Jeanne Siaud-Facchin puisqu’a priori les zèbres se ressemblent mais aucun n’est identique. Un zèbre a donc une intelligence différente qu’il gardera toute sa vie et qui en fait un être différent.

Mais qu’est-ce que l’intelligence ? Pour Confucius : « Savoir que l’on sait ce que l’on sait, et savoir que l’on ne sait pas ce que l’on ne sait pas : voilà la véritable intelligence ». D’après le dictionnaire Larousse.fr, l’intelligence est : « L’ensemble des fonctions mentales ayant pour objet la connaissance conceptuelle et rationnelle ; l’aptitude d’un être humain à s’adapter à une situation ; à choisir des moyens d’action en fonction des circonstances, être considéré dans ses aptitudes intellectuelles en tant qu’être pensant ; manifester dans un domaine donné un souci de comprendre, de réfléchir, de connaître et d’adapter facilement son comportement à ces finalités ; la capacité de saisir une chose par la pensée ».

fr.wiktionary.org propose cette étymologie : « emprunté au latin intelligentia, « faculté de percevoir, compréhension, intelligence », dérivé de intellegere « discerner, saisir, comprendre », composé du préfixe inter « entre » et du verbe legere « cueillir, choisir, lire ». Étymologiquement, l’intelligence consiste à faire un choix, une sélection ». Comme Cécile Bost le note dans son livre Différence et souffrance de l’adulte surdoué, l’intelligence n’est pas seulement la faculté de comprendre mais aussi et d’abord de discerner et de saisir tout ce qui nous entoure.

Sachant que les deux grandes particularités du zèbre sont la pensée en arborescence et l’hyperesthésie, soit une très grande perception sensorielle puisque le zèbre a ses cinq sens constamment en éveil contrairement aux linéaires qui n’en ont que un ou deux, est-ce que les tests de QI qui existent aujourd’hui sont capables de les identifier ? Regardons de plus près l’historique de ces tests grâce à Cécile Bost qui a laissé la parole sur son site à Stéphanie Aubertin, neuropsychologue chez I-Cog, une structure aixoise qui s’occupe du handicap cognitif.

Histoire des tests du QI et des notions d’intelligence

1904 – Les tests d’intelligence ont été inventés en France par Alfred Binet afin d’aider le ministère de l’Education qui souhaitait dépister les enfants déficients afin de les prendre en charge. A l’époque, le contexte économique étant à l’utilisation grandissante de machines, c’est l’intelligence logico-mathématique qui a servi de référence car elle était adaptée à cette demande. Il faut savoir qu’à l’époque, l’utilisation de cette forme d’intelligence n’était pas un choix car tout le monde croyait en une seule forme d’intelligence. Ce qui a été déterminant dans le choix du contenu des tests a donc été le contexte économique. Binet a donc lancé l’idée d’âge mental.

1912 – Stern propose de pondérer l’âge mental sur l’âge chronologique de l’enfant. C’est ainsi que le Quotient Intellectuel est né.

1931 – Thurstone lance l’idée de sept facteurs indépendants : verbal, numérique, spatial, mémoire, induction, déduction et fluidité verbale. Il appela ces facteurs des aptitudes primaires.

1983 / 1996 – Howard Gardner développe une forme pluraliste de l’intelligence en partant du principe qu’il existe des créateurs géniaux mais dans un seul domaine, qu’il existe des “idiots savants” ou “autistes géniaux” qui possèdent des capacités intellectuelles médiocres par ailleurs, et que des lésions cérébrales précises n’affectent que l’intelligence d’un domaine précis. Il identifie alors huit formes d’intelligence : verbale-linguistique, logico-mathématique, visuelle-spatiale, corporelle-kinesthésique, musicale-rythmique, interpersonnelle et intra-personnelle puis plus tard naturaliste.

1985 / 2003 – Sternberg élabore une théorie triarchique de l’intelligence en travaillant sur la notion d’intelligence et sur son évaluation. Ces trois formes d’intelligence sont l’intelligence analytique relative au fonctionnement des composantes du traitement de l’information, l’intelligence pratique relative à l’application pratique et concrète des composantes de l’aspect interne à un contexte environnemental donné et l’intelligence créative relative à l’aspect expérientiel. Ces 3 formes d’intelligence sont présentes chez tous mais généralement il y en a une de plus prégnante. Pour Cécile Bost , cette théorie est complémentaire de celle d’Howard Gardner.

Nous pouvons constater que la ou les notions d’intelligence ont évolué et qu’elles continueront certainement à évoluer encore avec les progrès scientifiques d’imagerie ou autres. Cécile Bost, auteure de Différence et souffrance de l’adulte surdoué , affirme : « Avant tout, il faut savoir qu’il n’existe pas de consensus sur ce qu’est l’intelligence, et par conséquent, pas de consensus sur la mesure de celle-ci. Il en résulte qu’il existe plusieurs théories de l’intelligence. Cependant, s’il n’existe pas de consensus sur une définition exacte de l’intelligence, les chercheurs admettent tout de même ce point : l’intelligence est ce qui nous permet de nous adapter à notre environnement ». En conséquence, je pense qu’il est difficile de considérer que les tests sont réellement objectifs. C’est pourquoi d’ailleurs les psychologues qui connaissent bien le sujet ne se servent des tests de QI que comme un outil parmi beaucoup d’autres. Les tests de QI ne peuvent à eux seuls déterminer si une personne est zèbre ou non, ils peuvent seulement ‘’aider à’’.

Pour Cécile Bost « le surdon ne se résume pas à une ‘’note’’ à un test de QI. Le surdon doit également prendre en compte l’intelligence émotionnelle (QE) et l’intelligence relationnelle / sociale (QS). Sur son site [1], Cécile Bost dit avoir entendu au cours d’une émission sur Télématin que les tests de QI sont biaisés et ne prennent pas en compte les difficultés de ceux qui les passent ! « Certaines recherches remettent en cause l’efficacité des tests de QI ». Elle cite également le site du Réseau National des Psychologues qui écrivait en 2005 que les demandes de test de QI « s’appuient le plus souvent sur une conception réductrice et dépassée de l’intelligence, considérée comme unidimensionnelle, statique et facilement mesurable. Avec parallèlement l’idée fausse que cette ‘’intelligence’’ est seule déterminante dans les difficultés qu’un enfant peut présenter à un moment de son histoire ». Elle cite également le psychiatre et psychothérapeute suisse Pierre-Alain Matile : « Le diagnostic de HP reposait jusqu’ici sur une approche quantitative par les seuls tests de QI. Un résultat de QI supérieur à 130, voire parfois 125, suffisait à établir le haut potentiel. L’inconvénient qui en découle : ce n’est pas le QI qui fait le haut potentiel, il s’agit en fait d’un symptôme, sans plus. De plus, il existe mille et une façons d’échouer à un test de QI et de se voir ainsi renvoyer dans ses foyers avec un péremptoire ‘’cherchez ailleurs !!!’’ ».

Bien choisir le professionnel

Personnellement, j’ai plusieurs fois été confrontée à des situations où des psychologues n’avaient pas reconnu le surdouement d’un enfant car il avait échoué aux fameux tests. Je pense à une maman que j’ai eue au téléphone un jour et qui avait un petit garçon malheureux à l’école. Je l’ai écoutée longuement me parler des difficultés auxquelles son fils était confronté. Plus les exemples s’ajoutaient, plus je me disais que ce petit devait être un zèbre. Au bout d’un certain temps, je me risquais à lui demander si elle avait déjà pensé au surdouement. Elle me dit que oui, qu’elle s’était posé la question avec son mari et qu’ils avaient consulté dans ce sens. Son fils avait passé les tests de QI mais le psychologue de service, peut-être bien intentionné mais incompétent en la matière, avait annoncé que le garçon ne pouvait pas être précoce car il n’avait eu que 129 de résultat !!!! Eh oui, il faut 130 pour être surdoué ! Voyez-vous l’absurdité de la chose ? J’ai alors posé quelques questions à la maman afin de mieux comprendre le fonctionnement de l’enfant. Toutes les caractéristiques étaient bien présentes. J’ai donc conseillé à la maman de consulter un autre professionnel vraiment compétent dans ce domaine et surtout de lire quelques ouvrages dont je lui ai donné les références afin qu’elle se fasse elle-même son opinion car elle seule pouvait voir son garçon dans sa globalité. Je pense aussi à une amie dont il était évident pour moi que son fils était un zèbre mais le diagnostic posé par un premier psychologue clinicien n’a pas révélé son profil. Je me suis permise d’insister, de lui faire lire des articles. Finalement, elle s’est décidée à consulter un autre spécialiste qui a bien révélé le surdouement de l’enfant.

Il est donc important de bien se renseigner sur la manière dont les recherches sont effectuées et de s’assurer que la personnalité de l’enfant est bien prise dans sa globalité.

En effet, en France, c’est généralement l’unique base de l’intelligence qui est utilisée. En 2000, dans une revue de la littérature, Ziegler et Raul ont relevé 5 domaines d’identification utilisés par les recherches aux Etats-Unis : l’intelligence ; les performances extrêmes (récompenses scolaires, profes- sionnelles et sportives, honneurs et récompenses par les pairs, les collègues… ) ; la créativité (capacité à réaliser des productions originales et adaptées aux contraintes d’une situation, d’une tâche ou d’un problème) ; la personnalité (inhibition intellectuelle, déficit d’estime de soi, phobie, trouble cognitif ) et les intérêts et les valeurs.

Pour identifier les zèbres, Ziegler et Raul ont également répertorié 6 types d’outils d’évaluation utilisés par les chercheurs : épreuves standardisées, entretien clinique, questionnaires (ou check lists), échelles d’évaluation, productions personnelles, observation du comportement.

La France utilise les épreuves standardisées comme les échelles de Wechsler (WPPSI, WISC et WAIS selon l’âge). Certains psychologues utilisent également le K-ABC qui s’attache à identifier chez les enfants le processus mental privilégié (séquentiel vs simultané), les Matrices progressives de Raven qui mesurent l’intelligence fluide (le raisonnement) ou encore l’Echelle de développement de la pensée logique (EPL).Il faut citer également les Tests de Pensée Créative de Torrance qui évaluent la capacité à trouver des idées originales et qui concernent donc le versant Créativité de l’identification du HP. L’entretien clinique est très peu utilisé. Pour les échelles, il n’y a guère que l’inventaire d’identification de Terrassier qui existe, alors qu’aux Etats-Unis, il en existe plusieurs. De plus, l’Inventaire de Terrassier n’a jamais fait l’objet d’une validation empirique. Stéphanie Aubertin rappelle que la motivation joue un rôle primordial chez les enfants. En effet, un adulte passe en général les tests à sa demande, alors que ce n’est pas forcément le cas d’un enfant qui ne donnera donc pas le meilleur de lui-même et ses performances ne refléteront pas la réalité.

Elle explique aussi que pour l’enfant, il faut qu’il soit attentif aux consignes. « Dans le milieu scolaire, les enfants ont souvent une mauvaise note non pas parce qu’ils n’ont pas compris la leçon, mais parce qu’ils n’ont pas compris la consigne. De même, lors d’un test de QI, un sujet peut ne pas appréhender correctement ce qu’on lui demande, et il n’osera pas demander de reformuler. Croyez-moi, cela arrive souvent ! ». L’enfant « peut aussi ne pas prendre en compte l’intégralité de ce qu’implique la tâche : je pense ici à tous les subtests chronométrés où certains sujets n’ont pas intégré qu’il fallait aller vite, et prennent leur temps ; ils perdent ainsi des points ».

Finalement, les tests de QI sont-ils utiles ?

Tous ceux qui sont concernés conviendront que c’est épuisant pour un zèbre d’essayer de comprendre pourquoi il y a un décalage permanent avec la majorité des autres. Il y a à la fois un désir de vouloir ressembler à la majorité, le zèbre s’épuise alors à essayer de comprendre comment fonctionnent les autres, et à la fois l’impossibilité d’y arriver, la sensation d’être toujours à côté de la plaque.

Je ne pense pas que ce soit la volonté d’avoir un QI supérieur reconnu mais surtout la volonté de comprendre comment fonctionne le zèbre et de pouvoir se situer par rapport aux autres. Cécile Bost le résume très bien dans un de ses articles à propos des zèbres qui ‘’ratent’’ leurs tests : « J’ai reçu des témoignages poignants de personnes particulièrement malheureuses de ce résultat. Ce n’est pas en soi le fait d’être classé ‘’surdoué’’ qui les intéresse. C’est le fait de pouvoir valider que les souffrances ressenties correspondent bien à un état de fait et qu’elles peuvent se fonder sur quelque chose de patent pour pouvoir (enfin !) trouver une issue à une partie de leurs difficultés. »

Pour conclure, je dirai que les tests ne sont pas forcément utiles, tout dépend de la situation de l’enfant et de la nécessité ou non d’obtenir un certificat. En revanche, pour moi, il est primordial de tout mettre en œuvre afin de permettre à l’enfant de comprendre ce fonctionnement différent qu’est celui du zèbre et qu’il puisse se construire sereinement. Il faut valoriser ce qu’ils sont et leurs capacités. Vous me direz, cela est valable pour tous les enfants ! Eh bien oui, évidemment mais pour les zèbres c’est encore plus important car tout est ‘’plus’’ et ‘’trop’’ chez eux.

Catherine Chemin

[1] http://www.talentdifferent.com

La pensée en arborescence d’après Fabrice Bak

Fabrice Bak est psychologue cognitiviste, spécialiste du développement de la pensée de l’enfant et de l’adolescent et auteur du livre La précocité dans tous ses états, à la recherche de son identité( éditions l’Harmattan ).

Dans une vidéo[1], il nous donne deux citations de deux professionnels qui s’occupent d’enfants à haut potentiel : « Si précocité il y a, elle ne peut pas être une cause de l’échec scolaire, l’intelligence consiste en particulier à savoir s’adapter à une situation, un problème… Par essence, l’intelligence supérieure ne peut être en soi une cause d’inadaptation scolaire ». « Si le haut potentiel est établi par des compétences qui apparaissent précocement dans la pensée, à l’âge adulte on assiste à une remise en phase de ces compétences avec la population moyenne ».Ces deux phrases montrent bien que des professionnels s’occupant d’enfants ‘’surdoués’’ peuvent ne pas maîtriser du tout leur sujet et qu’il faut bien choisir les professionnels que l’on souhaite rencontrer.

Fabrice Bak note un décalage développemental avec les autres enfants, décalage avec la construction de la pensée :– entre 2 et 5/6 ans, les enfants normo pensants construisent l’image d’eux-mêmes et la relation aux autres. Les HP sont dans la construction de la réalité, la compréhension du monde : ‘’Plus je comprends ce monde, plus je m’y intègre’’ ;– au niveau primaire, l’école se centre sur la construction de la réalité et les HP sont dans la construction d’eux-mêmes. Les HP cherchent à comprendre comment fonctionnent les autres.

Fabrice Bak montre l’évolution de la famille pour un enfant lambda et un HP :– famille nourricière de 0 à 2 ans. Un HP va très vite chercher à se nourrir seule : 1ère forme d’autonomie ;– famille éducatrice entre 2 et 6/7 ans. Vers 3 ½/4 ans pour un HP : apprentissages autonomes ;– famille pédagogue entre 6/7 ans et 11/12 ans. La famille pédagogue s’arrête pour les HP vers 6 ans ;– famille guide entre 12 et 18 ans. Le HP cherche le guide vers 7/8 ans. Il va tester la cohérence du cadre. S’il ne trouvent pas la cohérence, il peut développer des angoisses, des anxiétés. Il va chercher des personnes relais pour se rassurer. Le HP ne s’oppose pas au guide. Par contre, il va tester le guide qui doit l’aider à avancer. Le guide doit avoir la boussole, le GPS. Le HP recherche la sincérité dans la relation.

Les HP sont insouciants lorsqu’ils sont avec un guide cohérent, un adulte cohérent. Le guide doit faire le lien entre les HP et les autres car le HP ne sait pas comment faire. Le facteur clé du guide est la communication.Le HP ne cherche pas à être supérieur à l’adulte, il veut l’égalité dans le respect. D’ailleurs, il respecte la cohérence des règles tout en se demandant si le détenteur de la loi est capable de la faire appliquer. Si un HP assiste à une violation de règle et que l’adulte qui doit la faire appliquer ne réagit pas, l’enfant se met à ne plus respecter les règles avec cet adulte. L’adulte qui détient les règles doit pouvoir les faire respecter. S’il n’est pas capable de les faire respecter, le HP fait ce qu’il veut.

L’hypersensibilité

Le HP est hypersensible et doit apprendre à vivre avec et comment s’en servir car l’hypersensibilité fait peur.Le HP, de par sa grande hypersensibilité, a le sens de la justice et est en recherche constante de la vérité absolue. Il est en hyper vigilance constante face au monde et a une anxiété latente. Très tôt, cet enfant perçoit la fragilité du monde, est toujours en état d’alerte. Il ne lui est pas possible de lâcher prise, c’est incohérent pour sa pensée. Le HP mesure toutes les incohérences du monde.Le HP est donc fragile, vulnérable et a des doutes importants. Le HP cherche à ne plus penser à travers les jeux vidéos, l’anesthésie du cerveau par des addictions comme l’alcool ou le cannabis, l’identification d’un problème ou la création d’un problème. Une solution pour les addicts aux jeux vidéos : définir un temps moyen d’utilisation et des règles qui, lorsqu’elles sont respectées, donne du crédit jeu vidéo en plus, et si les règles ne sont pas respectées, entraîne du crédit en moins.

Les émotions

Le HP a du mal à mettre des mots sur ses émotions. Il faut l’aider et accueillir sans jugement ce qu’il va dire. La colère est une bonne chose, on sort de soi un truc négatif. Le HP a particulièrement besoin d’apprendre à gérer sa colère, il a tendance à la garder au fond de lui. Un HP a un scanner affectif. Ce scanner affectif permet d’identifier précisément l’état émotionnel de l’autre. Il se connecte à l’autre émotionnellement et le plus dur pour lui est de se déconnecter. Le côté affectif est trop géré avec la tête et pas assez avec le cœur. Il cherche à donner du sens à la dimension affective qui est en lui. Un HP n’a pas d’avance affective, personne ne peut avoir une avance affective sauf ceux qui ont un choc important qui les fait gagner en maturité.

Les apprentissages

Le HP n’aime pas la répétition : lorsqu’il a compris, deux exercices lui suffisent. Après, il ne fait plus attention et peut avoir faux alors qu’il sait le faire. Il peut ne pas paraître attentif et concentré alors qu’il écoute tout en étant en état de vigilance. Il ne faut pas chercher à exploiter les compétences en permanence mais les écouter vraiment lorsqu’ils en ont besoin. Ils ont besoin de sincérité. Pour lui « pour réussir il faut faire des efforts » n’a pas de sens. Réussir sans faire d’effort veut dire qu’on était là au bon moment. Si on sait se servir de ses compétences, on a pas besoin de faire des efforts. Le HP cherche à mettre du sens : comment arriver à être efficace. Le HP ne peut s’épanouir que dans une atmosphère d’affection et de liberté. Fabrice Bak affirme qu’on a explicité aux professeurs que l’acte d’apprentissage était désaffectivé or, c’est faux. C’est l’acte le plus affectivé. Chez le HP, deux domaines dans la pensée sont en interrelation : la sphère affective et la sphère cognitive. Des professionnels se retrouvent face à des HP qui ne veulent plus aller à l’école car ‘’le système est devenu fou’’ et les HP ne veulent pas « être contaminés’’. L’école impose une course à la performance et à la réussite qui n’a plus de sens et ils n’en veulent pas. De plus, Fabrice Bak constate une déstructuration de plus en plus massive du cerveau car les enfants sont plus sollicités dans les sphères figuratives et perceptives de la connaissance et de moins en moins dans les sphères opératoires.

Construction de l’identité

Un HP peut faire beaucoup de choses pour être reconnu par les autres. Il cherche à donner du sens à la dimension affective qui est en lui. Il subit des maltraitances psychologiques. Il peut se construire un faux self…. Certains peuvent avoir plusieurs facettes qu’ils montrent en fonction des situations. Fabrice Bak a remarqué que les faux self tombent lorsque le HP veut entrer dans une relation sentimentale. On ne peut pas entrer dans une relation sentimentale avec un faux self, en jouant un jeu. Le faux self s’écroule et il y a reconstruction de l’identité à travers la relation sentimentale.

La construction de l’identité passe par 3 étapes :- l’émergence de la conscience de soi (limite entre le moi et le non moi)- l’émergence de la construction de l’image de soi (en fonction du regard des autres sur soi) d’où l’importance, lorsqu’ils sont petits, des messages valorisants, positifs. Un HP soumis régulièrement à des messages négatifs, dénigrant son image de soi, va engendrer une faille qui va durer dans le temps. L’image de soi peut être attaquée dès la maternelle. Pour aider le HP à se construire une image de soi juste, ne jamais le considérer en dessous de ses compétences, ne jamais lui renvoyer une image d’anormalité (le HP est un mode de fonctionnement différent)- l’estime de soi se développe (conséquence du jugement qu’on porte sur soi-même). L’estime de soi implique un bon équilibre psychologique et surtout va permettre de croire en la possibilité d’être digne d’amour. Quelqu’un qui a une bonne estime de soi va pouvoir lier une relation sentimentale stable et fiable dans la réciprocité.

Fabrice Bak a remarqué des caractéristiques positives chez le jeune HP qui peuvent donner en parallèle des souffrances chez l’adulte :- La curiosité (apprentissage autonome, vocabulaire adapté, être avec des plus âgés) donne des adultes passifs, qui sont dans des doutes, avec une forte dépréciation d’eux-mêmes ;- L’attention sélective (plusieurs hobbies, traiter plusieurs informations au même moment) donne des adultes qui ont un manque de persévérance, des difficultés de concentration ;- La créativité donne des problèmes au niveau d’une méconnaissance d’eux-mêmes, une totale désorganisation ;- l’insoumission (liberté de pensée) donne des adultes qui ont du mal à travailler en groupe, qui subissent l’autorité ;- la sensibilité donne des situations d’angoisse, d’abandon, un sentiment dépressif, une auto agressivité.

Dépistage :Pour lui, il faut faire un dépistage précoce. Plus on identifie tôt le HP, plus on accompagne, plus on anticipe, plus on prépare ce qu’il va vivre et plus il est rassuré. Mais le diagnostique n’est pas une fin en soi, c’est un départ vers un autre chemin. Comment l’aider à grandir ? Les parents doivent être un guide sans faille, dans le sens où ils ne sont pas là pour empêcher l’enfant de tomber mais pour l’aider à se relever.

La pensée en arborescence d’après Christel Petitcollin

Dans son livre Je pense trop, Christel Peticollin – Conseil et Formatrice en communication et développement personnel, conférencière et écrivain – met en évidence ces deux modes de pensée : pensée en arborescence et pensée linéaire. Au cours de sa carrière, toutes les personnes avec qui elle a travaillé avait soit l’un soit l’autre de ces modes de pensées, pas forcément comme mode de pensée exclusif, mais comme mode de pensée pour aborder l’extérieur. Christel Peticollin estime qu’il y a 20% d’arborescents pour 80% de linéaires.

Pour Christelle Petitcollin, les personnes ayant une pensée en arborescence se posent en général plein de questions en permanence, ont un cerveau qui ne s’arrête jamais et se sentent souvent en décalage avec leur entourage. Elles sont d’une grande sensibilité, voire hypersensibles, dans le sens où elle ont toujours plus ou moins les cinq sens en éveil, contrairement aux linéaires qui n’en ont qu’un ou deux. Cette hyperesthésie engendre une hypersensibilité qui est responsable d’une perception très fine du monde en général et des personnes rencontrées en particulier. Cela est dû au raisonnement régi par l’hémisphère droit, siège des émotions et de l’affectif, comme si les informations transitaient « par le cœur avant d’arriver au cerveau ». Une meilleure connaissance de soi aide à gérer au mieux ces émotions. Cette hypersensibilité est vraiment une caractéristique des personnes pensant en arborescence. Cette affectivité envahissante fait qu’un arborescent ne peut travailler pour lui-même ! Ce sera par affection pour la personne qui le fait travailler. Le professeur plaît ? Il excelle. Le professeur ne plaît pas ? Les notes chutent. Il faudrait toujours l’encourager, féliciter, rassurer sans jamais critiquer, lui faire confiance, et lui donner des défis ! La difficulté de l’arborescent en situation scolaire est qu’il est souvent hors sujet, ne respecte pas les consignes, qu’il passe pour « stupide, insolent ou provocateur ». Si ce mode de pensée permet de trouver une solution très rapidement, il est plutôt handicapant pour traiter un sujet précis car la pensée se perd dans des méandres d’idées… De plus, la sensation de décalage rend « les contacts sociaux complexes et fatiguant ». L’arborescent s’ennuie en classe, car il ne peut étudier un sujet en arborescence. Il peut avoir du mal à mémoriser… cela dépend de ce qu’il doit mémoriser et qui lui demande !

Cette pensée arborescente peut sévir dans le côté positif, comme elle peut sombrer dans le négatif. Juste un petit quelque chose qui cloche et les pensées positives se transforment en idée noires. L’arborescent peut vite sombrer dans la déprime et passer pour un maniacodépressif (pour elle, trop peu de psy sont formés pour identifier les arborescents). L’humeur peut donc être très changeante sans réellement savoir pourquoi. Il est impératif de prendre conscience de ce phénomène pour arriver à le dompter, et entretenir des pensées positives. Certains auront une pensée positive en réserve qu’ils ressortent dès que les pensées basculent…

Les arborescents peuvent avoir des difficultés à se concentrer car soit ils sont submergés par de nombreuses pensées, soit leur sens, tous en éveil en permanence, ne peut que les distraire et les faire intéresser à ce qui se passe autour d’eux. Pour contrer les pensées envahissantes lorsque le besoin de concentration est nécessaire et afin de mieux canaliser ce foisonnement d’idées, certains arborescents ont besoin, par exemple d’écouter de la musique, d’autres vont penser tout haut…

Les arborescents ont une conscience aiguë du temps qui passe et de la fragilité de la vie, d’où des questions très précoces sur la mort par exemple. Ils ont aussi conscience que les actes posés ont des conséquences.

Pour Christel Peticollin, ce cerveau, comparable à un petit moulin car il ne s’arrête jamais et sert à moudre, devrait toujours être alimenté « d’apprentissages, de projets à réaliser, de défis à relever », quatre ou cinq en même temps n’est pas un problème… D’ailleurs, quand le petit moulin n’est pas suffisamment alimenté, il passe en mode automatique et la dépression chronique guette.

Elle a constaté que l’arborescent est une cible privilégiée pour les manipulateurs car ils se remettent sens cesse en cause et cherchent systématiquement du sens à toutes choses…

Elle pense que les tests de QI ne sont pas utiles, car restrictifs, fermé à la créativité. Et surtout, ils ont été créés par des linéaires qui ont besoin de classer, quantifier tout ce qui les entoure.

Pensée en mots et pensée en images

La pensée peut être en mots OU en mots et en images.

La pensée en mots uniquement (dialogue interne, se parler à soi-même) est le mode de pensée des linéaires.

La pensée en images est liée à la pensée en arborescence.

Si, au départ, un enfant peut penser uniquement en images, peu à peu la pensée langagière va se construire et se développer avec l’acquisition du langage. Les personnes ayant une pensée verbale dès le départ, peuvent apprendre à se construire des images mentales, mais ce ne sera jamais un film comme pour les personnes ayant une pensée en images innée.

Les personnes qui pensent en images[1] ont une pensée beaucoup plus rapide car c’est un mode de pensée subliminal, plus rapide que la conscience que l’on peut en avoir, nettement plus rapide que la pensée en mots. En effet, la pensée en images est constituée d’idées qui s’assemblent par association, en arborescence, c’est comme un cinéma intérieur qui peut donner cours à une imagination débordante tout en étant ressentie comme réelle. Cette pensée est donc beaucoup plus rapide et précise :

  • Cette pensée est plus rapide car les images défilent à la vitesse de 32 images par seconde alors que la pensée en mots est linéaire et séquentielle comme quand on parle. Elle se déroule selon la même vitesse que les mots exprimés tout haut, soit 150 mots par minute, 200 mots pour un bon speaker à la radio et la limite pour la compréhension est de 250 mots maximum.
  • Cette pensée est plus précise car une seule image peut représenter un concept qui mériterait des milliers de mots pour être décrit verbalement ! Elle est même si rapide que la plupart des dyslexiques ne savent pas que c’est ainsi qu’ils pensent.
  • Cette pensée en images fait aussi que certaines personnes peuvent imaginer en trois dimensions (3D) des objets qu’elles aperçoivent ou d’après des photos ou plans en deux dimensions. Ce qu’elles voient en 3D, elles peuvent même le voir tourner dans leur tête comme si elles tournaient autour de l’objet.

Lorsqu’une personne à la pensée en mots pense au mot ‘’arbre’’, elle peut le voir écrit dans sa tête et l’entendre dans sa tête. Une personne pensant en images voit un arbre réel dans sa tête, elle le voit en couleur et peut le voir de tous les côtés. Elle peut voir des feuilles, des fruits, des oiseaux, une cabane… Les possibilités ne sont limitées que par l’imagination de la personne !

La pensée en images est due a une plus grande activation de l’hémisphère droit du cerveau. Pour Ronald Davis[2], elle est un don particulier qui permet aux personnes de se désorienter.

Ronald Davis affirme[3] : « La fonction mentale qui produit le génie produit aussi la dyslexie. C’est un don au vrai sens du terme : une disposition naturelle, un talent. C’est une faculté spécifique qui accroît le potentiel mental ».

Etre orienté, c’est savoir où l’on est par rapport à son environnement. La désorientation est une fonction naturelle qui se produit lorsque des informations contradictoires arrivent au cerveau. Elle peut se produire chez tout le monde dans certaines situations. Par exemple, si l’on se met à tournoyer une dizaine de fois, lorsqu’on s’arrête, nous avons l’impression pendant quelques secondes de tourner encore alors que nous sommes arrêtés. On ressent une désorientation sous forme de vertige. Si nous sommes dans un train qui s’arrête au moment ou nous regardons un train juste à côté qui démarre, nous ressentons aussi une désorientation. Pendant quelques secondes, nous pouvons penser être dans le train qui avance mais c’est l’autre qui avance alors que le nôtre est arrêté. La désorientation est donc un phénomène qui change les perceptions visuelles car le cerveau n’accepte pas de recevoir des informations contradictoires. Ce qui est perçu n’est pas la réalité, la réalité est donc déformée.

Pour la personne qui pense en images, la désorientation peut être voulue pour se distraire ! Elle peut aussi être subie lorsque des informations arrivant au cerveau ne peuvent être interprétées. Dans tous les cas, les perceptions sensorielles sont modifiées. Ce qui est perçu par le cerveau n’est pas forcément la réalité : cela peut introduire des données erronées dans le cerveau et influer directement sur les apprentissages et sur le développement. Ronald Davis propose des exercices pour arriver à maîtriser la désorientation.

Cette désorientation[4] permet à celui qui pense en images une pensée multidimensionnelle, c’est-à-dire une pensée qui met en œuvre tous les sens : « Lorsqu’une désorientation se produit, le cerveau ne voit plus ce que les yeux regardent mais ce à quoi la personne pense, comme si c’était ce que les yeux étaient réellement en train de voir. Le cerveau n’entend plus ce que les oreilles entendent mais ce que la personne pense comme si c’était ce que les oreilles entendaient. Le corps ne ressent plus ce que ses sens ressentent mais ce que la personne pense, etc. Un des aspects de la pensée multidimensionnelle est la capacité qu’à la personne de vivre ses pensées comme si elles étaient réelles ». Ce processus laisse la place à une grande imagination comme pour le mot ‘’arbre’’ plus haut où la personne peut vraiment visualiser toute une vie autour de cet arbre… Le penseur en images peut intervenir dans son film en tant qu’acteur afin de vivre ou de revivre des situations avec différentes perceptions.

La désorientation peut donc modifier la perception visuelle et peut également modifier l’ouïe, le temps, l’équilibre et le mouvement. Ainsi, ce qui est perçu mentalement comme la réalité ne correspond pas à ce qui se passe réellement.

La désorientation peut être provoquée ou subie

La désorientation peut être provoquée pour se distraire, pour faire face à l’ennui, pour faire face à des situations déconcertantes… Aussi, lorsque la désorientation est provoquée « elle devient leur parade mentale naturelle en cas d’informations sensorielles déroutantes, ainsi qu’une méthode créative pour contourner ces situations ».

La désorientation provoquée permet :

– la capacité d’accéder intentionnellement à la fonction de déformation des perceptions
– la capacité à voir consciemment les images mentales en 3D et à se mouvoir autour d’elles mentalement
– la capacité à vivre ses images mentales comme si elles étaient réelles ou, en d’autres termes, vivre l’imaginaire comme la réalité
– une tendance ou une préférence pour la pensée non verbale qui utilise des images de concepts ou d’idées avec une quasi-absence de monologue interne.
– d’être physiquement quelque part tout en étant ailleurs en esprit.

Lorsque la désorientation est subie, c’est la dyslexie (chapitre suivant).

Ce mode de pensée en images rend performant en stratégies, en entreprises créatives, en activités pratiques, pour ‘’voir’’ des solutions aux problèmes objectifs dans la vie réelle. Elle permet une plus grande perspicacité, une intuition plus développée, une perception multidimensionnelle (en utilisant tous leurs sens), une vive imagination, une plus grande curiosité, une conscience accrue de l’environnement et la capacité de modifier ou créer des perceptions, une capacité à vivre la pensée comme une réalité.Ronald Davis insiste sur le fait que les personnes pensant en images ont une très grande curiosité dès la toute petite enfance qu’il ne faudrait pas entraver, et un besoin créatif beaucoup plus impérieux !Les enfants qui naissent avec ce don particulier de penser en images ont une acquisition du langage plus lente car ils ont du mal à utiliser les mots qu’ils ne peuvent pas se représenter en images dans leur tête. Ils peuvent donc acquérir une pensée verbale plus tardivement que les autres. Il leur est difficile d’expliquer leur pensée, car celle-ci va bien plus vite que le débit des mots qui peuvent être tronqués. Adultes, ils ont en général plus de difficulté pour raisonner tout haut, en mots, de façon linéaire, point par point.

Ce sont des enfants qui parlent un peu plus tard ou vraiment plus tard que la moyenne. Leur langage est mal cons­titué, les formulations imprécises et pauvres en vocabulaire. Ils peuvent avoir des trou­bles de l’évocation (ils cherchent leurs mots) ou de l’idéation (difficul­tés de formulation et d’enchaîne­ment des idées). Ils peuvent aussi dessiner ce qu’ils veulent écrire.

Ce sont ces enfants qui pensent uniquement en images et dont le langage se met en place plus lentement qui peuvent devenir dyslexiques, notamment à cause d’apprentissages inappropriés.
La dyslexie n’est pas un problème neurologique car un enfant ou une personne souffrant de handicaps liés à la dyslexie peut être rééduqué et ne plus en souffrir tout en gardant les dons liés à la pensée en images. La dyslexie touche toutes les familles quels que soient leur milieu et leur situation géographique. Pour Ronald Davis, les personnes pensant en images peuvent cumuler des symptômes de dyslexie avec des symptômes de TDA avec ou sans hyperactivité, des problèmes en arithmétique, en orthographe et/ou en graphisme et/ou la dyspraxie. Ils ont souvent du mal avec les langues étrangères. Les dyslexiques trouvent, comme les zèbres, les bons résultats en mathématiques grâce à leur intuition, mais n’arrivent pas à les expliquer.

Le neurologue Michel Habib, soutient que le cerveau du dyslexique souffre d’une dysfonction des aires corticales du langage, ce qui n’est pas contradictoire avec la théorie de Davis. Au contraire puisqu’il est également reconnu que le dyslexique a d’autres parties du cerveau qui s’activent pour la lecture. Ce n’est pas une anomalie mais un fonctionnement différent. Puisque l’enfant qui peut devenir dyslexique pense au départ en images, il est logique que, petit, les zones du langage travaillent bien moins. En faisant travailler l’enfant sur le langage, sa pensée langagière se met en place et les zones du langage s’activent. Si des neurologues observent que la zone langagière de l’enfant qui peut devenir dyslexique ne s’active jamais autant que pour une autre personne, cela s’explique par le fait que celui qui pense en images au départ et se met à penser également en mots en construisant sa pensée langagière, continue de penser en images ! Donc, si cette personne utilise moins les mots, elle utilise les mots ET les images pour une pensée vraiment très active mais différente !

Nous avons vu également dans la première partie sur le fonctionnement du cerveau que Michel Habib explique que les enfants « précoces’’ peuvent avoir un fonctionnement homogène entre les deux hémisphères ou avoir un fonctionnement hétérogène entre les deux hémisphères en faisant davantage appel à l’hémisphère droit. Ce sont ces derniers qui sont portés à avoir des difficultés d’apprentissage et à devenir dys alors qu’ils ont des similitudes de fonctionnement comme l’activation plus importantes des zones frontale et pariétale du cerveau. Ces observations cliniques ne sont pas non plus contradictoires avec la théorie de Davis puisque nous avons observé que les enfants sujets à la dyslexie et donc penseurs en images ont le même genre de personnalité que les zèbres/surdoués. Normal, ils pensent aussi en arborescence et sont également hypersensibles !

Béatrice Sauvageot[5], orthophoniste formée aux neurosciences, dirige un centre pédagogique et thérapeutique pour les dyslexiques et les dysorthographiques. Elle partage l’idée que les enfants devenant dyslexiques pensent en images. Elle nous décrit ces enfants comme des enfants très doués dans certains domaines comme le scientifique car ils veulent toujours tout comprendre. Ils ont besoin de travail corporel et artistique et ont des capacités pour cela. Ils ont des difficultés dans le temps, sont souvent en retard, oublient souvent quelque chose, ont du mal à appliquer une consigne. Ils sont multitâches dans le sens où ils ont besoin de faire autre chose pour pouvoir se concentrer sur un travail : écouter de la musique, tripoter un crayon… Les dyslexiques sont capables d’écrire correctement à certains moments et à d’autres non. Ils comprennent très bien les règles mais ne les appliquent pas forcément.

Elle nous donne cet exemple pour nous faire comprendre ce qui se passe dans la tête d’un enfant pensant en images et dyslexique (11 ans) : un enfant arrive avec sa mère et demande à Béatrice de l’aider à faire un exercice ‘’drammatical’’. L’enfant associe dans sa tête le drame d’un exercice de grammaire. Il doit apprendre le futur. Sur l’invitation de Béatrice, il choisit le verbe ‘’mourir’’ et choisit la personne ‘’je’’. Béatrice lui demande alors comment il dirait mourir au futur avec je. L’enfant dit : « je vais mourir un jour ». La mère se décompose… Béatrice demande : « pourquoi tu dis ça ? ». L’enfant répond : « Je sais bien que c’est je mourrai mais ‘’je mourrai’’ ça veut dire que je mourrai tout de suite ! Alors que je veux mourir un jour, je veux mourir dans très longtemps ». Le dys adapte sa pensée. « Et au passé, comment tu dirais ? » « Nous sommes tous morts » « Ah ! Pourquoi nous ? » « Car si je meurs, tout le monde meurt avec moi ! Est-ce que tu t’imagines que le monde va exister quand tu seras morte ? »

« Les dyslexiques ont tous un style très particulier qui est reconnaissable. Ce sont des gens qui écrivent des merveilles parce que les portes de la communication étant fermées en permanence, lorsqu’elles s’ouvrent, c’est un véritable miracle qui se produit. Ils trouvent des mots, ils trouvent des façons de dire qui sont très liées à la sensation et à l’émotion et qui touchent beaucoup le lecteur qui n’est pas dyslexique ».

Le mode de pensée en images, la désorientation volontaire et une très grande curiosité sont à l’origine d’une grande créativité.
La plus grande force de la créativité est la curiosité, plus importante que la connaissance !
Sans curiosité, pas de créativité et pas d’inventions ! R.Davis

Dyslexiques célèbres :

Albert Einstein 1879-1955 : il a dit lui-même qu’il pensait à l’aide d’images mentales. Il a eu beaucoup de difficulté avec le langage, il avait peu de mémoire pour les mots, avait besoin de beaucoup de temps d’assimilation en particulier avec les tables de multiplication et le calcul arithmétique, il trouvait toujours des méthodes astucieuses pour résoudre les problèmes complexes (malgré des erreurs de calcul). Pour élaborer la théorie de la relativité, Albert Einstein utilisa au maximum ses capacités à déplacer son imaginationen se demandant ce qui se passerait s’il voyageait au bout d’un rayon lumineux. Il a d’abord compris avec son imagination (apanage du cerveau droit) avant de traduire ce qu’il avait compris en mots et équations (apanage du cerveau gauche).

Thomas Edison 1847-1931 : « Mon père me disait stupide, et j’ai presque décidé que je devais être un cancre ». Son instituteur affirmait : « Il alterne entre voyager par l’imaginaire vers des mondes lointains et mettre son corps en mouvement perpétuel sur son siège ».

Léonard de Vinci 1452-1519 : il était gaucher et écrivait aussi bien de gauche à droite que de droite à gauche avec une écriture phonétique. Certains de ses écrits se lisent dans un miroir. Il avait beaucoup de difficulté avec les mots irréguliers et faisait des erreurs en recopiant des textes. Il a utilisé son imagination pour inventer des véhicules et appareils plusieurs siècles avant leur fabrication.

Winston Churchill 1874-1965 : il a eu beaucoup de difficultés scolaires, des défauts de prononciation et n’a jamais maîtrisé les mathématiques scolaires. Il était très facilement distrait par les bruits.

Henry Ford 1863-1947 : il a eu beaucoup de difficulté avec la lecture tout en étant très doué pour effectuer des réparations de toutes sortes. C’est grâce à l’imagination qu’il a pu inventer les premières chaînes de fabrication de voitures.

Pour Ronald Davis, tous ces gens ne sont pas des génies malgré leur dyslexie, mais grâce à leur dyslexie !
Ce genre de cerveau n’est ni une anomalie, ni une maladie, ni un handicap.
C’est simplement un mode de fonctionnement différent de la moyenne !

Catherine Chemin


[1] 

[2] Fondateur du Reading Research Council et directeur du Dylexia correction Center, Ronald Davis est l’auteur de Le Don de dyslexie et Le Don d’apprendre

[3] Le don de dyslexie page 23

[4] Chapitre travaux de Ronald Davis

[5] http://www.youtube.com/user/BeatriceSauvageot

TDA TDAH

Le TDA se caractérise par :

  • un déficit de l’attention (difficultés à se concentrer),
  • de l’impulsivité (agit avant de réfléchir),
  • avec ou sans hyperactivité (agitation incessante : hyperkinésie).

Le ‘’manque de concentration’’ d’un enfant peut intervenir pour accomplir une tâche qui peut sembler facile comme pour recopier un texte. En effet, pour un tel exercice, certains enfants sont capables de recopier en faisant des fautes. Pourtant, la plupart de ces enfants sont capables d’une très grande concentration lorsqu’ils effectuent une tâche qui les motive ! Alors ?

Le trouble de l’attention ou TDA

Si dans les années cinquante, on parlait de troubles  » affectivo-caractériels « , déjà les USA privilégiaient une approche non psychologique et étudiaient le cortex et les régions du mésencéphale pour y rechercher l’origine éventuelle du trouble. Le TDA a aussi été mis sur le compte de lésions cérébrales ou de complications particulières à la naissance. Mais la théorie des lésions cérébrales ne s’accordant qu’à une petite partie des TDA, elle a été abandonnée. Il est prouvé qu’une bonne proportion des individus présentant ce trouble n’a pas subi de complications particulières à la naissance. C’est donc l’impossibilité de mettre en évidence une lésion définie ou une anomalie structurale du cerveau comme caractérisant l’origine du TDAH qui incita les chercheurs à proposer l’hypothèse d’une altération des fonctions cérébrales.

Aujourd’hui, en 2015, les experts sont formels à ce sujet : le TDAH n’est pas causé par des besoins affectifs non comblés ou par des problèmes psychosociaux, même s’il peut être exacerbé par ces facteurs. Il est généralement admis maintenant que le TDA et le TDAH sont des troubles neurologiques avec de mauvaises interactions (entre autres pour le site http://www.tdah-france.fr/ et http://www.tdah.be). Précisément, le TDAH serait, pour TDAH-France, un trouble neuro-développemental chronique qui concerne de 3,5 à 5,6% des enfants d’âge scolaire en France. Le trouble persiste dans 65% des cas à l’âge adulte, la prévalence en population adulte est estimée à 2,5%.

Aucune étude scientifique n’explique pourquoi et comment les mécanismes du TDA se produisent. Cependant, tous s’accordent pour soutenir l’hypothèse selon laquelle des facteurs génétiques entrent en jeu dans l’apparition d’un TDAH, ainsi que des facteurs environnementaux.

Le TDAH est souvent difficile à diagnostiquer et cela engendre beaucoup d’incertitude. La Ritaline, principal médicament proposé, altère les symptômes mais ne s’attaque pas à la nature sous-jacente du problème. La Ritaline est inscrit sur la liste des stupéfiants et engendre des effets secondaires. Certains parents refusant de donner de la Ritaline à leur enfant ont obtenu des résultats très encourageants en augmentant l’absorption de magnésium, de ferritine et de zinc, et/ou supprimant partiellement ou totalement la caséine, le gluten, les substances raffinées, les substances chimiques (additifs, colorants…).

Concrètement, qu’est-ce qu’un hyperactif ?

Le tiers des enfants hyperactifs commencera à avoir des problè­mes de comportement dès sa pre­mière année de vie : l’enfant pleure plus souvent et plus long­temps, a des difficultés pour s’alimen­ter, est plus actif et dort moins. Il bouge et remue beaucoup, ne tient pas assis, court partout, grimpe, touche à tout, tourne à plein régime, est inépui­sable. Il peut com­mencer un travail et être incapable de le terminer, a constamment be­soin de stimuli, semble ne rien é­couter, ne suit pas plus d’une instruc­tion à la fois, n’ar­rive pas à attendre, est impa­tient et inopportun. Il a une mauvaise no­tion du temps, ne voit pas le temps pas­ser, ne peut attendre, il voit le mon­de au ralenti, l’environnement le frustre et il a des difficultés à obéir. Il n’antici­pe pas les conséquences de ses actes, tant que la chose n’est pas arrivée, il ne peut s’en ren­dre compte. Ces symptômes peu­vent engendrer des problèmes sco­laires importants. Un enfant hyper­actif non diagnostiqué vit un véri­table cau­chemar : perturbation de la classe et rapports difficiles avec l’ensei­gnant, rejet par ses camara­des. Sans compter les conflits fami­liaux. Par rapport à des enfants non hy­peractifs d’intelligence compara­ble, les enfants hyperactifs ont trois fois plus de risque d’être confrontés à l’échec scolaire. Un enfant hyper­actif est capable de concentration envers une activité qui le passionne. Cela se nomme de l’hyper focali­sation. Ils ont un côté obsti­né qui peut se trans­former en qualité et en faire des êtres déterminés à aller jusqu’au bout.

Concrètement, qu’est-ce qu’un TDA ?

Outre les difficultés à se con­centrer et l’inattention, on constate le fait de ne pas prêter at­tention aux détails, l’é­tourderie, sem­bler ne pas écouter, avoir une tendance exces­sive à la distraction, des pro­blèmes d’orga­nisation, commencer beaucoup de choses sans rien finir, l’évitement des activi­tés mentales soutenues, de réelles difficultés no­tamment pour mener à bien un travail intel­lectuel, le fait de ne pas pouvoir ef­fectuer plus d’une consigne à la fois.

Les carac­téristiques du TDAH sont par conséquent celles du TDA plus celles de l’Hyperac­tivité ou syndro­me hyperki­nétique et de l’impulsi­vité.

Un enfant peut être TDA sans hyperactivité et même sous-actif (ou hypoactif). C’est une activité motrice insuffisante. Ces en­fants, d’un calme excessif, travail­lent lentement et donnent l’impres­sion d’être paresseux, dans la lune. Les TDA peuvent être également surdoués dans un domaine, mais il peut être difficile de les identifier.

Plus curieux et plus intéres­sés, les TDA ont souvent un QI su­périeur à la moyenne et surtout ils ont une imagination, une créativité, une in­tuition et une vivacité remar­quables. Les TDA font preuve d’une très grande persévérance et téna­cité, ils ont beaucoup d’énergie pour aller de l’avant lorsqu’ils font quel­que chose qui les passionne et peu­vent être très productifs. Ils pos­sèdent une façon de pénétrer direc­tement au cœur même des situa­tions alors que les autres doivent raisonner, avec méthode, durant tout leur cheminement. Il est plus efficace de donner des directives claires, de réaménager le travail pour le rendre plus intéressant et plus motivant, de diriger à nouveau le comportement de l’enfant vers des buts à atteindre plutôt que vers des gratifications immédiates, tout en lui fournissant des récompenses immédiates pour le travail accompli ou la conformité aux règles. Les techniques visant à féliciter l’enfant pour ce qu’il fait de bien au lieu de le punir pour ce qu’il fait de mal ont fait leurs preuves. Il est très impor­tant de féliciter l’enfant pour ses comportements qui méri­tent d’être encouragés, la récom­pense devant souligner l’effort et non le résultat. Ils ont vraiment besoin d’être va­lorisés et maintenus dans un esprit positif.

Sur le site de tdah-france.fr/ on peut lire que Russel A. Barkley[1] a élaboré une théorie basée sur les données récentes de la neurobiologie et de la neuropsychologie du cerveau. Pour lui, le TDAH serait d’abord un trouble du développement des capacités d’inhibition du comportement et non un trouble de l’attention comme le laisse sous-entendre son nom. Les difficultés d’attention ne seraient que des conséquences du trouble d’inhibition.

Le déficit primaire du TDAH serait un déficit des capacités d’inhiber ou de retarder une réponse, un comportement. Il entraînerait secondairement une perte d’efficacité de 4 fonctions exécutives de base impliquées dans le TDAH :

– l’autorégulation de l’affect, de la motivation et de la vigilance, permettant la séparation des faits et des émotions.

En effet, l’hypersensibilité est gérée différemment par l’amygdale et le seuil de tolérance est beaucoup plus bas, c’est un fait chez tous les arborescents/zèbres/HP.

– la capacité à prolonger dans le temps une, ou des, représentation(s) mentale(s) (visuelles, auditives, etc…) d’un signal, d’un message ou encore d’un événement

Cela corrobore la théorie de Ronald Davis qui explique comment, à cause de la désorientation, l’enfant a des difficultés à intégrer les concepts de temps, de séquence et d’ordre.

– le langage intérieur, constitué par les représentations internes de l’information, participant ainsi au contrôle des comportements, représente la capacité de l’être humain à se parler à lui-même.

Cela corrobore la théorie de Davis sur la pensée en images présente exclusivement au départ et la pensée langagière qui se construit plus tard, jusque vers 14 ans parfois au plus tard.

– la reconstitution c’est-à-dire, dans le cadre du contrôle des comportements, la capacité de reconstituer la séquence d’actions orientée vers un but, mécanisme en jeu dans tout apprentissage. Elle se définit ainsi par la capacité neuropsychologique à scinder l’information reçue en petites unités (analyse) et à recombiner ces unités d’information afin de reconstituer le message d’origine (synthèse) ou d’en créer un nouveau à partir des diverses unités d’information (créativité)

Cela corrobore la théorie de Davis qui explique comment, à cause de la désorientation, l’enfant a des difficultés à intégrer les concepts de temps, de séquence et d’ordre et comment l’enfant peut enregistrer des données vécues par la désorientation, et donc imaginaires, comme des données réelles.

R.A. Barkley associe donc les difficultés éprouvées par les enfants TDAH à des dysfonctions de ces quatre fonctions exécutives qui dépendent du lobe frontal et de ses connexions sous-corticales, les réseaux neuronaux de ces régions étant impliqués notamment dans les processus d’attention, d’inhibition, d’auto-évaluation et de contrôle du comportement social. Seulement, ce modèle théorique s’applique, selon Barkley lui-même, seulement aux hyperactifs mais pas aux hypoactifs.

Le principe de désorientation décrit par Davis explique non seulement chacune de ces difficultés mais donne aussi une explication à la présence ou la non présence de l’hyperactivité par le taux de dopamine. La désorientation pouvant provoquer une hausse (hyperactivité) ou une baisse (hypoactivité) du taux de dopamine.

Tous les chercheurs s’accordent pour dire que plusieurs régions du cerveau et leurs interactions sont en cause. Il s’agit principalement des régions frontales et préfrontales. Ces zones cérébrales responsables de l’attention, du sens de l’organisation et du contrôle des mouvements s’activent de façon anormale ou ont une anatomie singulière Cela a été confirmée par les techniques de neuro-imagerie fonctionnelle. Cependant, TDAH-France reconnaît que les données neurochimiques « ne peuvent constituer, à elles seules, l’hypothèse étiologique fondamentale du TDAH dans la mesure où, justement, seules, elles ne peuvent expliquer adéquatement ni l’origine, ni l’ensemble des caractéristiques cliniques du TDAH ».

Les données actuelles plaident pour un déséquilibre dans les taux de certains neurotransmetteurs du cerveau, en particulier la dopamine. Comme l’indique M. Lecendreux[2] : « la dopamine est probablement le neurotransmetteur le plus impliqué. Elle est nécessaire au maintien de l’attention et de la concentration. Or, ces deux fonctions supposent, pour pouvoir fixer son attention sur un objectif défini, d’arriver à ignorer et inhiber les faits mineurs et de négliger les stimuli extérieurs ».

Voici la théorie de Ronald Davis sur le TDA[3].

Ronald Davis nous donne l’exemple d’un petit garçon TDA de 5 ans. Il est intelligent, créatif, imaginatif, hyperactif, pense essentiellement en images et se désoriente pour se distraire. Son institutrice l’a tout de suite identifié comme un paquet de nerfs qui n’écoute pas. Un jour, le comble, elle le voit monter au toboggan en passant devant les enfants qui faisaient la queue. La maîtresse l’attrape par les épaules et lui dit sur un ton sévère : « Regarde-moi ! Ce que tu as fait est mal. Tu dois attendre ton tour dans la file ! Tu me comprends ? Tu ne vas pas sur le toboggan avant ton tour ! ». En la regardant dans les yeux, l’enfant lui dit « Oui ! ». La maîtresse le lâche et il court immédiatement vers l’échelle en redoublant les autres enfants, et redescend du toboggan. La maîtresse le punit…

Pour ce garçon qui pense en images, les concepts de soi, changement, conséquence, temps, séquence et ordre sont inexacts, ce qui limite sa compréhension de ce qu’a dit la maîtresse. De plus, il définit le bon et le mauvais par ce qu’il aime et ce qu’il n’aime pas.Analyse :« Ce que tu as fait est mal » : « ce’’ et « que’’ n’éveillent aucune image mentale ; « tu’’ éveille l’image mentale de lui-même ; « as fait’’ n’est pas compris puisqu’il ne comprend pas le sens d’avant et après ; « est’’ n’a pas d’image mentale ; « mal’’ n’a pas de signification à part peut-être qu’avec le « tu’’, il conclut que la maîtresse ne l’aime pas.Puis, « Tu dois attendre ton tour dans la file ! » : « tu’’ éveille l’image de lui-même ; « dois’’ n’a pas de signification ; « attendre’’ est une fonction de temps qui n’est pas comprise ; « ton’’ éveille une image de lui-même ; « tour’’ n’évoque rien ; l’enfant garde l’image de la maîtresse qui le tient par les épaules ; « dans’’ et « la’’ n’évoquent rien ; « file’’ évoque un bout de fil.« Tu me comprends ? » : « tu’’ éveille l’image de lui-même ; « me’’ reproduit l’image de la maîtresse qui le tient par les épaules ; « comprends’’ n’évoque rien.« Tu ne vas pas sur le toboggan avant ton tour ! » : « tu’’ éveille l’image de lui-même ; « ne’’ n’a pas de signification ; « vas pas sur le toboggan’’ modifie son image de lui-même, il se voit descendant du toboggan ; « avant’’ n’a pas de signification ; « ton’’ renforce l’image de lui-même ; « tour’’ n’a pas de signification.La phrase ne lui laisse que l’image de lui-même sur le toboggan, il comprend qu’il doit y retourner et fait ce qu’il a compris.

Dans Le Don d’apprendre, Ronald Davis explique que, pour lui, un enfant développe un TDA très tôt dans la petite enfance suite aux effets de désorientation « Dans leurs cas, les effets de la désorientation se produisent pendant la phase de développement de la petite enfance, bien avant qu’un enfant ne soit en âge d’aller à l’école. Pendant ce stade de développement de la petite enfance, l’état naturel d’orientation de la personne et la fonction mentale de désorientation combinés déforment chez certains enfants la perception de l’environnement, au point qu’ils présentent une réalité alternative ou une conception déformée des leçons essentielles de la vie, telles que la conséquence, la cause et l’effet, le changement, etc. L’établissement de ces réalités alternatives peut conduire au développement de troubles déficitaires de l’attention et, dans une certaine mesure, de problèmes avec les maths et le graphisme »[4].

Impact de la désorientation sur le développement

Les expériences de la vie n’ont pas le même impact sur toutes les personnes car chaque expérience nouvelle s’ajoute aux précédentes et sera vécue en fonction de la façon dont les précédentes ont été vécues. « La cohérence de la connaissance acquise au cours d’une expérience vécue dépend de la cohérence des perceptions. La désorientation déforme la perception. La perception déformée déforme notre sens de la réalité. Par conséquent, la désorientation produit une réalité faussée, ou alternative, de l’expérience vécue. Une leçon de vie apprise dans une réalité alternative ne sera pas la même qu’une leçon apprise dans un état ‘’orienté’’ ».

Les enfants pensant en images peuvent très tôt, même bébés, adopter volontairement le mode de désorientation pendant de longues périodes pour se distraire. Ils s’inventent un monde, qu’ils vivent comme si c’était la réalité. De l’extérieur, on pense que l’enfant joue, mais l’enfant le vit comme une réalité, qui se déroule pourtant au gré de son imagination. Là, les conséquences n’existent pas. Par ce mode de désorientation volontaire vécu comme le réel, l’enfant n’intègre pas différents concepts de base comme le changement, le temps, la séquence, l’ordre, le désordre… car pour lui ‘’chaque chose existe c’est tout’’, ‘’tout peut arriver’’, seul ‘’maintenant’’ existe, les choses sont comme elles sont, là où elles sont. La perception de l’environnement peut donc être complètement faussée.

En ce qui concerne le temps, Ronald Davis explique : « Bio-mécaniquement, notre perception du temps est un produit de la chimie du cerveau. Des études suggèrent une augmentation élevée des niveaux de dopamine chez les enfants TDA. Je pense que c’est un effet direct de la désorientation. Plus il y a de dopamine autour des synapses du cerveau, plus notre ‘’horloge interne’’ va vite. L’inverse est également vrai : moins il y a de dopamine, plus lentement va notre horloge interne. Dans les cas où la production de dopamine est augmentée d’une manière chronique par la désorientation, l’horloge interne de l’individu sera plus rapide et vice versa ». La désorientation produit une variation dans la quantité de dopamine créée et libérée par le cerveau et empêche une évaluation précise du temps. Si le temps est évalué précisément par un enfant ‘’normal’’ vers l’âge de sept ans, la mesure du temps est quasiment impossible pour un enfant dyslexique dont l’horloge interne se modifie fréquemment. C’est pourquoi les enfants dyslexiques ont si peu la notion de temps !

Les TDA sont souvent définis comme ayant une « inattention et impulsivité développementales inappropriées, accompagnées ou non d’hyperactivité ». Cependant, pour Ronald Davis, il faut ajouter la désorientation spontanée. Chez le TDA, la désorientation peut être provoquée par une émotion : ennui, curiosité, confusion, peur…ces émotions se regroupent en deux catégories :

  • l’évitement : la personne se désoriente pour échapper à l’ennui. Elle semble rêvasser ou inattentive alors qu’elle est attentive à son monde intérieur imaginaire ;
  • l’absorption : la curiosité d’un événement extérieur stimule une désorientation considérée comme inattention alors que la personne est très attentionnée mais son attention est mal placée. La désorientation causée par l’absorption peut aussi causer l’inverse de l’inattention. Une personne peut être particulièrement concentrée sur une activité, un jeu vidéo…

Les comportements liés aux TDA sont l’hyperactivité, l’hypoactivité, l’impulsivité et l’inattention. La vision de Ronald Davis pour chacun de ces comportements en tenant compte de la désorientation est la suivante :

  • hyperactivité et hypoactivité sont les conséquences de la désorientation spontanée qui s’accompagne d’un changement dans la perception du temps et d’une inversion des sens de l’équilibre. L’hyperactif a son horloge interne qui s’accélère, au bout d’une heure il pense que deux heures se sont écoulées, le monde semble aller trop lentement pour lui, il a plus de temps qu’il meuble par des activités supplémentaires. L’hypo actif (léthargique) a son horloge interne qui est ralentie, une heure semble une demi-heure, le monde semble aller trop vite. Aussi, quand il y a désorientation, la personne se sent déséquilibrée comme devant la spirale tournante ! Pour contrer cet effet, la personne peut s’adonner à une activité opposée : elle peut créer la sensation d’être assise sans bouger en remuant légèrement (balancer un pied, tambouriner d’une main, triturer un objet…).
  • impulsivité : agir avant de penser ! Nous avons vu que la désorientation modifie les perceptions qui déforment la réalité et empêchent les leçons de vie, empêchent de comprendre le concept de conséquence.
  • inattention : pour Ronald Davis, l’inattention n’est pas le problème car les enfants TDA ont beaucoup d’attention et peuvent être très attentifs mais pas forcément envers ce que l’on attend d’eux puisqu’ils se laissent distraire facilement, qu’ils s’évadent facilement. Il faut vraiment arriver à les passionner, les aider à rester sur une tâche et à devenir multitâches. Il n’hésite pas à déclarer : « Dans la plupart des cas, on devrait parler de ce phénomène non pas comme d’un trouble de l’apprentissage mais plutôt comme d’un trouble de l’enseignement ! ».

Pour Ronald Davis, les personnes pensant en images et ayant développé la dyslexie ont souvent des symptômes de TDA comme les difficultés à se concentrer ou à rester assis immobiles. Et pour cause, il est persuadé que le TDA et le TDAH, tout comme la dyslexie, sont des facettes de la pensée en images.

Dans ses centres, il propose des programmes de maîtrise TDA. Pour lui, les comportements qu’il faut traiter sont associés à l’impulsivité, l’inattention et l’hyperactivité[5]. Ce sont : la difficulté à prendre son tour, agir avant de penser, difficulté à rester assis immobile, courir ou grimper partout, problèmes pour organiser son travail, passer continuellement d’une activité à l’autre, incapacité de finir les tâches demandées, facilement distrait, apparent manque d’attention, difficultés à se concentrer sur les tâches qui demandent une attention soutenue.Pour Davis, ce qui est déjà en place ne peut pas être retiré mais on peut ajouter des connaissances qui annuleront les anciennes.Il faut donner l’habitude à l’enfant de s’organiser, planifier, effectuer à temps les tâches, faire des activités physiques, lui permettre de bouger.Les enfants ayant un TDA ont tout particulièrement besoin de développer un centre d’intérêt qui leur permettra de développer leur capacités et de se revaloriser.

 

[1] Professeur-chercheur au Département de psychiatrie de l’Université de l’État de New York Upstate Medical University et psychologue, propose 10 principes directeurs dans l’éducation des enfants TDA http://www.memoireonline.com/03/07/394/m_interet-remediation-cognitive-trouble-deficit-attention19.html

[2] Dr Michel Lecendreux, psychiatre, pédopsychiatre à l’hôpital Robert-Debré à Paris, auteur de L’hyperactivité : T.D.A.H – 2007

[3] Le Don d’apprendre

[4] Le Don d’apprendre page 38

[5] Toutes ces corrections sont décrites dans son livre Le Don d’apprendre

Les différentes formes d’intelligence selon Antoine de La Garanderie et la gestion mentale

Antoine de La Garanderie[1] (1920-2010), était diplômé d’études supérieures de philosophie, certifié en biologie animale et végétale, docteur ès lettres. Il a été professeur de philosophie et de culture générale, maître de conférences à la Faculté des lettres de l’Institut catholique de Paris, ancien directeur de l’Institut de l’audiovisuel à Paris.

Pour aider les enfants dans leurs apprentissages, il a conduit une réflexion pédagogique sur les motifs de la réussite et de l’échec des étudiants depuis les années 70, en mettant en évidence les différents gestes mentaux qui sont employés pour réussir, réfléchir, apprendre, comprendre, mémoriser, etc.

La gestion mentale aide à prendre conscience de ces procédures personnelles, de ce que l’accomplissement d’une tâche évoque en nous et conduit à une meilleure connaissance de soi. La gestion mentale propose d’autres méthodes de fonctionnement qui peuvent compléter ou élargir les méthodes naturelles. L’enfant apprend à structurer les gestes mentaux (l’attention, la mémorisation, la compréhension, la réflexion, l’imagination), à élargir ses compétences (transfère les habitudes mentales efficaces aux domaines de difficulté ; aide à élargir ses propres habitudes mentales) et est amené à l’autonomie. Les cinq gestes mentaux, dont nous n’avons pas forcément conscience, sont des activités du cortex cérébral. Ils utilisent les évocations et s’articulent entre eux en des stratégies mentales différentes selon les individus. Ils nous permettent de réaliser toutes les opérations intellectuelles.

Mémoriser : cela consiste d’abord à regarder et écouter avec le projet de se redonner en images ou en mots ce que l’on perçoit et ensuite de le faire. On s’assurera de la conservation de ces acquis en s’imaginant être dans l’avenir, en train de les utiliser.

Comprendre revient à traduire en mots, en phrases, en images, l’objet concret ou abstrait donné en perceptions visuelles ou auditives. Le but est de camper une situation de confrontation entre cet objet et la traduction qu’on s’en est donné. Ainsi seront produits des jugements de comparaison, d’où pourront naître des intuitions de sens.

Réfléchir, c’est retrouver des acquis susceptibles d’apporter les moyens de traiter une situation d’exercice, de problème, de tâches diverses, plus ou moins complexes. Ces acquis seront alors mobilisés dans la pensée sous forme d’évocations concrètes ou symboliques. Ils seront enfin confrontés à ces exercices ou problèmes.

Imaginer est découvrir ou inventer en s’ingéniant à évoquer l’inédit des choses ou des êtres, que cet inédit soit présent en eux, ou qu’on en élabore la construction, toujours en utilisant les évocations d’images et de mots.

L’effort demandé à l’élève pour réaliser les gestes mentaux voit son impact diminué par le manque d’initiative. En effet, ces gestes permettent le développement de moyens performants, mais ils ne peuvent pallier le manque d’objectifs chez l’élève. Il lui faut un espace de liberté suffisant pour se créer son propre but.

Nous avons peut-être appris ces gestes spontanément ou par un tiers, mais ces gestes ne sont pas forcément maîtrisés, tout comme certains réalisent mieux les gestes de la nage libre que d’autres. Ce n’est pas forcément une question de don, cela peut être dû à l’apprentissage. Selon Antoine de la Garanderie, chacun peut apprendre à réussir au mieux ces gestes, en tenant compte de son profil pédagogique.

Antoine de La Garanderie a donc commencé à élaborer sa théorie en interrogeant de jeunes étudiants, car il était stupéfait de constater leur réussite dans certains domaines et leur échec dans d’autres, alors qu’il avait l’intuition, tout comme Maria Montessori soixante ans plus tôt d’ailleurs, que tous les individus ont la même quantité d’intelligence dès le départ mais avec de multiples fonctionnements parfois bien différents.

Antoine de La Garanderie constata que de dialoguer avec des jeunes sur leurs modes de fonctionnement leur apportait une aide. Ils se rendaient compte que tous n’avaient pas la même façon de penser, de raisonner et cela les aidait aussi à comprendre comment ils fonctionnaient eux-mêmes et les incitait à reproduire d’autres schémas mentaux. Mais ces étudiants étaient déjà âgés, alors Antoine de La Garanderie tenta d’intervenir auprès d’enfants plus jeunes pour essayer de discerner comment ils fonctionnaient en situation de réussite, afin de les aider à adapter leur fonctionnement dans des situations habituelles d’échec. Il mena alors une enquête auprès d’élèves de troisième au cours de dix séances de deux heures. Le premier travail fut de faire parler les élèves sur leurs méthodes personnelles de travail selon ce plan :

Mémoire : apprentissage des leçons
– Celles que vous apprenez le plus facilement ;
– Celles que vous apprenez le plus difficilement ;
– Celles que vous négligez systématiquement.

Réflexion : réalisation des devoirs :
– Ceux que vous faites avec le moins de difficultés ou que vous sentez pouvoir faire ;
– Ceux que vous ne parvenez pas à faire, sinon avec beaucoup de peine.

Attention : écoute en classe :
– Qu’est-ce que vous comprenez le plus facilement ?
– Qu’est-ce que vous comprenez difficilement ? Qu’est-ce que vous ne comprenez pas ?
– Qu’est-ce qui vous met sur la voie quand vous ne comprenez pas ?
– Qu’est-ce qui, à votre avis, vous fait perdre pied généralement ?

Après cette enquête minutieuse auprès d’élèves et d’enseignants sur leurs méthodes personnelles de travail, Antoine de La Garanderie constate que ceux-ci ne sont généralement pas conscients des méthodes qu’ils emploient. De plus, il ressort deux points importants :

« Il n’y a pas autant de méthodes personnelles de travail que d’individus. Il existe un certain nombre de familles d’esprit qui pratiquent les mêmes méthodes.
Ces méthodes personnelles de travail ne changent pas fondamentalement au cours de l’existence de l’individu ».

Ce sont donc de véritables habitudes mentales indépendantes de toute volonté. Ces procédures personnelles demeurent implicites tant qu’on n’en fait pas prendre conscience aux personnes.

Il donne quelques exemples de fonctionnement qui entraînent des différences nettes dans les compétences scolaires. Pierre et Paul sont en 5ème. Pierre connaît par cœur les énoncés des théorèmes et leur définition, mais lorsqu’il doit les appliquer, il est perdu. Paul n’apprend pas ses leçons mais il parvient facilement à résoudre des exercices et des problèmes au tableau, montrant ainsi qu’il a compris. « Faut-il dire que Pierre a de la mémoire mais qu’il n’est pas intelligent ? Inversement, faut-il dire que Paul est intelligent mais qu’il n’a pas de mémoire ? On va parfois plus loin. On estimera que Pierre se contente de faire travailler sa mémoire au lieu d’activer son intelligence. Pour empêcher que l’élève ne continue à user de sa mémoire en laissant pour compte son intelligence, on va lui interdire d’apprendre par cœur. On accepte beaucoup mieux le cas de Paul qui comprend sans faire l’effort d’apprendre ! Et l’on s’en tient là »[2]. Ce n’est pas un problème d’intelligence ou de mémoire. Ces différences viennent du fait que Pierre et Paul n’utilisent pas les mêmes images mentales. Ce sont les images verbales qui aident Pierre à retenir les définitions alors que ce sont les images mentales visuelles qui permettent à Paul de voir les figures géométriques et les symboles en algèbre et de pouvoir les utiliser correctement. Pour Pierre, « C’est l’absence de la représentation visuelle, confondue à tort avec une inaptitude (dite naturelle) qui est la cause de son impossibilité à appliquer ce qu’il a appris »[3]. Pour résoudre son problème pédagogique, il faut qu’il se représente les figures et les symboles. Bien qu’il se représente correctement les figures et les symboles, Paul risque d’être limité à des applications ponctuelles s’il ne prend pas l’habitude de se faire une représentation verbale des figures et des symboles.

Selon les recherches récentes sur le cerveau, il semble que Pierre soit nettement auditif ce qui l’aide réellement à apprendre par cœur sans pour autant comprendre le sens de ce qu’il a appris, d’où ses difficultés à appliquer les définitions et théorèmes. En effet, les cerveaux gauches ont vraiment besoin de comprendre la règle pour l’appliquer. Paul est plutôt visuel, ce qui lui permet d’appliquer facilement une règle, un théorème, car c’est l’apanage du cerveau droit que de reproduire selon un modèle. Paul aura besoin de verbaliser la règle afin de faire travailler son cerveau gauche et d’apprendre à raisonner.

Jacques et Jean sont en CM1. Jacques est très bon en orthographe et mauvais en rédaction alors que Jean compose bien avec une orthographe déplorable. A travers ses lectures, Jacques se fabrique naturellement des images visuelles qui l’aident à écrire comme il faut lorsqu’il le doit ou le veut. Jean, lui, se fabrique des images auditives grâce à son discours intérieur car il se répète ce qu’il est en train de lire lorsqu’il lit un livre. Il se compose ainsi des récits, des raisonnements, des développements dans sa tête qui l’aident lorsqu’il doit rédiger.

Il y a donc « un lien intrinsèque entre la forme de l’habitude évocatrice pratiquée et les adaptations et les inadaptations scolaires. Il y a un lien intrinsèque entre le contenu de la mémoire, les aptitudes de l’intelligence et la forme de l’habitude évocatrice pratiquée. L’habitude évocatrice non pratiquée peut être acquise pour peu qu’on le veuille et qu’on sache comment s’y prendre »[4].

Nous pouvons aussi imaginer les dégâts que peut avoir un enseignement qui soit uniquement et exactement à l’opposé de celui d’un enfant ! Imaginez « un professeur qui comprend par plan. Il estime qu’il n’y a rien de plus clair, rien de plus parlant pour l’intelligence et pour la mémoire, qu’un plan… Hélas ! Cela ne dit rien à l’élève auquel il faut beaucoup, beaucoup d’images pour saisir la moindre chose. Et, alors, l’élève finit par désespérer et par douter de sa capacité, car, ne l’oublions pas, il n’est pas du tout familiarisé avec l’idée de différences de procédés pour accéder à la compréhension et à la mémorisation. Il n’a pas en lui les ressources nécessaires pour continuer dans sa ligne. En désespoir de cause, il laisse tout aller et devient paresseux »[5].

Attention ! Pour que l’enseignant puisse évaluer correctement l’enfant, il lui faut la connaissance des profils pédagogiques et la connaissance de son profil à lui. L’enseignant qui n’a pas dessiné son propre profil pédagogique et qui, de ce fait, reste dans l’ignorance de ses habitudes évocatrices ainsi que des paramètres qu’il gère, ne pourra pas formuler une évaluation, juste des qualités et des limites de ses élèves. Il ne pourra pas comprendre et interpréter correctement les résultats de certains élèves. Vous savez, toutes ces petites remarques qui ne veulent rien dire et qui sont tellement démotivantes comme « peut mieux faire »…

Pour Antoine de La Garanderie, la pédagogie est constamment en recherche pour expliquer les échecs scolaires. Pour cela, elle fait souvent intervenir des facteurs psychiques, psycho-sociaux, sociaux, politiques, … à travers des analyses freudienne, marxiste, biologique (l’inaptitude à cause de chromosomes), ou tout simplement une certitude d’absence d’aptitude ou de la mauvaise volonté. La tendance se recommande des sciences humaines, plus particulièrement des théories psychanalytiques ou de celles qui tournent autour du marxisme. Antoine de La Garanderie, plus modestement et à contre-courant, demande au pédagogue d’être pédagogue, de croire en lui, en sa science d’enseignant alors que l’enseignant fait confiance aux sciences humaines.

« Le jeune enfant a besoin que l’adulte l’aide à maîtriser les objets, sans l’humilier, c’est-à-dire sans lui ôter le pouvoir d’agir ».

Antoine de La Garanderie a proposé à quelques élèves trois sujets de dissertation au tableau. Il les priait de travailler comme ils en avaient l’habitude. « L’un commençait, après un temps de réflexion, à rédiger sa dissertation au propre ; un autre faisait un plan ; un autre soulignait les mots du sujet qu’il avait choisi et les définissait ; un autre se laissait aller au courant de la plume pour noter tout ce qui lui passait par la tête ; un autre cherchait à évoquer les parties du cours qui correspondait au sujet choisi, ainsi que des citations susceptibles de s’y rapporter ; un autre, enfin, n’écrivait rien, mais élaborait dans sa tête le développement du sujet ». Ce sont les cas les plus répandus qu’Antoine de La Garanderie a rencontrés. Parmi eux, trois reviennent encore plus fréquemment : ceux qui écrivent d’un premier jet, ceux qui notent tout ce qui leur passe par la tête, qui laissent courir leur plume, et ceux qui font un plan.

Il est extrêmement important de comprendre que parmi ces méthodes de travail aucune est bonne, aucune est mauvaise. Elles sont toutes valables, mais chacune demande une aide appropriée pour compléter ce qui est naturel et arriver au résultat escompté. Il n’est jamais trop tard pour cela, on peut réveiller des parties du cerveau qui étaient en sommeil ou en veilleuse même depuis longtemps.

Dans le cadre de l’élaboration d’une dissertation, voici ce qu’Antoine de La Garanderie préconise :♦ Le ‘’rédacteur’’ qui rédige d’un premier jet finit souvent par être bloqué, il ne sait plus quoi dire. De plus, il est parfois, soit partiellement, soit complètement, hors sujet, et/ou a oublié une partie des consignes…

  • Il y a deux difficultés majeures dans ce cas. Soit lorsqu’il s’arrête, il ne sait plus où il en est ! Il faut relire tout ce qui a été écrit et, en général, le fil des idées est retrouvé. Soit, lorsqu’il relit sa dissertation, il s’aperçoit qu’il n’a pas répondu à la question ou seulement à une partie. Il faut recopier la dissertation en refaisant les passages qui ne convenaient pas. Ce genre d’enfant en a le temps car il est très rapide à écrire.

♦ Le ‘’courant de la plume’’ ou chercheur d’idées ne parvient pas à bâtir un plan. Il manque de rigueur démonstrative, l’ensemble est mal structuré et de valeur inégale.

  • Il faut relire tout ce qui a été écrit en se référant sans cesse au sujet, plusieurs fois s’il le faut. Puis, il faut sélectionner les passages à conserver et ceux à supprimer. Enfin, réécrire ce qui a été conservé, le retravailler en se référant toujours au sujet afin d’obtenir un bon enchaînement et d’obtenir le texte définitif.

♦ Le ‘’planificateur’’ rédige facilement un plan bien structuré mais a de la peine à développer ses idées.

  • Sa principale difficulté est le développement. Il ne doit pas chercher à développer ! Il faut trouver des exemples. Aussi, il faut recueillir une documentation, s’en imprégner, chercher des citations, mettre de côté la documentation et rédiger de tête. Petit à petit, l’écriture sera plus facile.

En interrogeant de très bons élèves, Antoine de La Garanderie s’est rendu compte qu’ils avaient également chacun des méthodes personnelles de travail mais qu’ils n’étaient pas enfermés dans ces méthodes qui auraient limité leurs capacités. Ils utilisaient aussi, sans le savoir, des fonctionnements qui ne leur étaient pas naturels, qu’ils avaient développés inconsciemment après un effort d’adaptation pour remédier aux limites de leurs propres méthodes.A travers des dialogues pédagogiques, il remarque aussi avec d’autres élèves que certains découvrent que l’effort auquel ils répugnaient était la condition de la réussite ou celle pour échapper à l’échec.Par la suite, Antoine de La Garanderie ne s’est pas limité au domaine scolaire car certains enfants sont médiocres à l’école et excellents dans un domaine extrascolaire. C’est en comprenant le fonctionnement de l’enfant dans cette activité extrascolaire où l’enfant montre de réelles capacités qu’il peut déterminer le profil de l’enfant afin de remédier au domaine scolaire.En conclusion, la majorité des enfants ont besoin d’être ouverts à d’autres procédés pour étendre leurs compétences.

Antoine de La Garanderie appelle la forme naturelle d’évocation ‘’langue maternelle pédagogique’’ et l’autre forme d’évocation qu’il est possible d’apprendre ‘’seconde langue pédagogique’’.Il a classé les différentes formes d’images mentales visuelles et auditives sous leur langue pédagogique propre.

Langue pédagogique visuelle

Les images des objets perçus réellement dans le monde visible : choses, êtres, scènes de la vie. Certains sujets bornent leurs évocations visuelles à cette catégorie d’objets.
Les images des mots eux-mêmes. Ce n’est pas le fait de tout sujet qui utilise la langue pédagogique visuelle d’évoquer visuellement les mots lus ou entendus.
Les images des figures, des croquis, des symboles… Autre forme nouvelle de représentations par des images mentales visuelles. Et nous devons faire une distinction entre les sujets qui évoquent les figures géométriques à l’exclusion des symboles algébriques et réciproquement.
L’élaboration d’images visuelles mentales pour se représenter ce qui n’a pas été perçu ou pour symboliser des objets perçus… Nous ne nous contenterions plus de reproduire par des images mentales des objets perçus ; nous serions en situation « créative » d’images visuelles.

Langue pédagogique auditive

Les images auditives des sons perçus, des conversations tenues, des mots entendus désignant des choses ou des êtres.
Les images auditives des mots appris, les séries de mots appris mécaniquement qui sont évoqués auditivement en images mentales.
Les enchaînements de phrases constituant des ensembles logiques à teneur historique, scientifique…, évoquées par des successions d’images mentales auditives.
L’élaboration par des images auditives internes de récits inventés, d’histoires complétées ou transformées… Nous sommes en situation créative d’images auditives.

A partir de là, Antoine de La Garanderie a conçu les paramètres intervenant pour la constitution du profil pédagogique.

Sa théorie repose donc sur différents concepts de l’évocation comme :

  • la nature (ou langue) de l’évocation : visuelle, auditive, verbale, etc.
  • les paramètres mis en jeu : concret (évocation des choses, des êtres, des scènes, des gestes ou P1), convention (évocation des mots ou P2), liens logiques (évocation des rapports et des relations ou P3) ou liens inédits (évocation en complétant, en prolongeant, en innovant ou P4)
  • le codage : première ou troisième personne
  • le lieu de sens : spatial ou temporel.

Tableau des paramètres mis en jeu selon la nature de l’évocation (visuelle ou auditive) pour la constitution du profil pédagogique :

Opérations mentales simples

Évocations visuelles

Évocations auditives

P1 – Évocation des choses, des êtres, des scènes, des gestes.

Le sujet voit en image mentale, donc visuelle, les choses, les êtres et les gestes.

Le sujet entend parler par une image mentale, donc auditive de ces choses, de ces êtres, de ces scènes, de ces gestes.

P2 – Évocation des mots.

Le sujet voit en image mentale, donc visuelle, les mots à leur place dans la page et comment ils sont écrits, et se font les accords grammaticaux par la vue.

Le sujet entend en images mentales, donc auditive, les mots prononcés dans des séries de mots et se font les accords grammaticaux par l’oreille.

Opérations mentales complexes

Évocations visuelles

Évocations auditives

P3 – Évocation des rapports et des relations : lois, causes-effets, principes à conséquences…etc…

Le sujet voit les figures géométriques, les équations, les règles de grammaire sur le livre, le cahier, comme ils sont visuellement posés.

Le sujet entend l’énoncé des règles de mathématiques et de grammaire…

P4 – Évocation en complétant, en prolongeant, en innovant.

Le sujet opère visuellement ces évocations.

Le sujet opère auditivement ces évocations.

Le codage 1ère personne : certains retiennent mieux lorsqu’ils répètent eux-mêmes ce qu’ils veulent apprendre.

Le codage 3ème personne : d’autres retiennent mieux lorsqu’ils entendent de quelqu’un d’autre ce qu’ils veulent apprendre.

La réalisation de ces gestes mentaux repose sur deux notions fondamentales : l’évocation et le projet

L’évocation correspond à la création ou au rappel d’images mentales, des méthodes personnelles de traitement de l’information visuelle, auditive ou verbale, par lesquelles le sujet rend présent, mentalement, le monde qui l’entoure, la réalité qui est ou celle qu’il invente. Chacun code les informations à sa manière pour mieux les comprendre et les retenir. Ces images existent en l’absence de l’objet externe et constituent le matériau de base de l’activité intellectuelle. Il ne peut y avoir d’acte intellectuel à proprement parler sans évocation. Apprendre à évoquer et prendre conscience de ses évocations sont deux voies concrètes de progrès.

Évocation visuelle : représentation mentale faite d’éléments semblables à ceux que l’on perçoit par la vue : revoir mentalement des scènes de la vie courante, des objets, des lieux, des personnes, des chiffres, des mots, des schémas, des cartes, des espaces, des mouvements, des couleurs, etc.

Évocation auditive : représentation mentale faite d’éléments semblables à ceux que l’on perçoit par l’ouïe: réentendre mentalement une mélodie, des sons naturels ou non, des voix humaines, des intonations, etc.

Évocation verbale : discours intérieur que le sujet se tient à lui-même. Ce discours peut reprendre les propos d’autrui, plus ou moins fidèlement, mais la voix est celle du sujet qui évoque. Ce discours intérieur peut aussi être original, fabriqué par le sujet au fur et à mesure que sa pensée se déroule. Ce discours peut décrire ce que le sujet voit, a vu, a entendu, commenter, construire un argumentaire, inventer des histoires, etc.

Le projet est le sens, l’orientation que nous donnons à ce que nous voulons faire, il ancre l’acte intellectuel dans le temps et dans l’espace. Il se traduit dans l’acte pédagogique par le fait d’éveiller chez l’enfant le projet visé par la tâche qu’il a à effectuer. C’est un projet à très court terme, qui anime l’acte intellectuel. Nous n’aborderons pas de la même façon un texte si nous avons comme projet de le réciter de mémoire ou celui d’en expliquer le contenu. De même que nous ne regarderons pas un paysage de la même façon, si nous avons comme projet de l’admirer ou celui de le raconter à quelqu’un. En s’imaginant un cadre pour restituer ce que l’on a appris ou pour l’exploiter soi-même, la motivation grandit et aide à la mémorisation. Le projet structure les gestes mentaux (l’attention, la mémorisation, la compréhension, la réflexion, l’imagination). Le projet étant déterminé, nous déclenchons la bonne évocation qui produit la réussite. Le contraire est également vrai.

En analysant les paramètres utilisés par une personne, Antoine de La Garanderie détermine les capacités et incapacités qui en découlent. Il peut également déterminer ce qu’il convient de faire si l’on veut supprimer la conséquence d’incapacité en transférant les habitudes mentales efficaces aux domaines de difficulté. Il faut partir du constat positif qui incite l’élève à continuer à faire ce qui lui réussit, « Le diagnostic aura ainsi plus de chance d’être compris puisqu’il se fonde non sur un manque mais sur un plein qui est la cause directe de ce manque »[6]. C’est le ‘’trop’’ qui souvent explique le ‘’pas assez’’. Le diagnostic et l’entraînement pédagogiques sont les moyens qu’il faut mettre en œuvre pour aider les élèves à s’adapter à leurs tâches scolaires (sans oublier les avantages personnels qu’ils pourraient en tirer).

Antoine de La Garanderie a recensé 80% d’auditifs, 20% de visuels et 80% de kinesthésiques (associé soit aux auditifs, soit aux visuels).

Pour Antoine de La Garanderie, tous les enfants sont capables de réussir, il suffit de s’intéresser à leur façon de fonctionner.

« Quand on connaît l’impact de la réussite scolaire sur la personnalité, quand on sait à quel point elle est une condition d’identité – par rapport à autrui, certes, mais aussi par rapport à soi-même – je dis qu’il est criminel de maintenir des élèves en situation d’échec.

Tous les enfants sont en état de réussite immédiate. Nous avons à notre portée des moyens simples pour les y conduire. La gestion mentale n’est pas un truc, ce n’est pas non plus une recette : c’est une pédagogie des moyens qui se fonde sur des processus simples à mettre en œuvre, c’est une philosophie de la vie où le réel reste encore à réaliser. Tous ensemble, enseignants, élèves, parents, nous pouvons faire reculer les frontières de l’échec.

Il faut, de la maternelle à la terminale, que chaque acteur du monde scolaire prenne sa part de responsabilité. Et la gestion mentale, c’est une pédagogie de la responsabilisation, de la prise de conscience, par chacun, du rôle qu’il a à jouer. Il est plus que temps de réagir. »

Ces mots d’Antoine de la Garanderie datent de 1988.

Un pré-requis important pour AdLG est la motivation. La motivation ne se base pas sur des plaisirs d’états : avoir des décorations, des diplômes, des postes importants… du genre « si tu travailles bien, tu auras une bonne situation ».

Il faut que la motivation soit basée sur des plaisirs d’actes pas des plaisirs d’états. Les plaisirs d’actes, l’amour de soi-même, l’amour de l’autre : regarder une œuvre d’art, écouter de la musique… « J’agis lorsque je suis émerveillé ! » Il faut favoriser les désirs qui partent d’un développement de l’être humain, qui permettent d’exister d’avantage : « Si tu travailles, tu auras la joie de connaître, tu vas être capable de jouer tels morceaux… ». Il est nécessaire de mettre l’enfant dans une situation de plaisirs d’actes.

Témoignage d’une adhérente de CISE :

« J’avais deux enfants à la maison pour le week-end : deux garçons de 6-7 ans dont l’un lisait assez bien et l’autre n’arrivait pas à lire. Antoine de la Garanderie nous avait parlé des enfants auditifs au CP, qui ne parviennent pas à assimiler la lecture : quand on leur demande, le soir, par exemple, de « relire » la leçon du jour, on a l’impression qu’ils disent « n’importe quoi ». En fait, ils ne disent pas « n’importe quoi » : ils se souviennent des mots ou des phrases étudiés en classe, et les redisent… mais comme ils n’ont pas « codé » la forme des mots, ils ne les disent pas forcément au bon endroit.

Les deux garçons étaient donc plongés dans la lecture d’Astérix. Je m’approchai de celui qui avait des difficultés et lui demandai si, dans les deux pages qu’il avait sous les yeux, il reconnaissait des mots. Il parcourut des yeux les bulles : non, il ne reconnaissait rien. Puis soudain, arrivant à la dernière vignette : – Là, c’est « A l’attaque! » – Ah ? Comment tu le sais ? – Parce qu’il y a un A, et puis un L et encore un A, alors je me suis dit « A l’attaque ! ».

‘’Je me suis dit’’… Un « auditif »…

Par la suite, j’ai rencontré beaucoup d’auditifs qui avaient eu des difficultés en CP : tous ceux que je connais qui ont redoublé leur CP étaient des auditifs… Et comme la plupart des enseignants sont des visuels, ils enseignent naturellement pour des visuels, sans savoir que certains de leurs élèves ne comprennent pas un certain nombre de choses qui leur paraissent pourtant, à eux enseignants, évidentes (évidentes : qui se voient !).

Par exemple : vous écrivez au tableau le plan d’une leçon, vous faites des titres, numérotés, des retraits pour les sous-titres, et encore des retraits pour des contenus. Vous passez dans les rangs… et vous vous énervez contre quelques élèves qui négligent vos beaux retraits et copient tout contre la marge : « Mais enfin! Tu ne vois pas ce qui est au tableau? » Bien sûr que si, ils voient, quand ils regardent… mais tous vos beaux retraits ne leur disent rien, ils ne sont pas porteurs de sens pour eux.

J’ai donné quelques cours particuliers à une élève de 5ème, que je reconnus assez vite comme auditive. Ces cours particuliers m’ont permis de découvrir certains problèmes… et d’apprendre à les traiter. L’élève en question devait faire le plan d’un texte. Le problème était qu’elle n’arrivait absolument pas à comprendre ce qu’on attendait d’elle : qu’est-ce qu’était un plan ? Elle lut le texte, puis me le raconta. Je m’aperçus alors qu’elle avait parfaitement compris, mais était incapable de retrouver dans le texte les différentes parties : l’auditif n’ayant pas de repères visuels, il est obligé de tout relire à chaque question pour trouver la réponse; alors que le visuel saura qu’il lui faut la chercher dans le 2ème paragraphe, par exemple. Pour faire le fameux « plan », nous nous basâmes donc uniquement sur l’oral : lui faisant redire l’histoire, je lui demandai de retrouver les différents épisodes et de les formuler sous forme de titre. Ce qui ne lui posa aucun problème ».

Depuis quelques années, un autre mouvement de gestion mentale s’est créé qui fonctionne différemment. Des exercices types sont proposés, et le profil pédagogique est établi en fonction de la manière dont les problèmes sont résolus. Le but étant également de faire découvrir à la personne son mode de fonctionnement, afin qu’elle puisse l’adapter dans toutes les situations.

Exemple d’un exercice pour aider à déterminer la dominante du cerveau :

Un père décide de donner 100 € à ses enfants à raison de 5 € pour l’aîné, 3 € pour le second et 2 € pour le troisième. Combien donnera-t-il à chacun ?

Une personne linéaire et déductive a résolu ce problème de manière linéaire, par soustraction successives. Son raisonnement est : « au départ, j’ai 100 € ; j’enlève 5 € pour l’aîné, il reste 95 € ; j’enlève 3 € pour le second, il reste 92 € ; j’enlève 2 € pour le troisième, il reste 90 € ; j’enlève à nouveau 5 € pour l’aîné, il reste 85 € ; j’enlève 3 € pour le second, il reste 82 € ; j’enlève 2 € pour le troisième, il reste 80 € ; j’enlève encore 5 € pour l’aîné, il reste 75 € ; j’enlève 3 € pour le second, il reste 72 € ; j’enlève 2 € pour le troisième, il reste 70 € ; etc. Jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien. J’ai fait cela 10 fois, donc l’aîné reçoit 50 €, le second reçoit 30 € et le troisième reçoit 20 € ».

Une personne arborescente et intuitive a résolu ce problème de manière spatiale : 5 € pour l’aîné + 3 € pour le second + 2 € pour le troisième font 10 €, ce qui est dix fois moins que 100 €, donc chacun a pu recevoir 10 fois plus, soit 50 € pour l’aîné, 30 € pour le second et 20 € pour le troisième.

La encore, il n’y a pas de bonne ou mauvaise manière, chacun trouve le résultat !

Ce mouvement de gestion mentale est codifié par dominante cerveau gauche et dominante cerveau droit. Tout être humain est donc plus sensible à une certaine façon d’apprendre. Pour ce mouvement de gestion mentale, il existe trois formes principales d’intelligence : auditive/verbale, visuelle/spatiale et kinesthésique/corporelle. Il y a de nombreuses combinaisons possibles en les mixant selon différentes proportions. La gestion mentale permet de bien connaître le fonctionnement du cerveau de son enfant afin de l’aider à personnaliser les informations et à adapter les apprentissages pour une optimisation de la compréhension et de la mémorisation. Utiliser la gestion mentale permet de profiter des capacités naturelles de l’enfant tout en l’aidant à développer celles qui le sont moins. De plus, la motivation est bien meilleure quand l’enfant traite lui-même les informations à sa façon. Pour les parents, connaître son fonctionnement propre et celui de son enfant qui peut être complètement opposé, peut permettre de comprendre pourquoi nous avons parfois l’impression de ne pas être capable d’expliquer une notion ; que notre enfant ne comprend rien ; de parler à un mur.

Les enfants qui sont « auditif/ver­bal » utilisent particulièrement l’hémisphère gauche et apprennent principalement en écoutant ou en lisant. Ils sont donc sensibles aux sons, aux mélodies, aux voix, aux intonations et aux détails. Selon leur codage, ils seront plus sensibles aux sons extérieurs ou à leur propres sons (première ou troisième personne) : certains retiendront mieux ce qu’ils entendent, d’autres retiendront mieux ce qu’ils lisent, commentent, répètent… Ils fonctionnent dans le temps, de manière linéaire, il leur faut un point de départ et un point d’arrivée. Ils ont des facilités pour lire, s’exprimer et pour apprendre par cœur, mais sans forcément comprendre. Ces enfants ont tendance à relire leur leçon entièrement dans leur tête, même pour trouver une information qui se trouve au milieu ou à la fin de leur leçon. Il est important d’aider ces enfants à reformuler ce qu’ils lisent afin de développer une bonne compréhension, afin qu’ils puissent s’approprier les informations et qu’ils puissent isoler les différentes parties de leur leçon. Ils doivent aussi apprendre à résumer. De même qu’ils préfèrent partir du détail pour arriver à l’ensemble, ils ont besoin de faire plusieurs exercices pour découvrir et comprendre une règle. Ceux-ci sont de plus en plus en échec scolaire, car l’école ne leur offre plus la possibilité de cette nécessaire répétition. Leur rythme n’est plus respecté. Ils demandent toujours ‘’pourquoi ?’’ (si l’adulte est dépassé par les ‘’pourquoi’’ de l’enfant et ne sait que répondre, reporter la réponse avec une tierce personne ou chercher ensemble est préférable à une réponse erronée). Pour les autres enfants, il est important de développer cette capacité à comprendre le langage oral pour qu’ils puissent exprimer correctement et explicitement leurs pensées. Une mauvaise maîtrise du langage peut entraîner une certaine violence face à ceux qui le maîtrisent mieux.

Ceux qui sont « visuel/spatial » utilisent particulièrement le cerveau droit et ont besoin de voir des images ou de faire des dessins pour comprendre : revoir mentalement des scènes de la vie courante, des objets, des lieux, des personnes, des chiffres, des mots, des schémas, des cartes, des espaces, des mouvements, des couleurs, etc. Selon leur codage, ils seront plus sensibles aux images extérieures ou à leurs propres images, leur écriture, leur dessin… Les « cerveaux droits » ont besoin d’espace, ils demandent toujours ‘’comment ?’’. Ces enfants sont incapables d’apprendre par cœur en lisant simplement plusieurs fois un texte. Ils ont besoin de se créer des images mentales pour retenir. Comme ils abordent les choses à partir de l’ensemble, ils ont besoin de connaître une règle pour faire des exercices. Les personnes à dominante cerveau droit pensent souvent qu’ils n’ont aucune mémoire, alors qu’ils n’ont simplement pas l’habitude de se construire des images mentales. Pour les autres enfants, développer cette capacité à visualiser peut faciliter les processus de compréhension et de résolution de problèmes. En effet, les images mentales aident à la pensée et à la réflexion.

Ceux qui sont « kinesthésique/corporel » sont également soit à dominante cerveau droit, soit à dominante cerveau gauche, ou ambidextre du cerveau. Ils ont particulièrement besoin de manipuler, de sentir du bout des doigts pour se fabriquer des images mentales et de bouger pour apprendre. Ce sont des enfants qui bougent tout le temps et qui touchent à tout. Ces enfants ont souvent besoin de triturer un objet ou de griffonner afin de pouvoir se concentrer ! Ce qui exaspère en général les enseignants qui ne fonctionnent pas comme cela. Ils sont très sensibles et racontent surtout leur ressenti. Pour apprendre une leçon ou une poésie par cœur, ils peuvent être aidés si on associe des gestes aux mots. Mais permettre aux autres enfants d’apprendre en touchant et en bougeant les aidera à se sentir à l’aise dans leur corps.

Catherine Chemin


[1] Voir bibliographie

[2] Extrait du livre Les Profils pédagogiques d’Antoine de La Garanderie

[3] Extrait du livre Les Profils pédagogiques d’Antoine de La Garanderie

[4] Extrait du livre Les Profils pédagogiques d’Antoine de La Garanderie

[5] Extrait du livre Les Profils pédagogiques d’Antoine de La Garanderie

[6] Extrait du livre Les Profils pédagogiques d’Antoine de La Garanderie

Les différentes formes d’intelligence selon Howard Gardner

Howard Gardner[1] (1943-), psychologue cognitiviste et « développementaliste » américain, professeur en cognition et en éducation à la Harvard Graduate School of Education, professeur de psychologie à l’université de Harvard et professeur de neurologie à la faculté de médecine de l’université de Boston, est le père de la théorie des intelligences multiples qu’il présente en 1983. C’est en travaillant sur les lésions cérébrales de personnes nés avec ces lésions ou des personnes lésées suite à un accident qu’il découvre que les malades privés d’une faculté intellectuelle bien précise sont parfaitement capables d’en assumer d’autres. Le cerveau a une capacité de compensation extraordinaire.

En travaillant sur certaines formes de handicap mental, il conçoit ces différentes formes d’intelligences indépendantes dont nous sommes tous dotés dans des proportions extrêmement variables comme le montre la grande variété des profils individuels. Chaque individu dispose de plusieurs types d’intelligences, pour lesquelles il a naturellement une plus ou moins grande compétence.

L’approche classique, qui prend en compte l’intelligence comme étant unique, est mesurable par QI. Hors, selon Howard Gardner, comme les tests utilisés pour mesurer le QI ne font appelle qu’à deux formes d’intelligence (compétences verbal-linguistiques et logique-mathématiques), ils ne sont absolument pas crédibles au regard de la science comme des besoins de la société.

Gardner cherche à élargir la portée du potentiel humain au-delà des limites érigées par le QI.

Selon Gardner, l’intelligence porte davantage sur la capacité de résoudre des problèmes ou de créer des produits, dans un cadre naturel et enrichissant. À son avis, l’intelligence humaine comprend trois composantes :

  • une série d’habiletés qui permet à l’individu de résoudre les problèmes réels qu’il rencontre dans sa vie;
  • l’habileté de produire quelque chose ou d’offrir un service qui a de la valeur dans sa propre culture;
  • une capacité de trouver ou de faire ressortir des situations problèmes qui permettent à des individus d’acquérir un nouveau savoir.

Notre culture serait portée à définir la notion ‘’d’intelligence’’ de façon trop étroite, alors que nous naissons avec des potentiels biologiques intellectuels bruts et variés que nous développons au cours de notre vie. C’est la combinaison particulière de ces intelligences en tout individu qui fait que nous sommes singuliers et différents des autres.

Howard Gardner recense huit formes d’intelligence, dont deux seulement sont reconnues dans les milieux scolaires : l’intelligence logique-mathématique et l’intelligence verbal-linguistique. Les six autres sont souvent délaissées par l’école et ne sont également pas assez valorisées au travail.

L’utilisation de la théorie des Intelligences multiples ne vise pas à catégoriser les individus selon un seul type d’intelligence. Il s’agit de s’appuyer sur des capacités naturellement plus développées pour développer les autres. De plus, la ou les formes d’intelligences privilégiées par un individu peut évoluer avec le temps.

Les différentes forme d’intelligence d’Howard Gardner

L’intelligence logique-mathématique : c’est la capacité à raisonner, à compter, à calculer, à mesurer, à ordonner le monde, à faire preuve de logique et de résoudre des problèmes mathématiques et scientifiques. On reconnaît particulièrement cette intelligence chez quelqu’un qui aime résoudre des problèmes ; chez ceux qui veulent des raisons à tout, veulent des relations de cause à effet ; qui aiment les structures logiques, et aiment expérimenter d’une manière logique ; chez ceux qui préfèrent la prise de note linéaire ; etc. Cette forme d’intelligence est considérée comme essentielle et prioritaire dans notre société.

L’intelligence verbal-linguistique : c’est la capacité à être sensible les structures linguistiques sous toutes leurs formes. On reconnaît particulièrement cette intelligence chez quelqu’un qui aime lire, qui parle facilement, aime raconter des histoires et aime en entendre, qui aime les jeux avec des mots (mots croisés, Scrabble, etc.), les jeux de mots, les calembours. Cette forme d’intelligence est également considérée comme essentielle et prioritaire dans notre société.

L’intelligence visuelle-spatiale : c’est la capacité à créer des images mentales, et à percevoir le monde visible avec précision dans ses trois dimensions. On reconnaît particulièrement cette intelligence chez quelqu’un qui a un bon sens de l’orientation, ceux qui créent facilement des images mentales, ceux qui aiment l’art sous toutes ses formes, ceux qui lisent facilement les cartes, les diagrammes et les graphiques, ceux qui aiment les puzzles, ceux qui aiment arranger l’espace, ceux qui se souviennent avec des images, ceux qui ont un bon sens des couleurs, ceux qui ont besoin d’un dessin pour comprendre. Les personnes ayant cette forme d’intelligence pensent essentiellement avec des images.

L’intelligence corporel-kinesthésique : c’est la capacité à utiliser son corps d’une manière fine et élaborée, à s’exprimer à travers le mouvement, à être habile avec les objets, permet la manipulation fine et augmente les capacités cognitives pour le sport. On reconnaît particulièrement cette intelligence chez quelqu’un qui contrôle bien les mouvements de son corps ; chez ceux qui aiment toucher, sont habiles en travaux manuels ; ceux qui aiment faire du sport, aiment jouer la comédie ; chez ceux qui apprennent mieux en bougeant, qui aiment faire des expériences. Enfant, elle se reconnaît car elle se trémousse s’il n’y a pas suffisamment d’occasion de bouger, se lève pour tailler un crayon ou mettre un papier à la poubelle. Les personnes utilisant beaucoup cette forme d’intelligence devront expérimenter pratiquement et avoir la possibilité de toucher, de bouger et de manipuler pour comprendre.

L’intelligence musicale-rythmique : c’est la capacité à être sensible aux structures rythmiques, sonores et musicales. On reconnaît particulièrement cette intelligence chez quelqu’un qui fredonne souvent, bat du pied, chante, se met à danser sur le moindre rythme ; ceux qui sont sensibles au pouvoir émotionnel de la musique, au son des voix et à leur rythme ; ceux qui saisissent facilement les accents d’une langue étrangère. Les sciences cognitives prouvent aujourd’hui que cette forme d’intelligence est très présente chez les petits qui ont besoin, par exemple, de sons et de comptines mais pas indépendamment des apprentissages. Les enfants ayant bien travaillé tout ce qui sonore, et cela lié aux apprentissages, auront l’oreille éduquée et acquerront la lecture beaucoup plus rapidement. Ce travail n’est pratiquement plus réalisé en maternelle.

L’intelligence intrapersonnelle : c’est la capacité à avoir une bonne connaissance de soi-même. C’est le « Connais-toi toi-même » de Socrate. Qui suis-je ? Quelles sont mes limites ? Où est-ce que j’en suis ? Cette forme d’intelligence permet de savoir où on en est, ce dont on a besoin, ce dont on est capable de faire, de connaître ses limites. Quelqu’un qui est à l’aise avec son intrapersonnelle sera à l’aise avec son interpersonnelle, avec les autres. On reconnaît particulièrement cette intelligence chez quelqu’un qui a une bonne connaissance de ses forces et de ses faiblesses, de ses valeurs et de ses capacités ; chez ceux qui apprécient la solitude ; qui savent se motiver personnellement ; qui aiment lire, qui écrivent un journal intime ; qui ont une forte vie intérieure. Cette forme d’intelligence permet également d’avoir des facultés pour percevoir l’état d’esprit dans lequel se trouve les autres. Cette spécificité est à apprivoiser pour ne pas en souffrir. Elle peut entraîner de grandes difficultés pour les très jeunes enfants, notamment lorsqu’ils se trouvent en contact avec des personnes inconnues. Cette forme d’intelligence puise ses fondements dans les parties les plus anciennes du cerveau.

L’intelligence interpersonnelle : c’est la capacité à entrer en relation avec les autres. On reconnaît particulièrement cette intelligence chez quelqu’un qui entre bien et facilement en relation, se mélange et s’acclimate facilement ; chez ceux qui aiment être avec d’autres et ont beaucoup d’amis, ceux qui aiment bien les activités de groupe ; chez ceux qui communiquent bien (ou parfois manipulent), chez ceux qui aiment résoudre les conflits, jouer au médiateur. Les personnes ayant une intelligence interpersonnelle dominante apprendront plus facilement en groupe. Cette forme d’intelligence puise également ses fondements dans les parties les plus anciennes du cerveau.

L’intelligence naturaliste : c’est la capacité à observer la nature sous toutes ses formes (minérale, végétale ou animale), à reconnaître et à classer, à identifier. On la reconnaît chez ceux qui savent organiser des données, sélectionner, regrouper, faire des listes ; chez ceux qui sont fascinés par les animaux et leurs comportements, qui sont sensibles à leur environnement naturel et aux plantes ; chez ceux qui cherchent à comprendre la nature et à en tirer parti (de l’élevage à la biologie) ; chez ceux qui se passionnent pour le fonctionnement du corps humain, qui ont une bonne conscience des facteurs sociaux, psychologiques et humains.

Elle permet aussi d’avoir des perceptions sensorielles très au dessus de la moyenne, une sorte d’effet loupe sur l’environnement. Cela explique des situations de panique quand petits, ils se retrouvent dans des endroits trop riches en sensations multiples comme les grands magasins par exemple. Cette qualité manifeste qui est celle du chasseur-cueilleur, permet de trouver des moyens de survie dans la nature.

Howard Gardner précise : « L’essence de la théorie des intelligences multiples est le respect des nombreuses différences parmi les individus, les innombrables variations dans leurs manières d’apprendre, les différents modes par lesquels ils peuvent être évalués, et les manières presque infinies par lesquelles ils peuvent laisser leur trace dans le monde.»

Dans une conférence, Véronique Garas[2] partage son expérience récente de mise en application d’ateliers correspondant à chacune des 8 intelligences multiples de Howard Gardner afin que chaque enfant puisse aborder une nouvelle leçon d’une façon qui lui convienne.

Véronique Garas commence par expliquer en quoi elle note, dès la maternelle, des différences fondamentales de raisonnement et de fonctionnement entre les enfants. Elle pense que l’enseignement laisse les enfants trop passifs et qu’il est très mauvais de laisser des enfants sans pouvoir s’exprimer verbalement pendant plus d’une heure plusieurs fois par jour. Elle constate que des enfants peuvent entendre sans pour autant écouter, qu’ils peuvent voir sans pour autant observer et qu’il est du devoir de l’enseignant d’apprendre à l’enfant à écouter et à observer.

Véronique Garas partage avec Howard Gardner l’idée que les tests de QI ne permettent que d’évaluer les intelligences verbale/linguistique et logique/mathématique et constate qu’en France, ces 2 formes d’intelligences sont largement privilégiées au détriment des autres.

Véronique Garas pense que nous possédons tous les huit intelligences de base dès le départ. Ces huit formes d’intelligence fonctionnent habituellement en corrélation et de façon complexe. Chacun peut développer chaque intelligence jusqu’à un niveau satisfaisant de compétence et il y a de nombreuses façons d’être intelligent dans chaque catégorie. Nous faisons souvent appel à une forme d’intelligence particulière dans certaines situations. Pour certains cette dernière sera toujours différente et pour d’autre, il y aura vraiment une forme d’intelligence qui domine.

Véronique Garas regrette qu’en maternelle, on favorise trop rapidement le verbal/linguistique au lieu de favoriser en premier le kinesthésique. Elle pense également que la construction du concept mathématiques se construit avant le concept de langage. Proposer l’inverse est pour elle une grave erreur et explique pourquoi il y a autant d’apprentissages ratés dès le départ.

Lorsque cette intelligence logique-mathématique n’est pas correctement mise en place, elle empêche une bonne compréhension de tout ce qui est chronologie et calcul de nombre. Si l’enfant a des difficultés, Véronique Garas est persuadée que c’est parce qu’on lui a mal appris.

Mise en application des intelligences multiples par Véronique Garas dans un cadre scolaire

Avant toute introduction de séquences s’appuyant sur la théorie des intelligences multiples, il faut d’abord observer les élèves et tenter de découvrir leurs intelligences fortes. Pour cela, les enfants sont invités par petites séquences à aller dans le « salle des intelligences ». Les enseignants connaissent déjà un peu leurs élèves auparavant et ils vont pouvoir ainsi conforter leur vision de chacun des élèves mais aussi parfois « découvrir » des talents cachés.
Dans cette salle, six espaces ludiques, correspondant aux six intelligences « palpables » s’offrent aux enfants. L’observation des intelligences interpersonnelle et intrapersonnelle sera faite directement par l’enseignant, lors des déplacements des élèves et des interactions qui peuvent se produire dans la salle.
L’hypothèse est que les élèves se dirigeront prioritairement vers les espaces correspondant à leurs intelligences fortes. L’enseignant observe, note sur le tableau des observables, et veille à ce que les enfants passent dans plusieurs ateliers.

Ateliers proposés :

L’intelligence corporelle / kinesthésique : bacs à sable, pâte à modeler, espaliers avec cloche à installer à différents niveaux.
L’intelligence logique-mathématique : engrenages, mémory des nombres, encastrements, dominos, jeux de dés, lotos des nombres, boîtes à compter.
L’intelligence musicale / rythmique : écouteurs et supports musicaux, instruments (percussions, xylophone…)
L’intelligence naturaliste : phasmes et escargots à observer, plantes avec boîtes et loupe, Loto des odeurs, différents matériaux de la nature (marron, feuille, plantes, fleurs, graines…) avec compartiments pour trier.
L’intelligence verbale-linguistique : coin bibliothèque, écoute de contes, marionnettes, table avec papier et crayons, modèles d’écriture divers.
L’intelligence visuelle / spatiale : table avec différents papiers, pochoirs, feutres, crayons de couleur, cire, modèles à colorier, jeux de construction (kapla, duplo, cubes…)

Le tableau des observables, une fois complet, donnera une vue d’ensemble des intelligences dominantes de chaque enfant. Dès lors, des groupes pourront être constitués, soit démarrant l’apprentissage par leur intelligence forte, soit par leur intelligence à développer.La découverte des intelligences dominantes de chaque enfant permet à chacun de comprendre qu’il a une intelligence pertinente et que tous ont une intelligence pertinente même si elles sont différentes. Chacun peut partir de son positif, il n’y a pas de concurrence, la situation est équitable.

Pour atteindre un objectif, il est possible de suivre plusieurs chemins cognitifs. L’organisation en atelier puis des échanges entre élèves et la présentation des travaux éclairent la notion abordée sous différents angles et participent à sa compréhension par tous.

Exemple de mise en pratique en CE2 sur le thème des Grandes Découvertes.6 ateliers sont proposés aux enfants qui disposent chacun d’une feuille de route sur laquelle il note les activités effectuées et ses commentaires.

2 ateliers incontournables :Intelligence logique-mathématique :
– création d’une frise chronologique des grands voyageurs
– intelligence verbale-linguistique : qu’appelle-t-on les grandes découvertes ?
4 ateliers au choix permettant aux enfants d’entrer dans la séquence par une activité qui les met en confiance :
– intelligence visuelle / spatiale : de la carte au tableau : les échanges commerciaux au XVe siècle
– intelligence naturaliste : évolution du monde
– intelligence musicale : jeux de rythmes
– intelligence kinesthésique : je construis ma boussole et je m’oriente

Après les ateliers, les enfants se retrouvent pour un débat synthèse sur l’ensemble de la séquence sur le thème :« Pourquoi la nouvelle période historique des Temps modernes débute-t-elle par les Grandes découvertes ? ». Il permet de mettre en action, chez tous les élèves, l’intelligence interpersonnelle.Pour l’intelligence intrapersonnelle, les enfants sont invités à rédiger : « Mon journal de bord de marin embarqué sur la caravelle de J. Cartier. »

Autre exemple de mise en pratique en CM2 sur le thème de la1ère guerre mondiale.

2 ateliers incontournables :intelligence logique-mathématique :
– réalisation d’un topogramme (ou carte heuristique) de la guerre 14-18. Chaque groupe d’enfant lit un texte sur un thème (les causes de la guerre, les évènements, les conséquences, les personnages principaux, les différentes batailles, les alliances…) et liste. Tous ensembles, ils réalisent le topogramme.
– intelligence verbale-linguistique : sur différents documents reprenant plusieurs thèmes, rechercher des mots clés et faire un résumé (travail classique)
4 ateliers au choix permettant aux enfants d’entrer dans la séquence par une activité qui les met en confiance :
– intelligence visuelle / spatiale : comparer deux cartes (une avant et l’autre après la 1ère guerre, sans couleur mais avec les noms des pays) et colorier d’une couleur les pays qui ont changé de frontière et d’une autre couleur ceux qui n’ont pas changés. Mettre les données dans un tableau.
– intelligence naturaliste : l’alimentation des populations pendant la guerre
– intelligence musicale : mettre en sons le journal d’un poilu. Les enfants lisent le texte d’un poilu, s’imprègne de l’atmosphère qui s’en dégage et créer un fond sonore (percussions, xylophones…) et le produise devant les autres groupes ou l’enregistre.
– intelligence kinesthésique : le bataillon scolaire, c’est le jeu ‘’Jacques a dit’’ ou mimer des ordres militaire (rester debout au garde à vous ; prenez la position du soldat couchée dans les tranchées ; vous êtes blessé ; une balle vous atteint à la jambe ; à l’épaule, dans le bras…). Les enfants préparent le jeu et l’effectue.

Intelligence interpersonnelle : le jeu des alliances. A partir du topogramme, relever des informations pouvant composer des familles et réaliser des cartes. Le jeu terminé, les enfants y joue.Intelligence intrapersonnelle : j’écris au président de la République lui demander d’arrêter la guerre en donnant 5 arguments.

Véronique Garas constate que les enfants se montrent très motivés, ils peuvent exprimer tout leur potentiel et prennent confiance en eux. Les élèves les plus en difficulté prennent conscience qu’ils peuvent tout aussi bien réussir que leurs camarades et acquérir les compétences et les savoirs attendus en utilisant d’autres chemins d’accès. L’autonomie est renforcée. Aborder un concept ou une nouvelle notion par une activité qui s’appuie sur une intelligence déjà développée permet de mieux appréhender cette notion nouvelle ou ce nouveau concept.

Catherine Chemin


[1] Auteur de Les Formes de l’intelligence (1997), Les Personnalités exceptionnelles (1999) et Les 5 Formes d’intelligence pour affronter l’avenir (2009).

[2] Conférence du 17 avril 2014 :

Alors, la réussite pour tous, c’est possible ?

Si on en croit Stanislas Deheane, Howard Gardner, Antoine de La Garanderie, Maria Montessori, Elisabeth Nuyts entre autre, il semblerait que oui, mais pas avec n’importe quelle pédagogie ! Nous avons vu que nous fonctionnons tous différemment, que nous n’avons pas tous les mêmes capacités naturelles, les mêmes aptitudes ; pour que chacun puisse réussir, il faut que chacun soit respecté dans son mode de fonctionnement ; il faut donc une pédagogie qui respecte au mieux les différents fonctionnements et qui respecte le rythme de chacun. Nous sommes bien loin, avec le fonctionnement de l’école actuelle, des besoins de la plupart des enfants. Beaucoup de spécialistes reconnaissent que l’école ne convient qu’à 20% des enfants, voire même 5% d’après Elisabeth Nuyts dont nous parlerons plus loin.

Une école voulue égalitaire entre tous semble renier les différences que la nature prodigue. Chaque mode de fonctionnement, ajouté à l’éducation et l’environnement propre à chacun, contribue à construire une multitude de personnalités, ce qui fait la richesse même de la société. Encore faut-il que toutes les personnalités puissent se développer sans entrave.

Pour nous, l’égalité des chances consisterait plutôt à proposer des pédagogies et un rythme d’apprentissage personnalisé qui conviennent à chaque enfant, afin qu’il puisse exploiter au mieux ses capacités, ses besoins et ses envies, que chacun puisse donner le meilleur de lui-même.

Oui, nous sommes tous différents ! Et l’enseignement ne doit ni gommer ces différences, ni les ignorer, mais les connaître, les reconnaître, les comprendre et les respecter afin que chacun puisse réussir.

« Il n’y a pas une méthode unique pour étudier les choses. » Aristote

Expérience d’une classe Montessori en ZEP qui montrent que tous peuvent réussir lorsque les enfants sont respectés dans leurs besoins fondamentaux

Une expérience intéressante a eu lieu entre la rentrée 2011 et juin 2014 à Genevilliers (Seine saint Denis) au sein d‘une école publique en ZEP (zone d’éducation prioritaire) et Plan Violence, avec le soutien de la Direction Générale de l’Enseignement Scolaire (DGESCO) : une classe expérimentale (3-6 ans) a été fondée par Céline Alvarez. Elle a expliqué le 14 septembre 2013 à l’événement TEDxIsèreRiver organisé à Grenoble[1] l’importance d’utiliser, en pédagogie, les découvertes des sciences cognitives.

Les sciences cognitives[2], aujourd’hui, ont identifiés quatre facteurs déterminant pour la vitesse et la facilité d’apprentissage : être attentif ; être engagé activement ; recevoir un retour d’information immédiat sur l’action effectuée (le signal d’erreur va permettre au cerveau d’ajuster les hypothèses qu’il est en train d’émettre sur l’action qu’il effectue et c’est le décalage entre la prédiction du cerveau et l’observation qui va créer la surprise et qui va créer l’apprentissage) ; la consolidation (lorsque nous sommes attentif, engagé, et que nous avons des retours d’informations positif sur l’action effectuée nous avons besoin de répéter pour consolider. Et cette répétition va permettre au savoir de s’automatiser).

Céline Alvarez pense que l’école doit se réorganiser de l’intérieur selon ces 4 principes. Ces mécanismes de bases doivent être respectés pour que les enfants puissent s’épanouir au niveau scolaire. De plus, en respectant ces 4 paramètres, les compétences non cognitives – la confiance en soi, l’estime de soi, la capacité d’entraide, de coopération – se développent, sans avoir cherché à les provoquer.

L’inégalité de résultat se creuse entre 0 et 6 ans car, aujourd’hui, l’école maternelle sollicite bien trop peu ces quatre paramètres de l’apprentissage. Actuellement, sur 3 heures de cours, il n’y a en moyenne que 30 minutes, 45 minutes en grande section, de moments dédiés aux apprentissages directs guidés par l’enseignant et l’activité n’est pas choisit par l’enfant, elle est imposée par l’enseignant. Il n’y a pas de décision, de motivation personnelle de la part de l’enfant. Il n’y aura donc que très peu d’attention, et très peu d’engagement. Le signal d’erreur que pourrait recevoir l’enfant va être très pauvre, très insuffisant parce que l’enseignant ne peut pas donner lui seul avec 30 enfants un signal d’information immédiat sur toutes les hypothèses de tous ces petits cerveaux qui vont être en train de travailler. Un enfant à qui l’on a imposé une tâche n’aura qu’une seule envie, surtout à 3 ans, c’est de s’en libérer pour pouvoir aller dans les coins jeux ou bibliothèque. Il n’y aura donc pas de répétition et pas de consolidation.

Par contre, ces 4 principes sont respectés avec la pédagogie de Maria Montessori. Céline Alvarez explique également à quoi est dû la réussite de cette classe en ZEP qui pratique la pédagogie Montessori :

– l’autonomie (ils choisissent librement leur travail, ils sont motivés, ils veulent ce qu’ils font. L’enseignant peut s’occuper des enfants qui ont plus de difficultés) ;
chaque activité proposée réunit les paramètre cités ci-dessus ;
– le contrôle de l’erreur se fait par le matériel, l’enfant cherche à se perfectionner, ce qui renforce l’attention et ce qui se reporte sur les autres formes d’apprentissages. C’est un cercle vertueux ;
– le matériel proposé est sensoriel : les enfants ont besoin de toucher, d’intégrer sensoriellement afin de pouvoir intégrer intellectuellement ;
– les enfants sont mélangés de 3 à 6 ans afin de favoriser l’interaction sociale. L’enseignement devient horizontal, le savoir se partage entre les enfants ;
– il n’y a pas de compétition, de comparaison mais une émulation constante.

Céline Alvarez montre que lorsque ces conditions sont réunies, il est surprenant d’observer avec quel enthousiasme et quelle facilité l’enfant s’approprie naturellement la culture qui s’offre à lui. Les enfant sont calmes, apaisés, heureux de travailler. Lorsque l’enfant a l’opportunité de s’épanouir individuellement, il s’épanouit socialement. Il faut spécifier que dans cette école, des enfants arrivent ne sachant pas parler français et que 60% des enfants de cette ZEP entre habituellement au collège en échec scolaire.

Bilan : 100% des enfants sont entrés dans la lecture en GS dont 90 % maîtrisent la lecture et 90% des enfants de MS sont entrés dans la lecture.

Cette expérience nous montre bien que tous peuvent réussir !

Or, la Direction Générale de l’Enseignement Scolaire (DGESCO) n’a pas reconduit le contrat de 3 ans passé avec Céline Alvarez. Cette expérience n’a donc pas été renouvelée…

A ce stade, nous pouvons déjà comprendre que l’instruction en famille peut permettre et même favoriser l’enseignement individualisé dont chacun a besoin. D’ailleurs, c’est bien la démarche adoptée en général par les familles que d’observer, de guider et d’accompagner l’enfant !

A retenir :

Le fonctionnement cérébral et la pensée peuvent donc être très différentes d’une personnes à une autre suivant :

  • la plus ou moins grande dominante de l’hémisphère gauche ou de l’hémisphère droit ;
  • le besoin de kinesthésie ;
  • la dominante des autres formes d’intelligence
  • si la pensée est arborescente ou linéaire ;
  • si la pensée est en mots uniquement (appelée aussi pensée linguistique ou pensée langagière) ou en images (appelée aussi pensée visuelle) et en mots.

Du fonctionnement spécifique du cerveau aux profils particuliers

Si les formes d’intelligence de chacun peuvent être bien différentes les unes des autres, les modes de fonctionnement dans un sens plus large le sont également et influent sur les personnalités pour former ce que l’on appelle les profils spéciaux.

Nous pouvons déjà comprendre que :

  • la pensée en arborescence, souvent conjuguée à une pensée en images et toujours à une très forte sensibilité forment la particularité de l’enfant appelé de manière inappropriée ‘’précoce’’ qui a de fait un mode de fonctionnement très différent et, surtout, une personnalité très particulière qu’il gardera toute sa vie ;
  • c’est une pensée en image qui entraîne la vraie dyslexie ;
  • c’est une pensée en image associée à une hypersensibilité importante qui caractérise l’autiste asperger ;
  • c’est un mode de fonctionnement cérébral particulier qui entraîne un trouble de l’attention (TDA) avec ou sans hyperactivité (TDAH ou TADHA). Ces particularités sont souvent associées à la pensée en arborescence et à la pensée en images.

Si les enfants sont tous différents dans leur fonctionnement cérébral, nous allons voir dans le chapitre suivant que certains apprentissages entravent le mode de pensée, et que c’est cette entrave qui développe les dysfonctionnements, certaines maladies et génère de la violence.

Il est à noter que Maria Montessori, qui était médecin, ne parle jamais, dans aucun de ses ouvrages, de dyslexie ou de tout autre dysfonctionnement.

Oui, la réussite pour tous, c’est possible !

Catherine Chemin


[1] http://lamaternelledesenfants.wordpress.com/2014/0…

[2] Stanislas Dehaeane, professeur de psychologie cognitive au Collège de France

Dys & cie

Quand le mode de fonctionnement est entravé

Introduction

Nous allons voir maintenant que la pédagogie n’est pas neutre et qu’elle joue un rôle important, d’une part, pour la réussite de l’enfant et, d’autre part, pour sa construction :

  • pour sa réussite : si certaines pédagogies favorisent les apprentissages de l’enfant car elles lui permettent d’utiliser au mieux ses capacités naturelles, d’autres au contraire, ne favorisant pas le fonctionnement cérébral naturel, engendrent le cahot dans la construction des connexions cérébrales et engendrent même des dysfonctionnements qui entravent les facultés de l’enfant. Ces pédagogies peuvent aussi entraîner l’enfant vers un échec scolaire jusqu’à le sortir du circuit scolaire sans aucun diplôme, avec l’assurance intime d’être nul ;
  • pour sa construction : au-delà des apprentissages scolaires, les pédagogies influencent le développement général de l’enfant car l’utilisation de pédagogies qui entravent le fonctionnement cérébrale de l’enfant engendre des maux physiques. Nous verrons que les pratiques d’instruction, tout comme la pédagogie en général – soit l’éducation – influence et modèle le développement de l’enfant.

Depuis quelques dizaines d’année, le nombre d’enfant avec des dysfonctionnements et/ou des troubles du comportement a largement augmenté. Les causes réelles sont parfois difficiles à établir par les professionnels qui cherchent des explications cliniques autour de l’enfant ou des explications psychologiques aussi bien chez l’enfant que chez les parents. Alors que, bien souvent, ce sont les méthodes d’enseignement qui ne correspondent pas du tout au fonctionnement cérébral de ces enfants.

Pour bien le comprendre, nous allons nous intéresser aux travaux d’Elisabeth Nuyts, de Ronald Davis et de Béatrice Sauvageot, qui ont tout trois élaboré des méthodes de remédiation efficaces aux différents dysfonctionnements. Nous avons choisis ses trois exemples car plusieurs familles de CISE les ont expérimentées avec succès. Cela admet donc que d’autres méthodes efficaces puissent exister, nous parlons de ce que nous connaissons.

Les travaux d’Elisabeth Nuyts : dysfonctionnements

Elisabeth Nuyts est chercheur en pédagogie et professeur. Initialement formée à la traduction de conférences internationales, elle a toujours été sensibilisée à la recherche du sens précis d’un message, qu’il soit écrit ou oral. D’où son intérêt pour la recherche des mécanismes qui conditionnent l’accès au sens. Elle s’occupe en libéral, depuis plus de trente ans, d’enfants, d’adolescents et d’adultes en difficultés d’apprentissage, de lecture, d’expression, ou de mémoire, et plus particulièrement ayant un dysfonctionnement (dyslexie, dyscalculie, dysorthographie).

Ayant complété sa formation en travaillant pendant 9 ans en supervision avec un psychologue cognitiviste, elle a ensuite effectué des recherches sur la compréhension des mécanismes cérébraux responsables des apprentissages de la parole, de la lecture et de l’écriture. C’est donc à la lumière des dernières découvertes sur les mécanismes du cerveau, qu’elle a analysé la pédagogie actuelle. Ce va-et-vient méthodique entre études de cas (près de 1000 personnes), pédagogie, psychologie, et biologie lui a donné la preuve que notre école entrave le développement de l’autonomie intellectuelle de nos enfants. Mais comment ?

Il arrive que des enfants butent sur des obstacles que l’adulte n’arrive pas à leur faire franchir. Ils semblent incapables de réfléchir dans certains domaines, alors qu’ils ont déjà prouvés leur intelligence dans d’autres. Elisabeth Nuyts vérifie alors s’ils ne sont pas entravés dans leur pensée par certaines pratiques utilisées dans leur enfance, qui auraient monté chez eux des circuits neurologiques inadéquats. Elle a donc listé celles qu’elle a fréquemment constatées et dont elle a dû contrer les méfaits. Elles ne permettent pas aux enfants de s’épanouir intellectuellement, et les empêchent de devenir des personnes responsables et autonomes. De plus, elles les privent de la joie de vivre.

Si un enfant a des difficultés, il faut changer de méthode

Les pédagogies utilisées à l’école actuellement ne correspondent pas à tous les enfants, et peuvent entraîner des handicaps plus ou moins lourds. Elle a une démarche analytique personnelle qui aide l’enfant à acquérir une autonomie intellectuelle. A travers son expérience, elle a découvert que ces dysfonctionnements étaient principalement dus à une méthode pédagogique qui ne convenait pas à l’enfant, car chaque enfant fonctionne différemment. En changeant de méthode d’apprentissage, elle parvient à faire disparaître le dysfonctionnement. De plus, en remédiant aux manques de ses élèves, elle a pu en constaté l’impact positif sur leur comportement général.

De plus, pour Elisabeth Nuyts, il n’y a pas de manque d’intelligence chez les enfants. Pour que chacun puisse utiliser au mieux ses propres ressources, elle est favorable à une pédagogie qui aide l’enfant dès son plus jeune âge à utiliser toutes « ses entrées » (auditive, visuelle, kinesthésique), et à favoriser le langage afin de ne pas permettre de blocage.

Tout apprentissage, quel qu’il soit, « consiste à monter des circuits neuronaux qui seront utilisés automatiquement par la suite. »

« Ces circuits neuronaux permettent :– l’intégration consciente des informations sensorielles,– la prise adéquate de repères spatiaux-temporels,– la compréhension fine,– la mémorisation à long terme,– l’expression libre de sa propre pensée. »

Afin de permettre l’intégration consciente des informations sensorielles, elle recommande d’établir des connexions entre les différentes entrées du cerveau (ouïe, toucher, vue) par la parole. Ainsi, on devrait très tôt favoriser la mise en mot par l’enfant de ses différentes perceptions. Si la mise en mots des perceptions procure l’ancrage dans la réalité, la concentration, la mémoire, le plaisir de vivre, elle affirme que le manque de parole à un moment donner peut engendrer des blocages d’écriture ou de lecture par exemple, voire même des maladies. « L’homme est un être de parole », il faut donc la favoriser, car tous les modes de fonctionnement utilisent la parole à un stade ou un autre de leur cheminement. L’œil, la main, l’oreille et la parole doivent être coordonnés. Elle est convaincue que la plupart des dyslexies sont liées à l’absence de parole, car ces enfants atteints de dyslexie ont particulièrement besoin de mettre en mots leurs perceptions.

Il est important aussi de favoriser l’évocation, l’attention et la mémoire auditive en racontant des histoires aux enfants, en ayant des conversations avec eux. Cela leur permet d’écouter, d’imaginer et d’échanger, de construire l’évocation, qui, avec l’analyse, permettrons de monter les circuits de mémoire et d’écriture. Elle conseille de parler énormément des lectures avec son enfant en faisant des pauses régulières et en lui faisant reformuler, et de beaucoup parler de manière générale. De plus, l’enfant doit apprendre à lire avec une méthode analytique. Rien que les mots outils appris globalement en maternelle peuvent engendrer des difficultés chez certains enfants, même avec une méthode analytique (syllabique) au CP. Elle recommande de ne pas laisser l’enfant s’installer dans une passivité auditive et visuelle face aux écrans.

La gestion mentale met également en évidence le fait que, outre l’entrée privilégiée, certains apprennent mieux quand les informations viennent extérieurement à eux, alors que d’autres apprennent mieux lorsque les informations viennent d’eux-mêmes, c’est-à-dire lorsqu’ils répètent ces informations. Elisabeth Nuyts explique aussi que le fait pour certains enfants de ne pas avoir la possibilité de répéter les informations, les empêche de les mémoriser sur un moyen ou long terme. Pouvoir répéter la parole d’autrui leurs permet de l’intégrer. C’est ce qu’Antoine de La Garanderie appelle le codage : 1ère personne (certains retiennent mieux lorsqu’ils répètent et qu’ils s’entendent) et 3ème personne (d’autres retiennent mieux lorsqu’ils entendent de quelqu’un d’autre). C’est pourquoi elle recommande de laisser l’enfant lire à voix haute, et de le laisser parler tout haut en écrivant, et même d’épeler les mots à haute voix. « C’est la parole qui permet d’accéder consciemment aux souvenirs engrangés. Sans parole, ni intériorisée ni extériorisée, leur écriture est entièrement mécanisée ».

Elisabeth Nuyts a remarqué que les perceptions tactiles et le geste sont indispensables aux dysorthographiques et aux dyspraxiques. Des exercices comme toucher un objet caché et en faire la description orale, est très efficace pour eux, de même que décrire des gestes qu’ils doivent reproduire.

Apprentissage lecture/écriture

L’apprentissage par leur image globale de mots écrits est nuisible car cela les transforme en idéogrammes, avant d’avoir la perception claire des lettres. Les visuels et les kinésiques chez qui vue et mémoire visuelle sont couplés parviennent à « reconnaître » des mots, et les ayant reconnus, par les apprendre. Les auditifs n’ont pas cette possibilité.

Ceux qui ont appris à lire oralement, de la lettre vers la syllabe, puis de la syllabe vers le mot et ensuite la phrase, et qui ont travaillé la lecture oralement en la menant de pair avec des exercices d’écriture, ont mis en place une quantité de liens entre le signe, le son, le sens et l’écriture alors que les méthodes actuelles ne sollicitent que les aires visuelles et manuelles.

Pour Elisabeth Nuyts, l’orthographe fantaisiste est le symptôme visible d’un trouble profond dû à une écriture simplement visualisée, sans parole extériorisée, mécanique. La lecture globale ou semi globale, la lecture et l’écriture silencieuse engendre une écriture mécanique, qui reste intuitive et non mémorisable à long terme. Une information apprise par cœur avant d’avoir été comprise transforme notre cerveau en mécanique, tue la créativité, et le plaisir d’apprendre, voire le plaisir d’être. Afin d’éviter ou de palier à cette écriture mécanique, elle conseille plusieurs étapes.

Au début de l’apprentissage, elle préconise :– décrire la forme de la lettre,– épeler les mots,– syllaber.

Dans les exercices de copies :– analyser le texte (petit, quelques lignes) et évoquer la scène,– le découper en phrases ou en unités de sens,– analyser les difficultés orthographiques et grammaticales,– se dicter le texte en épelant les mots nouveaux et syllabant le reste.

Pour l’écriture personnelle :– évoquer la scène,– dire les phrases à écrire,– se les dicter syllabes après syllabes et épeler tant que nécessaire.

Elisabeth Nuyts a constaté que des enfants en difficultés, ayant réappris en suivant ce protocole, se sont transformés en améliorant leur orthographe, leur vocabulaire qui s’est enrichi et précisé, leur style qui est devenu plus fluide, leur expression plus personnelle et profonde. Tout cela engendre le plaisir d’écrire et permet l’accession au raisonnement conscient.

En lecture, pour le passage à la phrase, elle conseille des textes simples permettant la lecture à haute voix mais porteurs de sens, imprimés en gros caractères. Elle préconise encore de suivre du doigt les lignes de gauche à droite, pour habituer l’œil à ce mouvement qui n’est pas spontané. Et puis, viennent la copie, puis l’écriture sous la dictée de ces textes simples.

Une fois accompli le grand passage de la lettre à un texte simple, Elisabeth Nuyts pense qu’avant de passer à la lecture silencieuse subvocalisée, il faut continuer pendant plusieurs années la pratique de la lecture à haute voix.

Apprentissage mathématiques

En ce qui concerne l’apprentissage des mathématiques, Elisabeth Nuyts explique que ce qui manque le plus aux dyscalculiques c’est le rapport à la réalité, et l’origine du blocage peut remonter jusqu’à la maternelle. Ces enfants sont mécanisés. Le cerveau humain passe correctement à l’abstraction qu’après la compréhension du rapport à la réalité, donc après la manipulation, qu’il faut favoriser chez les petits. Elle souligne qu’il ne faudrait pas présenter à l’enfant la soustraction comme une addition à trou, ni la division comme une soustraction multiple. Pour la multiplication, qui est bien une suite d’additions, il faut impérativement préciser explicitement qu’il s’agit de plusieurs fois le même nombre. Le calcul mental doit commencer après la compréhension des opérations.

Elisabeth Nuyts est désormais persuadée que la grammaire construit l’identité propre, alors qu’à ses débuts, elle pensait que la grammaire avait uniquement un rôle au niveau de l’acquisition de l’orthographe et la maîtrise du langage. La bonne connaissance du rôle et du sens des mots, notamment les pronoms et les verbes, aide l’enfant à se percevoir acteur de ses propres actions. Décomposer des phrases en cherchant le verbe, le sujet, les différents compléments qui expriment des conditions, des causes, des conséquences, des oppositions, les mots qui expriment des atténuations, permet de percevoir consciemment la valeur du pronom JE et de se situer par rapport aux autres et par rapport au monde. Elle a rencontré beaucoup d’enfants et même des adultes, qui, avec les pédagogies actuelles centrées sur la seule orthographe et la place des mots dans la phrase, n’avaient pas réalisé que le JE représentait eux-mêmes. Ils sont minés par un déficit identitaire. En « montant une machine à faire des tris sur des repères spatiaux et formels en vue d’accord éventuels », les pédagogies actuelles « entravent la construction de l’être conscient et l’émergence de la responsabilité ».

C’est en ne procédant pas à une analyse fine, linéaire et complète du texte mettant peu à peu en place la pensée langagière, que « viennent les difficultés de compréhension et de mémoire dont tant de lecteurs se plaignent actuellement. La pensée langagière, le fait de penser en mot dans sa tête, se met donc en place par l’analyse linéaire, chronologique d’un texte, en ayant l’habitude de le reformuler avec ses propres mots pour se l’approprier. Si en plus, l’enfant n’a pas l’occasion de s’exprimer chez lui, il ne pourra plus penser du tout avec des mots ! La seule pensée qu’il pourra avoir, c’est une pensée flash de l’intuition, et cela peut engendrer de la violence vis-à-vis de lui-même et vis-à-vis des autres. Cette violence est possible, car l’enfant devient « instinctif, prisonnier de ses sensations et de ses émotions, voir de ses pulsions » et facilement manipulable.

Elisabeth Nuyts affirme que les pédagogies utilisées à l’école ne permettent pas une bonne compréhension pour la plupart des modes de fonctionnement. Elle affirme « Que ce soit dans leur accès à la lecture, à l’écriture, à l’écoute, à la logique mathématique, ou à la mémoire à long terme, tous seront touchés ». Les méthodes globales et semi-globales d’apprentissage de la lecture obligent l’enfant à une vue d’ensemble qui ne convient pas aux auditifs, car ils ont besoin de partir du détail, la lettre, pour aller vers l’ensemble, la phrase. La lecture à voie basse, en vogue depuis quelques années, ne permet pas une bonne compréhension et une mémorisation à long terme de même que l’écriture silencieuse empêche certains enfants de mémoriser l’orthographe. Car, pour elle, il ne suffit pas de donner à l’enfant les clés pour « faire du son », faire le lien entre signe et son, il faut aussi « faire du sens », en apprenant à l’enfant à reformuler un texte avec ses propres mots, en posant des questions sur les passages complexes, ce qui l’aidera à mémoriser les idées et à accéder à la compréhension fine.

Tout est mis en œuvre dans les pédagogies de l’Éducation Nationale pour que l’enfant automatise ses connaissances avant même de les avoir intégrées consciemment, ce qui mécanise son accès. Et tout ce qui est automatisé sort du champ de la conscience.

De plus, l’enfant est invité à une lecture spatiale à travers différents exercices des programmes scolaires comme lire uniquement le premier mot et le dernier mot de chaque ligne d’un texte, survoler du regard le texte en prélevant quelques mots par ci, par là,. Elisabeth Nuyts est persuadée que toutes ces méthodes engendrent des blocages et des dysfonctionnements comme la dysorthographie et n’aide pas l’enfant à construire son raisonnement. Tout est fait pour écarter la raison, la ridiculiser au profit de l’intuition. Pour elle, « seule l’analyse méthodique d’un texte plus ou moins littéraire permet de construire la capacité de comprendre ce qui n’est que suggéré, et de mémoriser à long terme les informations ainsi décortiquées. » La personne formée aux pédagogies privilégiant nettement l’utilisation de l’hémisphère droit « risque de se fermer peu à peu, ou de se mécaniser ». Ce phénomène n’est pas forcément perceptible dans les notes, mais il se traduit dans les corps par des maladies comme l’anorexie, la boulimie la dépression, les allergies, les crises d’asthme, les problèmes dermatologiques ou gastriques. Au contraire, en faisant un travail qui développe les fonctions du cerveau gauche et l’utilisation conjointe des deux hémisphères, Elisabeth Nuyts a remarqué l’amélioration, et même la disparition, de ces maladies.

Elisabeth Nuyts pense qu’il est primordial, pour le bon développement de l’enfant, qu’il puisse développer ses capacités analytiques. Si on le laisse dans un mode de traitement analogique, « dans un système binaire de la reconnaissance (connais / connais pas), il est même susceptible d’obéir inconsciemment à un opérateur extérieur, via la télévision, les jeux vidéo ou le net ». L’enfant qui subit ce genre d’apprentissage, est débarrassé de sa raison et programmé pour refaire à l’identique, car son cerveau fonctionne principalement en mode visuel, intuitif et analogique.

Cette pédagogie obligeant l’utilisation principale du cerveau droit a été qualifiée « d’automate préconscient » par Sir John Eccles[1], prix Nobel en 1963. Monter toute une scolarité sur un hémisphère préconscient, qui ne travaille qu’en reconnaissance, n’augure pas une autonomie intellectuelle. Ce type de pédagogie a été abandonné très rapidement après aux États-Unis.

Chaque personne est unique et dans l’idéal, l’enseignement devrait consister comme l’écrivait Platon à aider l’individu à « accoucher » de lui même (philosophie de la maïeutique) alors que les pédagogies du cerveau droit conduisent à reproduire un modèle de personnalité choisi par la société. L’enjeu est immense pour le futur. Le professeur Lucien Israël expliquait dans une interview à propos de son livre sur le cerveau que la manière dont on apprenait à lire aux enfants influait sur le comportement de l’adulte : la méthode globale s’adressant au cerveau droit, maintient la compréhension à un stade émotionnel et pauvre en raisonnement, ce qui peut expliquer l’emploi du sensationnel dans le cadre de l’information et de la publicité, par exemple, pour capter l’intérêt de nos contemporains. Pour Elisabeth Nuyts également, les pédagogies actuelles favorisent l’emploi du cerveau droit, et influe complètement sur le développement de l’enfant et la construction de sa personne.

C’est l’effet pervers d’un mode d’apprentissage, reconnu inapproprié et pourtant préservé sur les comportements d’une partie de la société !

Pour Elisabeth Nuyts comme pour le professeur Israël, ces changements sont voulus, afin que les enfants grandissent en demeurant manipulables. Devenus adultes, ils seront très sensibles aux événements par leur impact émotionnel et raisonneront à partir de ce critère émotionnel tout en restant dans la globalité de l’information, incapable d’analyser et de raisonner sur les faits.

Dans son livre sur les dysfonctionnements[2], Elisabeth Nuyts nous parle de John L. Bradshaw, professeur en neurologie cognitive en Australie, qui précise que le cerveau gauche est un inhibiteur des conduites négatives. Pour lui, les personnes qui ne peuvent y accéder sont portées à un comportement primaire et violent. En effet, elle a remarqué qu’en privilégiant des méthodes qui font appel aux deux hémisphères, les comportements violents s’atténuent. John L. Bradshaw précise également qu’une surchauffe de l’hémisphère droit entraîne une perturbation des défenses immunitaires. L’homme a besoin d’un certain équilibre entre l’utilisation des deux côtés du cerveau.

« L’accès au cerveau droit est inné, mais c’est par l’éducation que peu à peu nous pouvons nous ouvrir aux fonctions de notre cerveau gauche : analyse, liens logiques, temps, identité propre ».

Elisabeth Nuyts nous parle également de Joseph Vaillé[3] qui a analysé le rapport entre la violence et la pédagogie silencieuse, entre l’abandon de l’étude des temps grammaticaux et la perte des rapports sociaux, l’impact psychologique de la méthode globale qui négligent le sens pour un résultat automatique. Il explique que du fait de l’apparition de nouvelles pédagogies, la mémoire à long terme régresse, la culture s’amenuise, les repères s’estompent, et l’identité personnelle devient floue. La prééminence des activités visuelles, non mises en mots, met les enfants en prise directe avec leurs émotions et les éloigne de la réflexion. « Le comportement des jeunes est impulsif et ils réagissent plus facilement à des stimuli affectifs que raisonnés ». Plus insidieusement, les nouvelles grammaires ne donnent pas aux élèves les éléments pour accéder à leur identité propre, ni à la gestion correcte du temps et des rapports au monde et aux autres. Elles ne construisent plus des personnes autonomes et responsables, et brouillent les repères comportementaux des enfants. L’enfant, incapable de comprendre et d’exprimer ses émotions, perd la maîtrise de soi. La violence, souvent sans objet, est le seul moyen qu’il lui reste de se faire entendre. « La violence peut être bridée par l’amour et par la raison. Pour cela, encore faut-il que la réflexion soit en place ».

Elisabeth Nuyts nous demande d’évacuer les propos du genre « laissons-nous guider par nos sensations et nos émotions », car c’est justement le but de l’éducation que d’amener l’enfant à sortir des sensations brutes pour l’amener régulièrement vers plus de conscience et de réflexion. Pour elle, trop d’adolescents sont tiraillé par leur bouleversement physique sans avoir atteint l’âge de raison. Or, c’est le développement de l’utilisation de l’hémisphère gauche qui aide l’enfant à gagner en conscience et en réflexion, alors que les pédagogies actuelles maintiennent l’enfant dans une pensée globalisante de l’enfance et dans la non-construction du raisonnement intérieur. Joseph Vaillé précise : « Avant l’âge de raison, l’enfant agit en répondant à des besoins immédiats ou en refaisant ce qu’il voit faire ». L’homme nouveau ainsi créé de toutes pièces est dangereusement dépendant et il est bâti sur du sable mouvant. Les bases de la pensée autonome doivent être solidement construites pour que les enfants parviennent tous à devenir des adultes épanouis à part entière.

Les anciens Grecs, philosophes et savants, ont relevé que l’usage de la raison est une caractéristique de l’homme, qui s’exprime par la parole, la conscience et la réflexion. L’enjeu de l’éducation est en effet de donner les moyens de s’exprimer, de savoir écouter, entendre, discerner, et par-là d’être en relation à autrui.

Elisabeth Nuyts affirme :« Toute puissance de la parole analytique qui humanise l’homme » .

A l’époque de « Rabelais et de Montaigne, le but de l’école n’était pas qu’engranger une grande quantité de connaissances, mais de réaliser l’apprentissage du raisonnement, afin d’élever les enfants dans la découverte d’eux-mêmes et du monde, la tolérance et le respect d’autrui pour qu’ils soient des êtres pensants. » nous rapporte Elisabeth Nuyts dans L’Ecole des illusionnistes.

Ghislaine et Catherine Chemin

[1] Neurophysiologiste australien

[2] Voir bibliographie à la fin de cet ouvrage.

[3] Essayiste, auteur de Violence, illettrisme : la faute à l’école aux éditions de Paris Max Chaleil.

Les travaux de Ronald Davis : pensée en images et dyslexie

Lorsqu’un enfant a développé une dyslexie, il peut réapprendre à lire correctement. La plupart des enfants qui ont des problèmes de dyslexie vont chez un orthophoniste mais tous les orthophonistes n’obtiennent pas les mêmes résultats. Il n’existe pas actuellement de méthode particulière en France pour palier à la dyslexie. Beaucoup d’ orthophonistes élaborent eux-mêmes leur méthode et il faut compter au moins trois ou quatre ans pour obtenir des premiers résultats, voire beaucoup plus d’années, mais les résultats ne sont pas toujours flagrants.

Une méthode très efficace pour rééduquer les dyslexiques est celle de Ronald Davis qui est lui-même dyslexique. A 18 ans, il était incapable de lire, écrire et orthographier, malgré un QI de 137 révélé très tardivement. Un médecin lui a même dit qu’il devait avoir eu le cerveau endommagé à la naissance.

A 38 ans, il découvre un procédé pour pallier à son handicap… Ronald Davis a ouvert de nombreux centres aux États-Unis qui permettent aux enfants, comme aux adultes, de comprendre leur désorientation dans certaines situations et d’apprendre à contrôler cette désorientation à travers différents exercices. La plupart des personnes ne sont plus dyslexiques en trois mois. Les deux livres de Ronald Davis, Le Don de dyslexie et Le Don d’apprendre, sont édités en français et regroupent tous les exercices élaborés pour remédier à ce dysfonctionnement. Un parent peut donc rééduquer son enfant dyslexique avec les deux livres de Ronald Davis. Quelques personnes commencent à être formées en France.

Qu’est-ce que la dyslexie ?

La dyslexie est le symptôme des difficultés dues à certains procédés d’apprentissage chez les personnes ayant une pensée en images. Nous verrons que l’enfant pensant en images a besoin d’associer son corps aux sons, qu’il a besoin que soit donné du sens aux mots qui n’évoquent pas d’images mentales. Il a besoin d’apprendre d’une manière visuelle et a besoin d’être aidé pour construire sa pensée langagière.

Pour être dyslexique, il faut : penser en images, être désorienté et être dans la confusion. La désorientation est un changement de perception de l’image qui fait que la réalité est déformée. Lorsque ce processus est contrôlé, la personne peut voir du 2D en 3D par exemple. Lorsque ce processus n’est pas contrôlé, il devient un handicap : la dyslexie. Concrètement, laissons Ronald Davis[1] nous expliquer ce qui se passe pour l’enfant qui pense en images.

Si les dyslexiques ne développent pas tous les mêmes dons, Ronald Davis a remarqué qu’ils ont tous en commun certaines fonctions mentales :– ils peuvent utiliser l’aptitude de leur cerveau pour transformer ou créer des perceptions ;– ils sont très conscients de leur environnement ;– ils se montrent plus curieux que la moyenne des gens ;– ils pensent essentiellement en images plutôt qu’en mots (adultes) ;– ils sont très intuitifs et perspicaces ;– ils pensent et perçoivent de manière multidimensionnelle (en utilisant tous leurs sens) ;– ils sont capables de vivre la pensée comme si c’était la réalité ;– ils ont une imagination très vive.

Si ces capacités ne sont pas supprimées ou détruites par les parents ou le système éducatif, elles peuvent engendrer une intelligence supérieure à la normale et une créativité extraordinaire.Pour Ronald Davis, la dyslexie « est un produit de la pensée et une manière particulière de réagir à un sentiment de confusion ».

Les dyslexiques ont peu ou pas de dialogues internes. La difficulté pour la lecture va résider dans le fait de devoir lire des mots qui n’évoqueront pas d’images visuelles. Ce sera le cas pour les déterminants, les conjonctions, les prépositions, les mots abstraits, les mots inconnus… Ronald Davis nous explique dans Le Don de dyslexie ce qui se passe réellement pour un enfant dyslexique en apprentissage de lecture qui doit lire : ‘’le cheval brun sauta par-dessus le mur de pierre et traversa le pré’’. L’enfant qui pense en image commence à lire ‘’le’’. Ce mot « a provoqué un blanc dans la représentation mentale parce qu’il n’existe pas d’image de celui-ci. Une image blanche est l’essence même de la confusion. Aucune expérience ne peut rivaliser avec cette impression. En se concentrant cependant, l’enfant surmonte le ‘’blanc’’ et dit ‘’le’’ et s’oblige à passer au mot suivant. Le mot ‘’cheval’’ suscite une image mentale de cheval sans couleur définie. En se concentrant, l’enfant dit ‘’cheval’’. Le mot ‘’brun’’ transforme l’image de cheval en cheval de cette couleur. Continuant à se concentrer, il dit ‘’brun’’. Le mot ‘’sauta’’ fait s’élever le poitrail du cheval brun. L’enfant continue à se concentrer en disant ‘’sauta’’. Le mot ‘’par-dessus’’ fait s’élever l’arrière-train du cheval brun. Toujours en se concentrant, l’enfant dit ‘’par-dessus’’. Le mot suivant ‘’le’’ provoque un nouveau blanc. La confusion chez le lecteur augmente mais le seuil n’est pas encore atteint. L’enfant doit redoubler de concentration pour passer au mot suivant. Il risque alors d’omettre le mot ’’le’’. Le mot ‘’mur’’ produit une image de mur. Redoublant de concentration, il dit ‘‘mur’’. Le mot ‘’de’’ provoque un nouveau blanc et le redoublement de la concentration. Le mot suivant ‘’pierre’’ transforme le mur en mur de pierre. Toujours très concentré, l’enfant dit ‘’pierre’’. Le mot suivant ‘’et’’ provoque un nouveau blanc. Cette fois-ci le seuil de confusion est atteint et l’enfant devient désorienté. Il est à nouveau arrêté, plus confus. Il redouble de concentration. Le seul moyen de pouvoir continuer est d’accroître son effort de concentration. Mais maintenant qu’il est désorienté, les symptômes dyslexiques apparaissent. Il est très probable qu’il oubliera de dire le mot ‘’et’’ ou qu’il le remplacera par ‘’un’’ ou ‘’le’’. A ce point, il n’a plus de perception précise des mots qui se trouvent sur la page. Il dépense désormais des efforts et une énergie considérables pour se concentrer, simplement pour pouvoir continuer. Le mot suivant ‘’traversa’’ est transformé en ‘’traverse’’ parce qu’il est désorienté. Il se voit en train de traverser une rue sans aucune relation avec l’image du cheval. Puis, il dit ‘’traverse’’. Le mot ‘’le’’ provoque un nouveau blanc dans l’image. L’enfant est de nouveau arrêté, encore plus confus et toujours désorienté. Son seul recours est de quadrupler sa concentration. Il en oublie alors de dire ‘’le’’. La désorientation lui donne un sentiment de vertige. Il a mal au ventre, les lettres et les mots tournoient sur la page. Il doit déchiffrer chaque lettre l’une après l’autre, pour arriver à prononcer le mot ‘’pré’’. Il voit alors un lieu couvert d’herbe. Bien que désorienté par ses efforts supplémentaires et l’énergie dépensée pour lire chaque lettre, il dit le mot ‘’pré’’ correctement. Parvenu à la fin de la phrase, il referme le livre et le met de côté. En voilà assez ! » Bien évidemment, l’enfant n’a pas compris ce qu’il a lu et une relecture n’y changera rien !

Déjà, dans le langage oral, l’enfant qui pense en images a beaucoup de mal à intégrer les mots qui ne correspondent pas à une image mentale. Tant que ces mots ne sont pas intégrés oralement, tant qu’ils n’ont pas de sens oralement, il est très difficile pour lui de les lire puisqu’ils provoquent des ‘’blancs’’. La confusion augmente jusqu’à la désorientation au 5ème mot qui provoque un blanc. « Tant que les mots déclencheurs ne seront pas compris et qu’il ne saura pas les utiliser au sein de ses processus de pensée, toute tentative de correction ne fera qu’aggraver le problème ».C’est cette désorientation qui modifie la perception visuelle qui fait que la perception du symbole change et se déforme : les lettres et les mots sortent réellement de la page pour l’enfant, se retrouvent en 3D, se mettent à danser, l’enfant les voit s’inverser ou se retourner en 3D.

Ronald Davis a fabriqué une machine à vertige : un grand disque, sur lequel il a dessiné une spirale, fixée sur un tourne-disque vertical. Tous (dys et non dys) en fixant cette spirale qui tournait avaient du mal à estimer le temps passer, avaient du mal à répéter des phrases difficiles à prononcer, et à conserver leur équilibre. Les jeunes dys ont tout de suite reconnu une désorientation similaire à celle éprouvée en lisant. Un jeune s’est exclamé au milieu de l’expérience : « C’est ça ! C’est ma dyslexie ! C’est ce que je ressens quand je dois lire ! » il ajouta après « J’aimerais vraiment que mon père vienne s’asseoir devant ce truc. Quand il commencerait à dégobiller, je lui dirais que c’est de la paresse ! ».

« La dyslexie ne devrait pas être qualifiée de trouble de l’apprentissage. Il serait plus juste de la définir comme un désavantage dû au conditionnement. » Ronald Davis

La désorientation subie

La désorientation est subie si un symbole ou un mot écrit ne s’accompagne pas d’une image mentale et d’une signification, ce qui engendre des erreurs. Lorsque la désorientation est subie : c’est la dyslexie, le TDA, la dyscalculie, la dysgraphie…Ronald Davis donne quelques exemples de symptômes de la désorientation en fonction des sens. Il est possible qu’un enfant ait plus de difficultés avec un sens en particulier ou plusieurs.

La vision : les formes et séquences de lettres ou de chiffres paraissent changées ou inversées ; les lettres ou les chiffres donnent l’impression de bouger, de disparaître, de grossir ou de rétrécir ; les mots sont épelés de manière erronée ou incohérente ; des mots ou des lignes sont omis au cours de la lecture ou de l’écriture ; la ponctuation ou les majuscules sont omises, ignorées ou ne sont pas vues ; des mots ou des lettres sont omis, transformés ou substitués au cours de la lecture ou de l’écriture.

L’ouïe : certains sons du discours sont difficiles à émettre ; des sons erronés sont entendus ; la personne donne l’impression de ne pas écouter ou de ne pas entendre ce qui est dit ; les sons sont perçus comme s’ils étaient plus doux, plus forts ou provenant de plus loin ou de plus près qu’ils ne le sont en réalité.

L’équilibre et le mouvement : vertige ou nausées pendant la lecture ; mauvais sens de l’orientation ; incapacité à rester assis tranquillement ; graphisme malhabile ; problème d’équilibre et de coordination ;

Le temps : hyperactivité ; hypoactivité ; peine dans l’apprentissage des concepts mathématiques ; difficultés à être ponctuel ou à savoir lire l’heure ; rêvasse trop ; perd aisément le cours de sa pensée ; difficultés à mettre dans le bon ordre.

« Lorsque nous montrons à un dyslexique comment désactiver les désorientations dès qu’elles se produisent et que nous l’aidons à identifier et à maîtriser l’information symbolique qui a déclenché cette désorientation, les problèmes de lecture, de maths, d’écriture et d’orthographe commencent à disparaître ».

Un enfant pensant en images peut avoir comme difficulté :

– l’apprentissage de la lecture
– l’orthographe
– l’apprentissage du calcul
– expliquer comment il résout un problème puisqu’il l’a résolu dans sa tête avec des images et non avec des mots
– l’orientation gauche-droite
– suivre des directions, suivre des instructions séquentielles
– apprendre à lire l’heure
– être à l’heure
– apprendre les notes de musique
– la coordination des mouvements en sports et en danse
– l’ordre chronologique

Pour Ronald Davis, désorientation et troubles de dyslexie apparaissent lorsque l’enfant commence l’apprentissage de la lecture alors que pour le TDA, nous le verrons plus loin, les effets de la désorientation se produisent pendant le développement de la petite enfance.

Les solutions de Ronald Davis

La découverte révolutionnaire de Ronald Davis est d’avoir trouvé comment maîtriser la désorientation.Ronald Davis explique que lorsque nous fermons les yeux pour penser à quelque chose, ce que nous voyons n’est pas forcément vu avec les yeux mais avec un « épicentre de la perception » qu’il appelle l’œil imaginaire. Il situe cet œil imaginaire derrière et un peu au-dessus de la tête. Il a découvert que lorsque l’œil imaginaire s’éloigne de ce point de référence, cela entraîne des changements de perception, toutes les perceptions (la vue, l’ouïe, l’équilibre, le mouvement…à part le goût), y compris le sens du temps. R.D. a mis au point différents exercices qui permettent au penseur en images, devenu dyslexique à cause des désorientations subies, de contrôler son œil imaginaire. C’est un acte volontaire, un peu comme s’il avait un interrupteur mental car lui seul peut faire bouger son œil imaginaire. Le penseur en images pouvait passer volontairement en mode désorientation dès la petite enfance pour percevoir le monde de façon multidimensionnelle afin d’en tirer un maximum d’informations. Avec ces exercices, il peut stopper la désorientation qu’il n’a pas provoquée. La présence d’un œil imaginaire peut sembler surnaturel, c’est pourtant une particularité des vrais dyslexiques/penseurs en 3D !

L’enfant qui ne contrôle pas son œil imaginaire et qui est en état de désorientation subie ne perçoit pas le monde tel qu’il est réellement, ses perceptions ne sont pas justes. Il « ne sait plus ce qui est juste ou faux et il réagit émotionnellement. Ces émotions négatives provoquent des frustrations, c’est pourquoi il invente des solutions compulsives pour masquer ses problèmes ». Pour Ronald Davis, les phénomènes apparaissent dans cet ordre : désorientation ; erreurs de perception ; émotions négatives ; frustrations ; solutions compulsives.

La lecture : pour Ronald Davis, l’enfant dyslexique a besoin de pouvoir penser avec les symboles et les mots qui déclenchent chez lui la désorientation. Même si ces mots font partis de son vocabulaire, il ne saurait sûrement pas les définir. Il faut aider l’enfant à se créer des images mentales avec ces mots, et lui permettre d’être très créatif ! « Une fois que tous les mots déclencheurs sont maîtrisés, le dyslexique ne souffre plus de troubles de l’apprentissage. Et donc les solutions compulsives n’ont plus raison d’être ».Pour aider l’enfant à comprendre le sens des mots qui n’évoquent pas naturellement d’images mentales, Ronald Davis préconise de les faire représenter par l’enfant en plasticine, argile ou pâte à modeler, donc en 3 D. Cette représentation en 3D peut se faire pour les déterminants, les prépositions, les adverbes… et également pour les notions abstraites

Orthographe : pour Ronald Davis, il est très difficile de faire appliquer les règles par un dyslexiques à cause des exceptions. Il peut appliquer la règle mais à la lettre ! Pour lui, le meilleur moyen est que l’enfant lise beaucoup, qu’il épelle et il faut être patient !

La dysgraphie : lorsque l’enfant a des problèmes d’écriture, il peut y avoir plusieurs raisons :– l’enfant a du mal à tracer les lettres dans le bon sens car le modèle danse ! L’enfant peut les modeler dans de l’argile. Ainsi matérialisées en 3D, elles ne bougeront plus et il pourra les reproduire,– l’enfant a reçu plusieurs directives sur la manière d’écrire. A chaque modèle, il s’est construit une image mentale. Lorsqu’il doit écrire le mot, ces images mentales multiples se superposent et il essaye avec un seul trait de toutes les respecter. Le mot écrit se tortille… Il faut privilégier dès le départ 1 seul modèle de lettre,– certaines lettres provoquent une désorientation lorsque l’enfant essaye de les tracer. Il faut lui faire tracer en grand dans l’espace, puis en grand sur du papier jusqu’à ce que la désorientation ne se fasse plus. Puis, l’enfant écrit plus petit,– il peut y avoir aussi un problème de préhension du stylo. L’enfant peut dessiner avec un marqueur sur de très grandes feuilles, puis réduire le support petit à petit.

La dyscalculie : pour apprendre les mathématiques, il faut que l’enfant maîtrise absolument les notions de bases suivantes :– le temps : la mesure du changement par rapport à une référence ;– la séquence : la manière dont les choses se suivent les unes les autres, en termes de quantité, de taille, de temps, d’ordre arbitraire et d’importance ;– l’ordre : chaque chose bien à sa place, dans la bonne position et en bon état.

Nous avons vu que pour un enfant dyslexique, la désorientation empêche d’intégrer les concepts de temps, séquence et ordre. L’enfant dyslexique doit absolument maîtriser ces notions de base pour apprendre les mathématiques, sinon il les mémorisera sans les comprendre et développera une dyscalculie.

Peut-on éviter la dyslexie ?

Avec un apprentissage adapté, l’enfant peut apprendre à lire sans développer de dyslexie. Par exemple, la pédagogie Montessori est parfaitement adaptée pour ne pas développer ce dysfonctionnement chez les enfants pensant en image pour plusieurs raisons :

  • L’enfant se prépare à écrire avec le matériel de vie pratique qu’il utilise en allant de gauche à droite, de haut en bas et en tournant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre (un enfant dys à tendance à faire le contraire).
  • L’enfant apprend les lettres en touchant les lettres rugueuses (lettre découpé dans du papier de verre collée sur un support en bois). Il touche en disant le son. Il intègre donc le son par l’ouïe et le toucher. Ronald Davis fait faire les lettres en 3D en pâte à modeler pour que l’enfant puisse les toucher.
  • Avec la pédagogie Montessori, l’enfant commence par écrire des mots qui sont en images. Entre 3 et 6 mois après, il entre seul dans la lecture. Dès que l’enfant commence à lire un mot, nous lui proposons des billets à lire que l’enfant pose sur l’objet correspondant. Donc, dès que l’enfant commence à lire, il est amené à donner du sens à ce qu’il lit.
  • Dès que l’enfant lit bien un mot, nous présentons les déterminants avec différents objets (donne-moi un crayon parmi tant d’autre, donne-moi le crayon rouge…) et nous présentons l’adjectif (donne-moi la feuille rouge, donne-moi la feuille cartonnée, donne-moi la feuille déchirée, donne-moi la feuille carroyée…). Puis, nous commençons la grammaire avec des groupes nominaux : déterminants + nom + adjectif ou déterminants + adjectif + nom ou déterminants + adjectif + nom + adjectif. A chaque fois, l’enfant lit le groupe nominal, puis nous posons les questions suivantes : de quoi parle-t-on ? (pour trouver le nom) ; quel est le mot qui indique s’il y en a un ou plusieurs ? (pour trouver le déterminant) ; comment est ce dont on parle ? (pour trouver le ou les adjectifs). L’enfant prend rapidement l’habitude de donner du sens aux déterminants qui sont sujets à provoquer des ‘’blanc’’, ce qui l’aide à construire sa pensée verbale.
  • Quelques mois après ce travail, nous introduisons le verbe puis la préposition. La préposition fait aussi l’objet d’une présentation avec des objets : « met le chien dans la niche », « met le tracteur derrière la ferme », « pose le vase sur la table »… Tout cela aide l’enfant à se créer les images mentales nécessaires pour la lecture. Pendant de longs mois, l’enfant lit des expressions de trois ou quatre mots, puis des petites phrases sur lesquelles il travaille et donne du sens. Il n’a donc pas l’occasion de se retrouver en mode de désorientation.
  • Lorsque l’enfant commence à lire un peu mieux, nous lui donnons des ordres à lire et à accomplir aussitôt qu’ils sont lus : « ouvre la porte », « ferme le tiroir », « arrose les plantes », « prend trois amandes et mange-les »… Tout cela aide l’enfant à donner du sens à ce qu’il lit et l’aide à construire sa pensée verbale. L’enfant se lancera dans des lecture plus longue lorsqu’il sera prêt.

Peut-on éviter la dyscalculie ?

La pédagogie Montessori, par exemple, ne développe pas de dyscalculie car l’enfant apprend très tôt par de nombreuses activités, les concepts de temps, de séquences et d’ordre.

  • Dès 3 ans, l’enfant apprend la notion de ‘’avant’’ et ‘’après’’ par ‘’les images séquentielles’’. L’enfant doit poser 2 images dans un tableau de deux colonnes (avant et après) en justifiant son choix, ce qui se passe avant et ce qui se passe après. Puis, l’enfant passe à 3 images sur un tableau à 3 colonnes (avant, pendant et après). Il doit aussi poser les images en justifiant son choix. Il classe ensuite 4 images vers 4 ans, 5 images vers 5 ans et 6 images vers 6 ans en racontant l’histoire qu’il suggère avec les images proposées. Les images séquentielles aident à intégrer la notion de séquence.
  • L’ordre est appris par le rangement du matériel de chaque activité : il sort du matériel, réalise l’activité puis range ce matériel avant de choisir un nouveau matériel. Chaque matériel à une place précise qui doit être respectée.

Avec la pédagogie Montessori, les premiers symboles de calcul sont présentés à l’enfant après une présentation de l’opération. Par exemple, pour l’addition, nous préparons à l’enfant 3 quantités en symboles sur 3 plateaux et l’enfant prépare ces quantités avec les perles sur chacun des plateaux. Ensuite, nous annonçons à l’enfant que nous allons faire une addition, nous allons ajouter toutes ces quantités. Elles sont mises l’une après l’autre sur un grand plateau sur lequel a été étalé un foulard, le tout devant nous. A chaque fois que l’enfant apporte des milliers ou des centaines ou autres, nous nous exclamons : « oh la la ! tu m’en donne encore ! J’en ai beaucoup, j’en ai de plus en plus… » Nous donnons le plus possible de vocabulaire pour montrer à l’enfant qu’additionner, c’est ajouter. Lorsque toutes les perles sont sur le foulard, nous prenons les 4 coins et le soulevons en nous exclamant que c’est très lourd tellement il y en a. Nous faisons porter le foulard plein de perles à l’enfant pour qu’il constate comme c’est lourd. Ensuite, nous comptons le résultat, nous écrivons l’opération et présentons le symbole de l’addition ‘’+’’, également le égal ‘’=’’ qu’il ne connaît pas encore. Ainsi, l’enfant est marqué par ces symboles.

Tous les concepts mathématiques sont représentés par un ou plusieurs matériels, ainsi l’enfant peut visualiser et manipuler à son rythme jusqu’à ce qu’il soit capable de passer à l‘abstraction.

Peut-on éviter la dysgraphie ?

La pédagogie Montessori, par exemple, ne développe pas de dysgraphie car l’enfant apprend les lettres avec son corps lorsqu’il les touche pour apprendre leur son. Il peut les tracer dans de la farine mise sur un plateau, il peut les écrire très grande au début si nécessaire, la taille est réduite petit à petit, ce que fait Ronald Davis pour palier à ce dysfonctionnement.

Les travaux de Chantal Wyseur en complément de la méthode Davis

Chantal Wyseur, de part sa formation à la méthode Davis, son expérience de professeur en sciences humaines et son expérience de soutien scolaire, nous apporte un complément d’informations très enrichissant qu’elle nous livre dans Le Cerveau atemporel des dyslexiques.

Elle a remarqué, tout comme Davis, qu’un tiers à un quart des enfants avait un comportement relativement équivalent à certains points du penseur en 3D mais sans forcément les inconvénients que l’on nomme dyslexie. La différence semble être liée au moment où la pensée langagière se met en place (la petite voix dans notre tête). Pour Chantal Wyseur et Ronald Davis, un enfant penseur en 3D peut avoir sa pensée langagière qui se développe seulement vers 9 ans et même plus tard, vers 13/14 ans. Tant que la pensée langagière ne s’est pas mise en place, un enseignement classique avec des explications verbales ne peut convenir. Chantal Wyseur a observé que cette petite voix intérieure peut se mettre en place tout d’un coup !

Il semble que plus l’enfant parle correctement tard (4/5 ans), plus cette pensée langagière se met en place tard (9/13 ans), plus il peut avoir des difficultés en fonction aussi de la pédagogie utilisée. Chantal Wyseur a constaté que « cette pensée verbale intérieure n’existe pas chez les enfants très dyslexiques ».Pour Chantal Wyseur, la grande difficulté du penseur en 3D sans petite voix intérieure va être de se construire des images mentales car le penseur en 3D a du mal à garder une image fixe dans sa tête. Forcément, celle-ci bouge, vibre, disparaît, réapparaît, se modifie. D’où la difficulté, par exemple, à apprendre les lettres car il a plusieurs images de chaque lettre en tête et chacune est vibrante de vie, associée à des sentiments, des impressions, des couleurs, des bruits et même parfois au goût ! Il n’arrive pas à sélectionner celle qui lui permettrait de l’appréhender. La meilleure façon pour lui de les dompter pour qu’elles ne bougent plus est de les fabriquer en 3D.

Difficultés de concentration

Les penseurs en 3D ont une notion du temps complètement différente de la norme. Leur temps est élastique, dilaté ou rétracté suivant l’action du moment. Différentes images ou scènes se superposent dans leur tête, se succèdent, défilent beaucoup trop vite… Il ne peut capter son attention sur une chose.Pour Chantal Wyseur le penseur en 3D peut observer un ensemble de choses et mémoriser une grande quantité de détails sans pouvoir décrire ce qu’il a vu de manière objective et précise. Au contraire, il est incapable d’en parler. Pourtant, il a fait inconsciemment une synthèse et sait des choses mais il est incapable de les communiquer. Par contre, des détails lui reviendront.. s’il en a besoin ! C’est lui « qui pourra vous dire la semaine suivante que le sirop pour la toux se trouve dans le bac à légumes de gauche du réfrigérateur ». Si le penseur en 3D observe un tableau, par exemple, il ne va pas regarder les détails, il va voir des parties s’animer, il va chercher un climat, une ambiance. S’il se réoriente et qu’il arrive à observer un détail, tout redeviendra inerte mais il sentira moins le climat… C’est une autre façon de regarder. S’il doit regarder des détails au milieu d’un ensemble dans un certain ordre, en suivant un sens imposé, il ne peut regarder dans l’ordre préétabli. L’ordre par lequel il passe d’un détail à l’autre se fait selon son inclination personnelle (une émotion, un goût particulier, une attirance…).

Chantal Wyseur constate que les facultés d’imagination, de créativité et d’intuition sont très rarement évaluées à l’école. Les valeurs scolaires se situent plutôt dans un monde plus abstrait, difficilement accessible au penseur en 3D. Ces enfants peinent énormément pour arriver à faire ce qu’on leur demande et peuvent finir par penser qu’ils sont vraiment nuls puisqu’ils n’y arrivent pas ou de penser qu’ils sont fous puisqu’ils ont l’intuition au fond d’eux d’avoir des capacités. L’école demande la plupart du temps « une observation objective qui ne s’obtient qu’en étant en projet d’être attentif. Cela implique une anticipation mentale, laquelle guidera notre pensée et nous invitera à prendre les informations dans un certain ordre, à les identifier en suivant un sens, tout en limitant l’observation à un cadre donné ». « Malgré de grandes capacités dans le domaine concret, la personne dyslexique peut se sentir en dysharmonie par rapport à la société actuelle. Elle ressent un manque de confiance en elle car son premier contact social prégnant – l’école – n’a pas reconnu sa façon d’accéder au sens. Tout change à partir du moment où le dyslexique utilise la pensée verbale intérieure. Bien qu’il me soit impossible d’en déduire une vérité scientifique, j’ai pu observer ce phénomène plusieurs fois de façon précise ».

Reprenons les cinq gestes mentaux d’Antoine de La Garanderie : attention, mémorisation, compréhension, réflexion et imagination créatrice. Voici ce que Chantal Wyseur nous dit pour l’enfant qui pense en 3D :

Attention : Ils ont particulièrement besoin de démarrer par du concret car leur attention est sélective. Ils peuvent démarrer par des choses abstraites s’ils ont pu, au préalable, les ressentir avec leur corps. Il faut souvent les ramener sur terre car ils peuvent s’évader en imagination sur un mot, une idée… Il faut donc favoriser les supports concrets, si possible en 3D avec lesquels ils peuvent s’imaginer en action ou l’imaginer en action. « L’interprétation des questions et des textes écrits pose un problème, même si la lecture est parfaitement acquise. L’accroche mentale se fera toujours sur un mot de la question ou sur une phrase du texte qui fait vibrer ‘’corporellement’’, au risque de déformer l’information ».

Mémorisation : elle « se fait depuis des scènes, des mouvements vécus. Le corps a mémorisé les ambiances, les visages, les émotions ; il a retenu un mouvement. C’est comme une suite de plans dans un film. Il s’agit d’une mémorisation inconsciente, qui n’est pas très efficace pour des contenus scolaires classiques ».

Compréhension et réflexion : elles « ne fonctionnent bien que lorsqu’il s’agit de faits se rattachant à la vie, au réel concret, surtout si des facteurs humains y sont imbriqués. La compréhension ne se fait pas en fonction de l’évocation auditive ou visuelle, mais dans une action imaginaire en 3D à une allure vertigineuse. La recherche de sens est de trouver une solution pratique à un problème concret ». « La réflexion prendra appui sur des acquis mémorisés, des souvenirs d’actions ressemblant à celle à résoudre ».

Imagination créatrice : elle « est omniprésente. Parti dans son monde en 3D, le dyslexique peut créer avec une grande rapidité toutes les formes qu’il veut en partant de formes connues. Il doit s’en empêcher pour rester ‘’sur terre’’. Le geste d’imagination est tellement vivace et vagabond qu’il pollue le geste d’attention ».

Un point particulièrement important pour le penseur en 3D est de donner du sens à ce qu’il doit apprendre. Pour donner du sens, il a besoin de savoir rapidement à quoi va servir ce qu’il doit apprendre, il lui faut une vision globale de l’information avant d’apporter les détails. Et surtout, il faut qu’il soit acteur ! « Quand tout est codé, découpé au départ, il n’y a pas de sens. L’enfant ne peut pas se sentir en action, en train de construire. Il n’y a que de ‘’l’obéi…sens’’ pour des savoirs desséchés et désossés. Les concepteurs de jeux vidéos ont mieux compris comment fonctionnaient les enfants : s’ils ne savent pas se décrocher de leur écran c’est bien parce qu’ils sont en action, en mouvement, comme s’ils vivaient eux-mêmes l’aventure. Ils sont en action imaginaire dans un scénario dans lequel ils sont acteurs, alors qu’à l’école ils étudient un schéma de la digestion comme s’ils n’avaient pas d’œsophage ni d’estomac ! » Beaucoup d’enfants parlent de cours morts et de cours vivants… Les penseurs en 3D ont souvent beaucoup de mal à comprendre les notions abstraites, aussi l’information devrait d’abord passer par le corps et toute notion abstraite doit être présentée en 3 D. Pour cela, la pâte à modeler est vraiment un très bon moyen « Il accède donc au sens par le tact et le mouvement et il complète ce travail mental par l’acquisition des correspondances en langages et en 2D. Il peut dès lors utiliser l’information de façon conceptuelle. Il comprend qu’il s’agit d’une convention et il ne tentera pas de transformer la lettre en un être vivant, vibrant d’émotions. S’il ne trouve pas l’énergie qui lui permet de faire la traduction d’un code présenté sous une forme qu’il ne peut accepter, il aura toute sa vie des problèmes avec le code écrit ».

Chantal Wyseur nous parle de Maria Montessori qui « avait stigmatisé l’autoritarisme en matière éducative qui brisait l’élan vital de l’enfant ». Pour elle aussi, l’école n’a pas progressé : l’autoritarisme n’est plus de mise mais la personnalité de tous les enfants n’est toujours pas respectée « De nombreux enfants pensent qu’à l’école, il faut penser avec un cerveau spécial qui n’est pas leur propre cerveau ». Ne se sentant pas reconnus dans leur fonctionnement, ils dépensent énormément d’énergie à ressembler à ce que l’on attend d’eux. « Ils étouffent leur potentiel et leur intelligence par excès de conformisme. Leur don est gâché »« En ne reconnaissant pas leur façon imaginative et ‘’multidimensionnelle’’ en 3D d’appréhender le monde, on tue dans l’œuf leur projet de sentir, de vivre, et tout simplement d’être. L’enfant dyslexique devrait être informé de son propre fonctionnement ».

Ces enfants ont particulièrement besoin d’être valorisés, d’obtenir qu’on leur fasse confiance, que l’on se débarrasse de notre savoir et de nos préjugés afin d’être disponible pour écouter et observer. Ces enfants sont plus curieux, créatifs, imaginatifs, intuitifs… Il ne faut pas le gâcher mais le cultiver !

Les travaux de Béatrice Sauvageot : dysfonctionnements et dyslexie

Béatrice Sauvageot a mis au point une méthode qui rééduque les dyslexiques sur une période allant de 6 mois à un an.

Béatrice Sauvageot est une orthophoniste qui s’est formée aux neurosciences. Elle a obtenu un prix de la Fondation de France (fondation Salavin Fournier) pour ses recherches en 1992, et dirige depuis un centre pédagogique et thérapeutique au sein duquel elle pratique sa propre méthode. Elle a constitué un groupes de recherche alliant artistes, scientifiques, linguistes, médecins, thérapeutes et patients autour des stratégies d’apprentissage. Ceux-ci se situent dans le monde entier. Elle propose des outils originaux et révolutionnaires car performants pour les dyslexiques et les dysorthographiques. Ils ont fait leur preuves et sont déjà utilisés dans 24 paysIls permettent aux dyslexiques, dysorthographiques, dysgraphiques, dyscalculiques et à certains dyspraxiques, d’apprendre rapidement la langue écrite standard tout en conservant l’accès libre et riche à ce que Béatrice appelle une bilexie épanouie. Béatrice Sauvageot travaille avec des enfants dyslexiques depuis vingt ans et a élaboré une méthode gestuelle qui corrige la dyslexie entre 6 mois et 1 an au lieu de 3 ou 4 ans minimum. Elle rééduque également les adultes qui ont un niveau de lecture CE1 pour leur faire acquérir une lecture fluide. Pour identifier les enfants dyslexiques, elle prend les enfants dans leur globalité et reconnait un dyslexique à sa façon d’être, à ses difficultés dans la vie et à sa façon de les gérer.

Pour Béatrice Sauvageot et son équipe, l’enfant qui peut devenir dyslexique a son propre langage, « une langue neurologique et linguistique à part entière, obéissant à une logique particulière propre à chaque dyslexique et à son regard sur le monde. Cette langue comporte une syntaxe, des règles de lecture ainsi que des fonctions »[1]. En effet, un dyslexique possède un langage qui cache « une singularité, une perception, des associations d’idées, une poésie et une structure à part ». Cela leur permet de faire la différence entre le vrai dyslexique et celui qui a des difficultés en orthographe. Pour un enfant dyslexique, apprendre le français est comme apprendre une langue étrangère, il doit maîtriser un double lexique : celui de leur langue « naturelle » et celui de la langue « officielle ». Il est tout à fait possible pour ces enfants de dépasser leurs difficultés, pour cela, il faut d’abord les aider à comprendre leur logique, travailler sur la plasticité des zones du cerveau concernées et les aider à maîtriser leur langue maternelle afin qu’ils puissent devenir bilexiques. Dyslexie évoque un problème de dysfonctionnement et d’une anomalie, alors qu’il s’agit d’une répartition différente des zones d’apprentissages de la lecture et de l’écriture. D’où le terme préféré de ‘’bilexie’’. Béatrice Sauvageot considère que, loin de dysfonctionner, les bilexiques « sont loin de nous avoir révélé ce dont ils sont capables ».

Le plus important pour Béatrice Sauvageot[2] pour aider un enfant à devenir bilexique est de mettre en avant ses potentialités exceptionnelles et avoir un regard positif sur leur personnalité. Plus on stimule l’enfant, plus on lui apprend de choses et plus il apprend. Plus on l’amuse, plus on l’intéresse à s’approprier ce code, plus il y arrive. Pour Béatrice Sauvageot également, lire et écrire c’est d’abord sentir, écouter, rire… Un dyslexique est quelqu’un de différent des autres dans sa perception du monde, dans son appréhension du langage et surtout qui a un talent caché. C’est un talent qui dort, il faut le stimuler et c’est grâce à la stimulation de ce talent, surtout grâce à sa conscientisation, que la personne va rééduquer son symptôme. Aider l’enfant à reprendre confiance en lui en valorisant ses qualités extrascolaires, qualité souvent négligées par l’éducation traditionnelle. Ce qui apparaît le plus remarquable pour elle est que le dyslexique est brillant dans ce qu’il entreprend mais à condition que le cadre émotionnel soit là. C’est à dire que rien n’est impossible à condition qu’il soit en sécurité affective, qu’il apprécie les personnes autour de lui et que les relatons soient bonnes. Il aura tendance, dès lors qu’il est mal à l’aise à se renfermer sur lui et à ne plus rien faire du tout.Ce n’est pas seulement la pensée en images qui est remarquable mais le surdéveloppement de ses 5 sens : il voit plus de couleurs, entend plus de sons, voit plus de détails et en 3D et « pense en images » mais avec ses images à lui. Par exemple, ils entendent tellement bien les nuances des sons, que pour eux un « a » peu avoir une quinzaine de façon de se prononcer si distinctes que pour eux, il s’agit de 15 sons différents. Il faut donc apprendre que tous ses sons s’écrivent de la même façon ce qui n’a aucun sens pour lui…Il faut apprendre aux enfants à maîtriser leurs déplacements, car la lecture est un rythme, un mouvement. Maîtriser ce rythme est une des clés de l’apprentissage. Pour intégrer une lettre extérieure à lui, l’enfant doit l’intégrer dans son schéma corporel.

Béatrice Sauvageot affirme qu’un enfant peut avoir les dispositions pour être dyslexique et être très bon lecteur, si la lecture est une vraie passion et donc un choix personnel de l’enfant.

Béatrice Sauvageot nous explique également sur son site : « Depuis une dizaine d’années, nous avons découvert des perceptions visuelles des lettres et des mots chez les dyslexiques et les dysorthographiques. Les zones utilisées pour déchiffrer ne sont pas les mêmes que les nôtres, elles passent par 3 analyses simultanées des lettres. Si on analyse les rythmes d’association des groupes de graphèmes, nous percevons que les dys déchiffrent de la même façon qu’un musicien devant une partition : il a besoin de la contre forme, de la complémentarité et d’indications diverses de couleurs, de pleins et de vides afin d’accéder à une lecture fluide, le déchiffrage est son ennemi. C’est pourquoi nous avons mis en place des outils qui permettent de lire par étape et d’accélérer le débit jusqu’à l’obtention d’une lecture fluide. Ces étapes de lecture tiennent compte des zones cérébrales convoquées pour les tâches de lecture, stimulent les fonctions supérieures du langage et permettent également aux non dys d’acquérir ce code. »

Béatrice Sauvageot a fondé avec Jean Métellus l’association ‘’Puissance dys’’ afin de promouvoir ses recherches dans les domaines de la pédagogie et de la thérapie. Son travail se développe au sein de diverses structures : cabinet libéral, projets pilotes au sein d’établissements publics et privés (son association est reconnue et elle peut intervenir dans les écoles afin de faire comprendre que l’on ne peut pas aborder les apprentissages comme avec les autres enfants, elle donnent des conseils), projets d’insertion et de réinsertion professionnelle, établissement pénitentiaire, hôpitaux, universités. Elle participe à de nombreux colloques et son travail fait l’objet d’articles dans la presse, d’émissions de radio et de télévision. Elle propose une rééducation en ligne comme un outil quotidien. Elle propose des séances collectives de rééducation depuis 20 ans qui ont montrées leur efficacité. Elle donne des stages à Paris, en province et à l’étranger. Ils permettent de mettre en pratique les exercices effectués chez soi et surtout de trouver une ambiance de travail dans laquelle le dyslexique peut optimiser sa capacité d’apprentissage.

L’humour, la créativité, le mimétisme, l’échange sont les axes utilisés pour développer le cerveau dyslexique. Et ça marche !

Les changements pédagogiques de l’Education Nationale

Aujourd’hui, nous pouvons nous demander : pourquoi, il y a encore quarante ans en arrière, tous les enfants qui allaient au moins jusqu’à 10-12 ans à l’école savaient-ils lire, écrire et compter correctement ? Pourquoi nos grands-parents ne font-ils pas de fautes d’orthographe ? Pourquoi depuis quelques dizaines d’années, de plus en plus d’enfants, 200 000 par an[1], sortent du système scolaire sans maîtriser la lecture et l’écriture ? Pourquoi aujourd’hui 40% des élèves, soit 300 000 enfants, entrent-ils au collège avec de graves lacunes[2] ? Pourquoi ce même ¼ d’élèves étaient-ils déjà en échec scolaire à l’entrée au CP ? Pourquoi 40% des élèves entrant en 6ème ne suivront pas d’études secondaires ? Pourquoi un grand nombre d’élèves de seconde, titulaires du brevet, ne passent pas en première[3] ? Pourquoi plus de la moitié des étudiants de première année ne parviennent pas en seconde année ? Pourquoi de plus en plus d’élèves en Licence, et même en Master, en plus de faire de nombreuses fautes d’orthographes ont une syntaxe déplorable ? Pourquoi des professeurs de français de faculté sont obligés de faire un enseignement de collège alors qu’avant ils faisaient de la stylistique et de la rhétorique ? Pourquoi les facultés scientifiques se plaignent que les élèves savent de moins en moins raisonner ? Pourquoi est-il de plus en plus difficile aux quelques très grandes écoles de remplir leur classe avec des élèves français ? Pourquoi ceux qui vont au doctorat ont un niveau qui baisse d’année en année ? Pourquoi certains pays conduisent 15% d’enfants d’une classe d’âge au meilleur niveau lorsque la France n’en conduit que 5%[4] ?

Il y a quarante ou cinquante ans en arrière, un enfant d’une famille illettrée pouvait apprendre à lire, aujourd’hui, nous pouvons voir des enfants de familles lettrées, d’un bon niveau social, qui parviennent à la lecture, non pas à l’école, mais chez un orthophoniste, parfois en gardant de graves lacunes. Est-ce normal ?

Les méthodes de l’époque étaient certainement critiquables et méritaient d’être améliorée mais tous apprenaient à lire, écrire et compter, suffisamment pour que chacun puissent se débrouiller dans la vie, rédiger correctement un courrier administratif, une demande d’embauche, etc. Aujourd’hui, nous voyons de plus en plus de diplômés de niveau II (Bac + 4 ou 5) rédiger des courriers non seulement bourrés de fautes d’orthographe mais tout juste compréhensibles et incorrects en syntaxe.

Qu’y a-t-il de vraiment changé dans les pédagogies de l’Éducation Nationale depuis quarante ans ?

► Les classes de maternelle ne préparent plus les enfants à apprendre : il semble que l’essentiel de la période de 3 à 6 ans ait été complètement supprimé, à savoir l’éveil des sens et c’est là que se creusent les inégalités. Nous avons vu que les personnes qui remédient aux dysfonctionnements le font en commençant par stimuler les sens ! Aujourd’hui, les sens ne sont plus stimulés de manière à préparer réellement aux apprentissages ou ils sont stimulés excessivement, de façon inappropriée. L’éveil des sens sert à créer des connexions entre les différents sens et, cela est prouvé par les sciences cognitives actuelles, à développer les facteurs déterminant pour la vitesse et la facilité d’apprentissage que sont l’attention, l’engagement actif, le retour d’information immédiat et la consolidation[5]. L’enseignement actuel ne permet pas le développement de ces 4 paramètres[6].

L’enseignement en maternelle devient équivalent à l’école primaire dans le sens où il est très dirigé, très exigeant en terme de compétences précises à un moment précis. C’est vraiment une petite école, ce n’est plus un lieu de maternage où chaque enfant peut apprendre ce dont il a besoin, à son rythme.

► Les manipulations si nécessaires aux kinesthésiques (80% des enfants) ont quasiment disparues. Ce sont les manipulations et l’oralisation qui permettent la construction de connexions cérébrales.

► Les programmes sont surchargés de nouvelles notions, ce qui ne laisse plus le temps nécessaire aux fondamentaux. Le temps accordé au français et aux mathématiques se restreint comme peau de chagrin. Après l’anglais, l’histoire de l’art a été ajoutée dernièrement au programme de fin de primaire. Non seulement les notions sont « allégées » mais les enfants qui en ont besoin, n’ont vraiment pas assez de temps pour faire les exercices nécessaires à leur compréhension. Le temps est chronométré, minuté afin de boucler le programme ! D’une part, une pression énorme est imposée aux enfants et, d’autre part, on ne leur donne plus les moyens d’y arriver.

► Les programmes du primaire ont été largement enrichis depuis 1969 par des sorties pédagogiques, des sorties sportives (piscine, patinoire…), visites d’intervenants extérieurs, etc. Ces activités étaient avant du ressort de la famille. Au nom de l’égalité des chances et afin de permettre à tous les enfants de réaliser des activités qu’ils pourraient ne pas faire en famille, le temps des fondamentaux est restreint et les enfants qui travaillent le mieux sont ceux dont les parents s’investissent le plus. L’égalité des chances à l’école est un leurre puisqu’il existe une grande différence de milieu sociaux, de capacités intellectuelles et/ou financières et de volonté de soutien de la part des parents.

D’autre part, si ces activités sont parfois intéressantes, elles grignotent largement les matières fondamentales que sont le français et les mathématiques.

► Les méthode globales et semi-globales : peu importe le fonctionnement de l’enfant, peu importe que de plus en plus d’enfants aient des difficultés d’apprentissage de lecture (les orthophonistes sont là pour y palier), la méthode globale et semi-globale sévit toujours au CP. Mais, surtout, la méthode globale se répand toujours plus en maternelle où elle provoque déjà de gros dégâts. Cela commence parfois dès la petite section de maternelle par les étiquettes avec le prénom de l’enfant qui est d’abord associé à sa photo, puis juste l’étiquette. Viennent ensuite des étiquettes avec les jours de la semaine, les mois, les saisons et différents ‘’mots outils’’ que l’enfant apprend à reconnaître de manière globale et visuelle. Ce n’est pas de l’apprentissage de lecture à proprement parler mais cela reste de la globale ! Et cela apporte une grande confusion chez beaucoup d’enfants dont certains seront marqués toute leur scolarité !

D’ailleurs, les enfants qui entrent au collège en échec scolaire sont les mêmes qui étaient déjà entrés au CP en grande difficulté et qui sont vraiment en échec dès le début du CP[7]. Si ces enfants sont en échec dès le début du CP, c’est bien qu’ils étaient déjà en situation d’échec en sortant de maternelle !

De plus, il a été prouvé scientifiquement (voir chapitre sur l’apprentissage de la lecture) que ces méthodes allaient à l’encontre du fonctionnement du cerveau et entravaient largement la structuration de l’enfant, surtout ceux qui sont à dominante cerveau gauche et qui ont encore plus besoin que les autres de partir du détail vers l’ensemble[8] (80% au moins des enfants).

En effet, Stanislas Deheane nous dit « Les neurosciences de la lecture montrent que chaque cerveau d’enfant dispose de circuits neuronaux capables d’apprendre à lire ».

► La lecture silencieuse : si les enfants étaient encouragés auparavant à lire à haute voix, maintenant ils sont obligés de lire en silence. D’après Elisabeth Nuyts, c’est la lecture à voix haute qui permet une mémorisation à long terme. De plus, la lecture à voix haute favorise les connexions entre l’oreille et la voix.

► L’écriture silencieuse : il n’y a pas que la lecture qui est devenue silencieuse. Le silence s’est imposé même pour l’écriture. Pour Elisabeth Nuyts, ce silence est contre nature et est lourd de conséquences, il mécanise l’écriture qui devient intuitive. L’enfant devrait avoir la possibilité de syllaber et d’épeler tout haut le temps qu’il en a besoin, puis à voix basse, en murmurant, pour finir en silence quand le moment est venu pour chaque enfant.

► La compréhension de texte : avec l’ancienne méthodologie, une analyse méticuleuse du texte était proposée après la lecture afin de permettre aux enfants une bonne compréhension et d’apprendre à lire entre les lignes. Aujourd’hui, la lecture silencieuse n’est plus suivie de questionnement, la compréhension reste globale et la mémorisation demeure à court terme. Les enfants apprennent à dégager l’essentiel d’un texte par différents exercices pour en arriver à la lecture spatiale recommandée par Eveline Charmeux par exemple : « Tout ce qui peut amener le regard à couvrir une surface plutôt qu’à suivre linéairement est préférable. L’élève se libère ainsi du mot à mot et parvient à une lecture spatiale. »

Elisabeth Nuyts, entre autre, affirme que c’est la lecture à voix haute et l’analyse orale qui permettent la compréhension fine d’un texte et sa mémorisation à long terme. En effet, le questionnement à la fin d’un texte permet à l’enfant de donner du sens à ce qu’il a lu : lire et comprendre. Répondre aux questions sur le texte fait reformuler l’enfant avec ses mots. C’est cela qui permet la mémorisation à long terme.

La lecture spatiale fait appel au cerveau droit alors que la lecture linéaire fait appel au cerveau gauche.

► L’apprentissage de la rédaction : auparavant, les enfants apprenaient la grammaire et la conjugaison dès le CE1, apprenaient petit à petit à maîtriser la langue française par de nombreux exercices où ils étaient invités à enrichir des phrases d’un vocabulaire élaboré. Puis, petit à petit, apprenaient à rédiger de petits textes, descriptions d’images, avec un plan sur lequel s’appuyer. L’aboutissement de ces techniques étant la rédaction qui était proposée au CM1. Aujourd’hui, l’enfant doit réaliser des « productions d’écrits » dès le CE1, alors qu’il ne maîtrise pas la langue française et ce sont ces mêmes écrits qui vont servir d’appui pour la grammaire, rebaptisée ORL (Observation Réfléchie de la Langue).

► L’apprentissage de la grammaire : les enfants découvraient petit à petit la grammaire analytique de manière très progressive, tout au long de l’école primaire. Cela commençait par l’analyse grammaticale[9] pour bien comprendre la nature et la fonction de chaque mot. Puis, l’enfant étudiait l’analyse logique[10] pour comprendre la construction des phrases. Aujourd’hui, le fond même de l’enseignement a changé pour évoluer vers des enseignements transversaux comme l’ORL qui est une grammaire fonctionnelle réalisée à partir de la production d’écrits des élèves . L’ORL a remplacé l’étude par éléments, orthographe, conjugaison, grammaire, où, à chaque fois, on partait des choses simples pour aller progressivement vers les choses complexes.

L’observation réfléchie de la langue vient remplacer la méthode ancienne qui, pour leurs détracteurs, consistent à donner une explication magistrale puis la faire appliquer par des exercices. Pour l’ORL, Eveline Charmeux[11] nous explique sur son site qu’il s’agit de faire pratiquer la règle pour ensuite la faire découvrir. Faire de la grammaire, c’est étudier sa propre langue, ce que l’enfant sait déjà faire inconsciemment : il parle, donc il utilise la grammaire. En conséquence, il faut l’amener à prendre conscience des règles qu’il utilise déjà sans le savoir afin de théoriser les savoirs acquis de façon inconsciente. Par rapport à d’autres matières, aucun savoir extérieur n’est à apprendre, ni à mémoriser. L’ORL, « Loin de supprimer l’enseignement de la grammaire, lui redonne son sens, son sens véritable, d’un savoir particulièrement libérateur ». Sauf que, concrètement, l’enfant apprend la nature et la fonction (la différence n’est pas nette…) des mots par discriminations visuelles : le verbe « est le mot qui change le plus dans une phrase car il se conjugue » ; le sujet : « c’est le mot qui précède le verbe » ; le complément essentiel : « est le mot qui suit le verbe et qui n’est ni supprimable, ni déplaçable ; le pronom : « est le petit mot qui précède le verbe et qui le conjugue ». L’enfant apprend donc à reconnaître les fonctions des mots de manière spatiale, visuelle, et mécanique. Alors que la grammaire doit permettre de développer le raisonnement, cette méthode fait surtout appel à l’hémisphère droit, siège de l’émotion (démonstration plus loin avec Elisabeth Nuyts).

► La littérature : l’histoire de la littérature a été supprimée, seule certains mouvements sont vus superficiellement.

► Des dissertations aux commentaires composés : les dissertations représentent un exercice indispensable pour former le raisonnement. C’est un exercice d’argumentation organisée en trois parties (introduction, développement et conclusion) d’après une problématique tirée d’un sujet de littérature. La problématique entraîne une réflexion pour trouver des arguments de thèse et d’antithèse qui doivent être classés et ordonnés du plus faible au plus fort et du moins important au plus important. L’argumentaire peut s’appuyer sur des citations (connaissances littéraires) mais il est essentiellement construit à partir de ses connaissances générales et de sa capacité à mener une réflexion en profondeur pour exprimer une opinion argumentée : la sienne, celle de l’auteur et l’antithèse de l’auteur.

Les dissertations disparaissent au profit des commentaires composés qui est l’étude d’un texte. Il s’agit de décrypter ce que l’auteur veut nous dire, de relever le fil conducteur de son message, d’analyser les moyens utilisés (indices lexicaux, stylistiques, rythmiques), le contexte culturel, et d’en faire un compte-rendu construit. Ce travail s’appuie sur des connaissances mémorisées et restituées certes intéressantes et sur une capacité à analyser mais pas sur une capacité à raisonner. Ce travail met surtout en avant les sentiments, le ressenti.

Les pédagogies utilisées aujourd’hui font donc disparaître l’art de raisonner pour laisser la place au ressenti, aux émotions, à l’impulsivité. Le sens des mots devient subjectif et la pensée de l’auteur est décortiquée à travers les émotions ressenties, ce qui ne reflète pas forcément la pensée de l’auteur.

► L’analyse de documents : cet exercice n’était pas ou peu utilisé avant, alors que maintenant, il est en vogue dans de nombreuses matières. L’analyse de documents consiste à comparer des documents en cherchant les ressemblances et les différences, réaliser des associations d’idées mais sans analyser finement ces mêmes documents. C’est du traitement analogique (par analogie) apanage du cerveau droit. Dans le meilleur des cas, le professeur propose les documents, les élèves partagent leurs réflexions / connaissances puis le professeur complète par un cours. Dans le cas le plus défavorable, l’heure de cours se fait uniquement autour de l’étude de ces documents grâce aux réflexions / connaissances des élèves sans apport de cours complémentaires. Il n’y a pas de cours ! Les enfants qui en savent le moins peuvent apprendre mais ceux qui en savent déjà plus n’apprennent rien. Cette méthode nous vient du constructivisme qui invite l’enfant à construire ses connaissances en remplacement de la transmission des connaissances. L’apprentissage ne part plus de l’enseignant mais de l’enfant lui-même qui construit son propre univers et sa vision du monde à partir de son vécu, ses connaissances, ses croyances ainsi que sa curiosité et sa motivation. L’enseignant devient un consultant. Cette méthode n’a rien à voir avec l’informel. Le constructivisme fait croire à l’enfant qu’il peut apprendre seul mais on ne lui propose pas de moyens. L’informel permet réellement à l’enfant d’apprendre seul car on lui donne des outils.

► L’apprentissage des mathématiques : autrefois, les mathématiques étaient toujours appréhendées par des notions concrètes. Les notions d’arithmétiques étaient travaillées autour de multiples problèmes en rapport avec la vie quotidienne Partir de la réalité concrète permet à l’enfant de passer petit à petit à l’abstraction. Les nouvelles pédagogies noient les enfants dans l’abstrait. Les opérations s’apprennent de façon mécanique. Le matériel de manipulation a depuis longtemps été mis au placard et, depuis quelques années, on le ressort pour le jeter à la poubelle. Que deviennent nos 80% d’enfants kinesthésiques ? Des dyscalculiques pour certains et d’autres peuvent s’en sortir honorablement jusqu’au collège et s’écrouler tout d’un coup en milieu de collège.

► L’apprentissage des théorèmes de mathématiques : avant les grandes réformes des mathématiques modernes, l’enfant était invité à revivre le cheminement que les mathématiciens avaient eu pour parvenir à élaborer leur théorème. Puis, on énonçait le théorème et l’enfant pouvait effectuer des exercices le mettant en application. Revivre la démonstration du mathématicien aide l’enfant à développer son raisonnement en faisant travailler leur hémisphère gauche. Depuis quelques dizaine d’années, les enfants n’étudient plus les démonstrations. On leur donne le théorème, et ils doivent l’appliquer par des exercices. Ce principe d’appliquer la règle ne convient pas, là encore, aux enfants à dominantes cerveau gauche (80%), car ils ont particulièrement besoin de revivre le raisonnement pour comprendre la règle afin de pouvoir l’appliquer. Si cette approche convient mieux aux enfants à dominante cerveau droit qui sont capables d’appliquer une règle sans l’avoir forcément comprise, cette pratique engendre une mécanisation du travail et ne permet pas à ces enfants de développer leur raisonnement. En effet, appliquer une règle après l’avoir mémorisée fait appel à un traitement analogique (cerveau droit) uniquement.

► La disparition des leçons de choses : les leçons de choses posait les bases des sciences : anatomie, zoologie, botanique. Aujourd’hui les enfants découvrent l’ADN et le génome sans connaître les bases des sciences comme les classifications animales et végétales et leur raisons d’être.

► Les exercices à trous : ils se multiplient ainsi que les QCM. Ils sont basés sur les acquis mécaniques et peuvent être traités uniquement par des acquis visuels sans réelle compréhension et recherche de sens.

► L’apprentissage de lhistoire : l’histoire ne s’apprend plus selon un ordre chronologique mais par séquences aléatoires chronologiquement. De plus, le travail d’histoire se fait de plus en plus par analyse de documents.

► L’informatique dès l’école primaire : l’ordinateur est basé sur un système binaire (oui/non, connais/connais pas). L’utilisation de l’ordinateur sollicite surtout l’œil et la main et donc davantage le cerveau droit. Il est incapable d’analyser une réalité totalement différente de ce pour quoi il a été initialement programmé. Son utilisation prématurée maintient l’enfant dans une utilisation automate.

► L’école n’admet pas l’échec, il est interdit de se tromper : alors que l’erreur est la base de l’apprentissage. D’une part, les enfants ayant un rythme plus lent ou plus de difficultés à comprendre par la manière dont les notions leur sont présentées peuvent voir leur enthousiasme baisser. L’école se focalise sur les erreurs ce qui engendre une mauvaise estime de soi. D’autre part, en sachant que leur travail sera contrôlé à la fin, les enfants prennent l’habitude de travailler pour avoir de bonnes notes mais pas pour faire leur travail avec enthousiasme. Ils prennent l’habitude d’attendre d’une autre personne de savoir si leur travail est bon ou pas, alors, qu’ils seraient tout à fait capables d’évaluer eux-mêmes leur travail par autocorrection.

► Le jargon de l’Éducation nationale s’est largement transformé dans toutes les matières. L’élève est devenu un apprenant ; les parents, des géniteurs d’apprenants ; comprendre, c’est induire du sens ; un texte, une masse langagière ; un stylo, un outil scripteur ; le vocabulaire, un capital lexical ; la conjugaison et la grammaire, l’observation réfléchie de la langue (ORL) ; les conjonctions de coordination et de subordination et certains adverbes, les connecteurs logiques et temporels ; la rédaction, production d’écrit ; une matière, un champ disciplinaire ; le contrôle avant la leçon, une évaluation diagnostique ; un contrôle après la leçon ; une évaluation conclusive ; le chant, une activité vocale ; etc.

Comment un parent peut-il aider son enfant ? La conséquence est que ce sont les milieux moins favorisés qui en pâtissent car les milieux privilégiés ont les moyens de payer à leur enfant des cours particuliers supplémentaires ou des écoles privées qui fonctionnent comme avant.

Depuis les années 70, toutes les réformes ont été soi-disant faites pour permettre au plus grand nombre d’élèves d’acquérir des diplômes dans un soucis d’égalité des chances. Or, c’est l’inverse qui se produit, les inégalités n’ont jamais été aussi élevées et les illettrés sont de plus en plus nombreux. Les élèves qui réussissent le mieux sont suivis par les parents.

Alors ? Pourquoi maintenir des pédagogies qui entrainent 40% des enfants dès l’entrée en CP en échec scolaire et à le rester toute leur scolarité[12] ? Pourquoi maintenir des pédagogies qui ne font qu’accroitre le déclin de l’école ? Pour obtenir 80% de réussite au BAC, le BAC est mis au niveau des élèves.

« Pour noyer les esprits, depuis des décennies, on substitue au raisonnement et à l’intellect des fonctionnements par émotions et par images, notamment grâce à la publicité. On empêche l’Homme de penser pour mieux le manipuler » Yann Carrière, docteur en psychologie

« L’esprit d’une nation réside toujours dans le petit nombre qui fait travailler le grand et, nourrit par lui, il le gouverne » Voltaire

Face au travail des professionnels cités dans nos articles et, surtout, face à leur résultat, nous sommes en droit de penser qu’il est possible de faire autrement et qu’il est possible à tous d’arriver à donner le meilleur de lui-même.

Catherine Chemin


[1] Rapport Haut Conseil de l’Education de 2007 sur l’école primaire

[2] Rapport Haut Conseil de l’Education de 2012

[3] Rapport Haut Conseil de l’Education de 2007 sur l’école primaire

[4] Rapport de l’Institut Montaigne avril 2010

[5] Stanislas Dehaeane, professeur de psychologie cognitive au Collège de France

[6] Voir Cécile Alvarez

[7] Rapport Haut Conseil de l’Education de 2007 sur l’école primaire

[8] Docteur Ghislaine Wesstein Baddour et Stanislas Dehaene : chapitre sur l’apprentissage de la lecture

[9] Etude du rapport des mots dans une phrase.

[10] Etude des différentes propositions d’une même phrase.

[11] Eveline Charmeux est professeur honoraire de l’IUFM de Toulouse, chercheur associé à l’INRP durant vingt cinq ans, auteur de nombreux ouvrages sur la didactique de la langue maternelle et la lecture.

[12] Rapport Haut Conseil de l’Education de 2007 sur l’école primaire

Le fonctionnement de chacun doit être respecté

Nous avons pu constater que les pédagogies qu’imposent les pédagogues actuels, ainsi que les programmes de l’E.N. :

  • ne permettent pas à la plupart des enfants d’être respectés dans leurs différents modes de fonctionnement naturels ;
  • ne permettent pas à la plupart des enfants de développer les modes de fonctionnement qui ne leur sont pas naturels ;
  • ne permettent pas au cerveau de se développer de manière équilibrée car un enfant a besoin de faire appel aux deux hémisphères cérébraux qui doivent travailler en alternance constante, les besoins fondamentaux du cerveau ne sont pas respectés ;
  • entravent le fonctionnement de beaucoup d’enfants ce qui entraîne des dysfonctionnements cérébraux, des incidences sur la santé psychique et physique et une certaine violence ;
  • favorisent largement l’utilisation du cerveau droit, ce qui encourage les enfants à prendre l’habitude d’utiliser en priorité le cerveau droit, siège de l’émotion ;
  • suppriment de plus en plus les apprentissages qui font appel au cerveau gauche, alors que c’est lui qui favorise le raisonnement, apanage de cette zone cérébrale et qui, de plus, est inhibiteur des conduites négatives.

De nombreux spécialistes reconnaissent aujourd’hui que les méthodes pédagogiques de l’Éducation nationale utilisées depuis les années 1970 ne permettent pas à la grande majorité des enfants de se développer et de se construire normalement. L’école ne convient vraiment qu’à 20% des enfants, 5% même pour Elisabeth Nuyts !

D’où l’augmentation d’enfants qui ne rentrent pas dans le moule de l’Éducation nationale, le développement de dysfonctionnements chez beaucoup d’enfants qui finissent par ne plus avoir d’estime d’eux-mêmes. Trop d’enfants n’ont plus la possibilité de s’instruire et de développer au maximum leurs capacités, il ne leurs est pas permis de développer leur identité réelle et leur don lié à leur mode de fonctionnement particulier disparaît au profit du dysfonctionnement et devient donc un handicap.

Céline Alvarez n’hésite pas à dire que l’école est elle-même la cause des difficultés qu’elle essaie de corriger par des réformes : le principal problème vient des besoins du cerveau qui ne sont pas respectés. Cela fait 40 ans que ça dure, et bien sûr, maintenant, de plus en plus d’enseignants sont à dominante cerveau droit puisque ce sont ceux-là qui réussissent le mieux, ce qui augmente considérablement les chances pour un enfant à dominante cerveau gauche (80% des enfants) de se retrouver face à un enseignant à dominante cerveau droit qui ne parlera pas du tout le même langage…

Ainsi, le potentiel d’un enfant peut ne pas se révéler et une pédagogie inadaptée peut provoquer des blocages, des dysfonctionnements, des déviances et empêcher une croissance normale.

Nous sommes loin du modèle d’égalité des chances pour tous prôné par l’EN. Au contraire, au nom de cette égalité du droit à l’enseignement, les différences naturelles des enfants sont niées. L’école forme un modèle d’enfant unique, basé sur le développement de l’émotion et la capacité à refaire selon un modèle.

Le moule « Éducation Nationale » se rétrécie de plus en plus face aux différentes intelligences qui sont complètement rejetées alors qu’il suffirait d’apprendre autrement pour que chacune puisse se développer. Le système scolaire, en faisant le choix de continuer à utiliser des pédagogies qui ne conviennent pas à tous les types de fonctionnement, ne peut rien faire pour aider les enfants qui fonctionnent différemment et qui sont en difficulté.

La remise en cause n’étant pas de mise, la moindre difficulté suppose un dysfonctionnement, voir un handicap. L’école ne sachant comment gérer ces enfants particuliers, la responsabilité des difficultés est reportée sur l’enfant ou sur les parents. Un diagnostic est en général demandé pour imposer une étiquette qui se révèle souvent restreinte. En effet, la frontière entre les différents profils est souvent mince et les enfants concernés peuvent en cumuler plus ou moins plusieurs dans des proportions différentes. Parfois l’enfant se retrouve même médicalisé, ou bien ce sont les parents qui sont accusés. Les neurotypiques s’adaptent tant bien que mal dans ce cadre mais ceux qui sortent de la norme, non.

L’école, dès la maternelle, exacerbe les particularités de ces enfants hors normes qui sont en général hypersensibles, qui peuvent se dévaloriser et sombrer dans la phobie scolaire s’ils ne baignent pas dans une ambiance positive. Ou alors, c’est par la force, en sacrifiant partiellement ou totalement leur identité car ces enfants différents de la masse ressentent qu’on les considèrent comme anormaux et s’épuisent à ressembler au plus grand nombre au détriment de leur réelle personnalité trop souvent accompagnée d’une forte sensibilité. C’est l’ouverture à la phobie scolaire, à la dépression, à la mésestime de soi… Certains tentent même de se suicider… Toute différence est gênante et, plutôt que de remettre le système en cause, devient un handicap.

Si le fonctionnement naturel de l’enfant est entravé, c’est la porte ouverte à différents blocages et dysfonctionnements, voire même une certaine violence !

La violence pourrait sembler naturelle et un argument usité pour le démontrer est que les animaux le sont. En effet, certains trouvent logique que l’homme ait une agressivité innée tout comme les animaux. Or, si les animaux montrent effectivement de l’agressivité, c’est uniquement pour défendre leur vie, leur progéniture, leur territoire, leur nourriture, … bref, pour défendre leurs besoins de survie. De plus, seul l’homme est capable de faire la guerre… Montagu[1] cite, dans son livre Learning Non-agression, des cultures pacifiques, c’est donc possible ! Erich Fromm affirme également « Les hommes primitifs sont les moins guerriers, et […] l’esprit guerrier croit en proportion du degré de civilisation. Si la destructivité était innée chez l’homme, cette tendance serait inversée ». Aussi, le psycho-physiologiste Kenneth E.Moyer souligne que le comportement agressif est toujours lié à un stimulus externe.

En 1986, vingt éminents scientifiques spécialistes du comportement se sont réunis à Séville pour étudier les racines de l’agressivité humaine. Ils ont démontré que la tendance naturelle à l’agression ne reposait sur aucune base scientifique « La violence n’est inscrite ni dans notre héritage évolutif ni dans nos gènes. […] La même espèce qui a inventé la guerre est également capable d’inventer la paix »[2]. Pour l’écrivain Ernest Renan « La violence n’est pas innée chez l’homme. Elle s’acquiert par l’éducation et la pratique sociale ».

Thomas D’Ansembourg[3], enseignant de la communication non violente, nous démontre que, de manière plus générale, c’est la non satisfaction des besoins fondamentaux (sécurité, protection, indépendance, affection, estime de soi, compréhension, reconnaissance…) qui engendre la violence qui n’est pas notre nature. Ainsi, il affirme « Elle (la violence) est l’expression de la frustration de notre nature. C’est mon hypothèse de travail. La violence sert à exprimer nos besoins lorsqu’ils ne sont pas reconnus ou satisfaits. Si nos besoins sont reconnus ou, a fortiori, comblés, à quoi nous sert la violence ? Je crois de moins en moins à la méchanceté des personnes et de plus en plus au pouvoir de l’amertume et de la peur ainsi qu’à la puissance qui se nourrit de la frustration. Au fond, la méchanceté est l’expression de l’amertume des gens qui n’ont pas pris (ou eu l’occasion de prendre) soin de leur souffrance ». Thomas D’Ansembourg affirme que les besoins identifiés et réalisés, ou simplement reconnus, engendrent une satisfaction et un bien-être qui comblent l’être humain et le gardent dans la paix.

Un exemple très pertinent s’offre à nous par la classe Montessori de maternelle (3 – 6ans) à Genevilliers en ZEP et Plan Violence. Cette école propose aux enfants de la maternelle un enseignement basé uniquement sur la pédagogie de Maria Montessori qui respecte parfaitement les besoins de l’enfant et son rythme. De plus, cette pédagogie respecte tous les différents modes de fonctionnement car, comme le montre les sciences cognitives, elle respecte les paramètres nécessaires à un bon apprentissage pour tous quelque soit son mode de fonctionnement. Il n’y a donc pas d’entrave majeure dans les apprentissages qui pourraient engendrer de la violence. Aucune manifestation de violence. Au contraire, les enfants progressent rapidement en travaillant dans la paix et la confiance. Ils manifestent des attitudes d’entraide, de respect, de bienveillance et une grande autonomie qui se répercute même au sein de leur vie familiale. C’était d’ailleurs l’un des but de l’ouverture de cette classe, prévenir la violence en milieu scolaire par l’éveil social : la coopération, le tutorat et l’entraide sont les piliers du dispositif. De plus, ils lisent tous en fin de GS alors que, dans cette commune, 55% des enfants entrent généralement au collège sans savoir lire. C’était donc une réussite complète !

Lorsqu’il y a réellement un problème

Le dialogue avec les enseignants n’est pas toujours facile car il n’est pas évident de se remettre en question. Pourquoi ce que je fais marche avec la plupart des enfants mais ne marche pas avec celui-là ? C’est forcément qu’il a un problème ! Que ce soit par les enseignants ou par les médecins, les parents sont souvent accusés de tous les maux de leur enfant, comme du temps où Bruno Bettelheim était convaincu que l’autisme était la conséquence du comportement de la mère notamment. Manque d’affection, affection envahissante… dès que l’enfant ne ressemble pas à la normalité, il doit y avoir un problème psychologique.

L’expérience montre que, très souvent, la mère se rend compte des particularités de son enfant non seulement avant son entourage mais même avant les médecins ou certains spécialistes qui concluent trop facilement : « ne vous inquiétez pas, laissez-lui le temps, laissez-le faire ses expériences, ne soyez pas pressée, vous le couvez trop… ».

La mère vit au quotidien avec son enfant, elle passe du temps avec lui, à le regarder vivre, à l’observer. Elle est la plus à même à percevoir, au-delà des apparences quel qu’elles soient, ce que son enfant ressent, comment il perçoit son environnement. La mère qui sait se fier à son intuition est vraiment capable de grandes choses pour son enfant. Il y a des exemples célèbres comme celui de Temple Grandin[4], condamnée à l’âge de 4 ans par un médecin qui l’avait diagnostiquée comme ayant des lésions cérébrales, affirmait qu’elle ne parlerait probablement jamais et il conseillait à sa mère de la placer en institution. Nous savons bien où ce genre de placement mène…

Sa mère a pris en charge sa fille Temple. Il s’est avéré qu’elle est une autiste de haut niveau qui pense essentiellement en images ! Sa pensée en images a été identifiée par un professeur du lycée qui a su tenir compte de cette particularité et adapter ses exigences. Elle a obtenu un doctorat en sciences animales et est spécialiste de renommée internationale en zootechnie. Plus de la moitié du cheptel des Etats-Unis est élevé selon ses principes. S’il est vrai que l’on peut considérer que c’est un cas particulier – ce qui fait sa célébrité – sans la volonté de sa mère d’essayer d’offrir à sa fille une vie digne de ce nom, Temple Grandin aurait été internée à l’âge de 4 ans ! Grâce au combat quotidien de sa mère, sa détermination, sa confiance et son espérance, Temple Grandin a pu développer sa réelle personnalité et la mettre au service de l’humanité.

Penser différemment, fonctionner différemment, être différent, c’est voir le monde différemment, c’est réagir différemment à son environnement et c’est une richesse pour l’humanité. Vouloir imposer une normalité à tous, c’est refuser la richesse de la diversité, nécessaire à l’humanité. Pour Anneclaire Damaggio[5], jeune autiste asperger « la normalité n’est pas le summum de ce qui peut s’atteindre »… Son objectif est de devenir humainement belle ! « tout le reste doit s’ordonnancer autour puisque la première décision vient du cœur et l’intelligence dont nous sommes tous dépositaire doit faire ce que notre cœur décide ». Nous sommes loin de l’attrait du pouvoir et de l’argent…

Les parents doivent s’approprier l’éducation de leurs enfants et, si cela est nécessaire, se faire aider par des professionnels.

L’instruction en famille a déjà permis à de nombreux enfants à profils spéciaux d’être enfin compris par leurs parents, loin des étiquettes trop restreintes des professionnels. En effet, un enfant a besoin d’être compris dans la globalité de sa personnalité et d’être accepté tel qu’il est. Il pourra alors reprendre confiance, s’estimer, et se réconcilier avec les différents apprentissages, car les parents mettront en place des méthodes appropriées. L’IEF permet d’adapter les méthodes d’apprentissages à chaque enfant qui diffère entre eux, même au sein d’une fratrie.

Il est clair que pour une mère, ce n’est pas un parcours ordinaire et socialement correct aujourd’hui que de décider de consacrer son temps à s’occuper de son enfant et de l’aider à se construire, bien au-delà de l’instruction. Cette dernière peut servir de prétexte afin de pouvoir s’occuper pleinement de son enfant mais il s’agit bien de la personnalité de son enfant dans sa globalité qui est en jeu !

Pour bien comprendre et apprendre, l’enfant doit être respecté et aidé dans son mode de fonctionnement, et d’autres modes de fonctionnement que ceux qui lui sont naturels doivent être développés.

Nous verrons aussi que le cerveau a besoin d’être stimulé de manière à effectuer des va-et-vient incessants entre ses deux hémisphères, cela sera développé plus loin. Ce va-et-vient entre les hémisphères est nécessaire pour un bon développement cérébral, un bon traitement analytique et donc un bon raisonnement. Quant à l’enfant, il a besoin de faire travailler ses deux hémisphères cérébraux pour se construire et se développer harmonieusement.

Nous pouvons donc comprendre qu’il n’y a pas de sous intelligence, ni de manque d’intelligence, tous peuvent réussir. L’enseignement idéal devrait convenir à toutes les formes d’intelligences : permettre à l’enfant d’utiliser la forme d’intelligence qui lui est la plus naturelle dans ses apprentissages pour qu’il apprenne plus facilement ET permettre à l’enfant de stimuler et utiliser les formes d’intelligences qui lui sont moins naturelles afin de les développer.

En utilisant des pédagogies qui favorisent les différentes entrées, nous aurons donc un enfant qui grandira en développant au mieux ces capacités naturelles tout en développant les modes de traitement qui ne le sont pas, pour obtenir un adulte épanoui, conscient et responsable.

Proposer à son enfant des pédagogies qui l’invitent à développer dès la petite enfance toutes ses entrées permet au cerveau d’être parfaitement équilibré et permet un développement harmonieux de la personnalité de l’enfant. Nous développerons les activités nécessaires aux tout petits dans le chapitre sur l’éveil sensoriel.

Celui qui n’est pas dans la norme n’est pas anormal mais simplement différent !
Acceptons la différente, c’est la richesse même de notre société.

[1] site OVEO (Observatoire de la Violence Educative Ordinaire).

[2] La déclaration de Séville (1986).

[3] Auteur de Cessez d’être gentil soyez vrai !

[4] Film à regarder sur sa vie http://www.dailymotion.com/video/xocpd5_temple-gra…

[5] Titulaire d’un master 2 en sciences politiques. Sa mère, Nicole Damaggio, a écrit un livre : Une Epée dans la brume

CNV

La communication non violente

Ecoute active et origine de la communication non violente

Citations de Carl Rogers :

« Il est bien dommage que les enseignants et le public en général attachent tant d’importance au fait d’enseigner. Cela créé un tas de problèmes sui sont sans intérêts ou absurdes par rapport à une vraie formation ».

« Ce qu’il y a de triste et de pénible dans la plupart des systèmes d’éducation, c’est que lorsque l’enfant a passé un certain nombres d’années à l’école, cette motivation spontanée se trouve rapidement étouffée ».

« Les seules connaissances qui puissent influencer le comportement d’un individu sont celles qu’il découvre par lui-même et qu’il s’approprie ».

L’écoute active et la communication non violente

L’écoute active et la communication non violente sont deux principes de communication qui se ressemblent dans leur démarche mais qui diffèrent de part leur but : l’écoute active est un acte bienveillant dirigé vers une personne (acte thérapeutique à la base) afin de lui permettre de trouver sa solution en l’aidant à exprimer ses sentiments et ses besoins alors que la CNV fonctionne dans les deux sens en favorisant une qualité de relation bienveillante entre au moins deux personnes et qui permet à chacun d’exprimer à l’autre ses sentiments, ses besoins, ainsi qu’une demande réaliste et négociable afin qu’une solution soit trouvée ensemble pour que chacun soit satisfait.

C’est un mode de communication ! Les principes de base de l’écoute active sont donc utilisés en CNV et ces deux modes de communication sont caractérisé par l’empathie.

L’écoute active

C’est Carl Rogers, psychologue humaniste américain né en 1902, qui est à l’origine de l’écoute active. Dès 1940, il élabore une approche centrée sur la personne (ACP) basée sur la qualité de la relation avec ses patients par une écoute empathique, dénuée de tout jugement. Carl Rogers invite les personnes à exprimer leurs émotions, à regarder au fond d’elles-mêmes afin qu’elles puissent réaliser tout leur potentiel, s’épanouir et vivre en lien avec leur environnement. Le travail de Carl Rogers s’est étendu à la pédagogie, la résolution de conflits internationaux et la pratique du soutien psychosocial aux victimes de catastrophe.

Pour une approche « rogérienne », le thérapeute doit faire reposer sa thérapie sur trois éléments clés : être authentique, cohérent entre son vécu et son idéal, ne pas se cacher derrière son masque de professionnalisme ; comprendre correctement ce que ressent son client ; avoir de la considération positive pour la personne par un accueil inconditionnel, celle-ci doit être acceptée telle qu’elle est, sans aucun jugement. Carl Rogers pensait que le thérapeute devait accepter l’autre sans condition afin que celui-ci puisse commencer à s’accepter lui-même. Il était persuadé que beaucoup de personnes refusent une partie de leur personnalité à cause d’une éducation basée sur les conditions de mérites qui fait penser à l’enfant qu’il doit mériter l’amour de ses parents alors que « ce qui a généralement le plus de valeur pour un enfant, c’est l’acceptation et l’approbation des parents ».

Communiquer par l’écoute active, c’est donc engager toute son attention à l’autre, lui donner du temps, ne plus se préoccuper de rien d’autre que de l’écouter, lui montrer physiquement notre disponibilité et notre intérêt par des signes visuels et verbaux, exclure ses propres idées préconçues, poser des questions ouvertes (empathiques) qui vont l’aider à décoder ses émotions, ses sentiments. Ce n’est pas l’interrompre, lui poser des questions fermées (qui engendre une réponse uniquement par oui ou non), le juger, le culpabiliser, lui donner des conseils, penser à sa place, interpréter ses propos, préparer une réponse pendant qu’elle parle, ni même la comprendre. C’est vraiment accueillir l’autre tel qu’il est, dans sa globalité, au delà de son problème, afin de l’aider à descendre en lui-même afin qu’il trouve sa solution, les moyens pour y arriver, et ce, à son rythme.

L’approche rogérienne aide la personne à se situer dans son développement en l’aidant à être attentif : à ses sentiments (Sont-ils reconnus ou exprimés ? Sont-ils en phase avec les paroles exprimées ?) ; ses expériences présentes (Comment sont-elles vécues, ressenties, évoquées, acceptées ? Quel est leur degré de rigidité ?) ; son dialogue intérieur (Existe-t-il ? Est-il riche, ouvert ?) ; ses problèmes personnels (Sont-ils identifiés ? Si oui, sont-ils perçus comme extérieurs ou intérieurs ?) ; ses relations interpersonnelles (Sont-elles acceptées, recherchées, appréciées, enrichissantes ?). Pour cela, Carl Rogers nous propose les outils de l’écoute active que sont l’art du questionnement, de la reformulation et de la synthèse.

Le questionnement permet de préciser et clarifier la pensée et passe par les faits (ce qui a été vu, entendu, expérimenté), l’émotion (ce qui a été ressenti, éprouvé, etc.) et l’opinion (ce qui est pensé, réfléchi, estimé, jugé, etc.).

La reformulation permet de savoir si ce qui a été dit est bien compris, de demander des compléments, de clarifier les sous-entendus, d’exprimer les sentiments de la personne, de l’aider à prendre conscience de ses sentiments. Il n’est pas question d’être d’accord avec la personne mais bien de comprendre ce qu’elle dit ou se qu’elle essaye de dire. Il s’agit de ressentir les sentiments de l’autre, sans se mettre à sa place. L’écoute active va au-delà d’une simple reformulation, puisqu’elle essaye de mettre en mot la dimension affective non verbalisée. Pour la reformulation, l’utilisation de phrase empathique permet à la personne de se centrer sur les sentiments qu’elle éprouve : « Vous avez le sentiment d´être impuissant face à… » ; « Vous éprouvez une frustration par rapport à … » ; « Vous ressentez un malaise … de la rancune … » etc. Ainsi, elle comprend mieux les conséquences affectives de ses expériences vécues et de ses appréhensions. Après une écoute active, il faut sortir de l’intimité et recréer la distance avec la personne. Se renseigner sur son état, si elle se sent mieux, si elle entrevoit des pistes… « Quand j’ai été écouté et entendu, je deviens capable de percevoir d’un œil nouveau mon monde intérieur et d’aller de l’avant. Il est étonnant de constater que des sentiments qui étaient parfaitement effrayants deviennent supportables dès que quelqu’un nous écoute. Il est stupéfiant de voir que des problèmes qui paraissent impossibles à résoudre deviennent solubles lorsque quelqu’un nous entend ».

Attention : comme cette technique a été mise au point dans un cadre thérapeutique, elle peut , en dehors, être utilisée pour gagner la confiance d’une personne et peut conduire à des dérives de manipulation.

La communication non violente

La communication non violente a été créée par Marshall B. Rosenberg, élève de Carl Rogers, dans les années 1970. Marshall Rosenberg se réfère aussi à l’analyse des besoins humains par l’économiste chilien Manfred Max Neef. La non-violence fait référence au mouvement de Gandhi.

La CNV est selon, M.B.R., « le langage et les interactions qui renforcent notre aptitude à donner avec bienveillance et à inspirer aux autres le désir d’en faire autant », ou encore « la combinaison d’un langage, d’une façon de penser, d’un savoir-faire en communication et de moyens d’influence qui servent mon désir de faire trois choses : me libérer du conditionnement culturel qui est en discordance avec la manière dont je veux vivre ma vie ; acquérir le pouvoir de me mettre en lien avec moi-même et autrui d’une façon qui me permette de donner naturellement à partir de mon cœur ; acquérir le pouvoir de créer des structures qui soutiennent cette façon de donner » et son but est de « favoriser une qualité de relations qui va permettre de répondre aux besoins des uns et des autres en étant uniquement motivé par l’élan du cœur et la joie de le faire[] ». L’empathie est également au cœur de ce processus.

Communication non violente signifie communiquer avec l’autre sans lui nuire, sans blesser l’autre, ni lui faire du tort. Ce n’est pas une thérapie ! Elle vise à créer entre les êtres humains des relations fondées sur l’empathie, la compassion, la bienveillance et le respect de soi et des autres. Le but est donc la résolution de conflits avec soi ou avec les autres et/ou le développement d’une meilleure relation basée sur l’écoute de soi-même et de l’autre, dans le respect mutuel. C’est un fait, beaucoup de conflits éclatent à cause d’un problème de communication. En effet, nos habitudes de communication ne sont pas toujours bienveillantes : nous étiquetons les personnes, nous dénigrons, nous reprochons, nous évaluons, nous reportons sur autrui nos contrariétés, nous jugeons au mérite, nous comparons, nous exigeons…, tout cela sans oser ‘’nous dire’’. De plus, ces procédés empêchent une réelle communication. Pour pratiquer la CNV, nous devons admettre que tous les êtres humains ont des besoins fondamentaux semblables et que nous pouvons tous être bienveillants à l’égard de ses propres besoins et de ceux des autres. Le premier pré-requis pour une communication vraie est donc l’accueil bienveillant, sans jugement, sans a priori. Il faut aussi vouloir ne pas imposer une autorité.

Marschall B.Rosenberg nous invite à être attentif aux sentiments qui nous habitent et à ceux des autres afin de mieux comprendre si nos besoins sont comblés, sachant qu’ils ne peuvent l’être tous. Le but de la CNV est d’assurer une meilleur relation aux autres car la qualité des relations avec les autres est ce qui nous rend le plus heureux. D’ailleurs Marshall B. Rosenberg a développé ce mode de communication non violente « à partir de mon désir de découvrir comment renforcer notre capacité à améliorer notre relation à autrui et à résoudre les différends dans un esprit de bienveillance. Lorsque nous donnons avec bienveillance, nous sommes inspirés par la joie qui jaillit naturellement dès que nous contribuons en toute liberté à l’enrichissement de la vie d’un autre être. Ce don n’est pas dicté par la culpabilité, la peur, la honte ou le désir d’être payé de retour. Notre seule intention est de contribuer au bien-être de quelqu’un. »[1].

Catherine

 [1] La communication non violente au quotidien chez jouvence

La CNV selon Thomas d'Ansembourg

Selon Thomas d’Ansembourg, disciple de Marshall Rosenberg, « La violence, intériorisée ou extériorisée, résulte d’un manque de vocabulaire : elle est l’expression d’une frustration qui n’a pas trouvé les mots pour se dire. Et pour cause : nous n’avons jamais acquis le vocabulaire de notre vie intérieure. Nous n’avons pas appris à décrire précisément ce que nous sentons ni quels sont nos besoins ». « La violence est en effet la conséquence de notre manque de conscience. Si nous étions intérieurement plus conscients de ce que nous vivons vraiment, nous trouverions avec plus d’aisance l’occasion d’exprimer notre force sans nous agresser mutuellement. Je crois qu’il y a violence dès que nous utilisons notre force non pour créer, stimuler ou protéger mais pour contraindre, que la contrainte s’exerce sur nous-mêmes ou sur les autres. Cette force peut être affective, psychologique, morale, hiérarchique, institutionnelle. Ainsi, la violence subtile, la violence en gants de velours, particulièrement la violence affective, est infiniment plus répandues que la violence qui se manifeste par des coups, des crimes et des insultes, et elle est d’autant plus dangereuse qu’elle n’est pas nommée ». Pour lui, en grandissant, nous nous sommes petit à petit coupé de nos sentiments et de nos besoins, pour répondre à ceux de nos parents, de nos instituteurs, patrons, collègues… Ce qui engendre timidité, doutes, hésitations à prendre une décision, incapacité à faire un choix… C’est la compréhension intellectuelle qui a été encouragée, mais trop peu souvent la compréhension émotionnelle.

T.D’A. nous invite, pour aborder la CNV, à développer notre vocabulaire pour élargir notre conscience de ce que nous vivons, de nos émotions, nos sentiments et de prendre conscience de nos besoins, nos besoins fondamentaux. Lorsqu’un besoin n’est pas comblé, nous ressentons des sentiments désagréables comme la tristesse, la colère, la nostalgie… Si nous ne savons pas les décoder, notre malaise grandit devant notre impuissance et nous pouvons nous retourner contre quelqu’un, ou nous complaire dans des plaintes de ce que nous ne voulons pas. Il est primordial d’arriver à maîtriser la compréhension de nos sentiments désagréables, afin d’identifier nos besoins fondamentaux, donc de clarifier ce que nous voulons (mon besoin plutôt que mon manque). Pour lui, cela nous permet de vivre en adéquation avec nous-mêmes, nous aide à mieux écouter les besoins des autres, à être disponible et bienveillant à leur égard, à nouer des relations profondes, durables et nourrissantes. Mieux nous nous connaissons, mieux nous pouvons accueillir l’autre.

T.D’A. propose un processus à suivre afin d’être à l’écoute de ce que l’autre (et aussi moi-même) vit. Ce processus m’aide à clarifier ce que je vis. Il n’est pas l’empathie mais y donne accès, il n’est pas qu’une simple écoute : il m’aide à me relier efficacement à l’autre/moi. En voici la description :

♦ O pour Observation : il s’agit d’observer le plus objectivement possible une situation, une parole entendue ou que je dis (qui affecte mon bien-être par exemple) et d’énoncer les faits sans jugement, ni évaluation, ni interprétations, ni a priori. Cela ne doit pas être une critique qui pourrait engendrer de l’agressivité. C’est juste la constatation de faits que l’on ne peut nier.

♦ S pour Sentiment : l’observation suscite en nous des sentiments face à cette situation. Il s’agit d’exprimer mes sentiments après avoir identifié mon état émotionnel. Il faut éviter le jugement de l’interlocuteur, mais, énoncer ainsi mes émotions ne peut être contesté par l’autre car c’est ma vérité. Cela commencera automatiquement par « je » afin de prendre la responsabilité de mon ressentis et cela facilite une ouverture.

♦ B pour Besoin : mes sentiments me renseignent sur mes besoins qui sont à l’origine de mes sentiments éprouvés. Il s’agit de les identifier et de les clarifier et d’énoncer mes besoins.

♦ D pour Demande : ayant pris conscience de mes besoins, je peux formuler une demande. Il s’agit de demander à l’autre une action concrète, réaliste, positive et négociable.

Ce processus, ouvrant à la bienveillance, entraîne la relation sur un terrain plus harmonieux et invite l’autre à étudier également ses sentiments et ses besoins afin de proposer aussi une action concrète, réaliste, positive et négociable. La décision finale sera prise ensemble, dans un respect mutuel.

Pour bien identifier nos sentiments, il ne suffit pas d’utiliser le « je », il faut aussi différencier les sentiments vrais des sentiments comprenant une interprétation. Si je dis : « je suis triste, je suis en colère, je suis ému… », je n’accuse personne ; mais si je dis : « je me sens trahi, abandonné, rejeté, manipulé… », j’accuse l’autre. Pire encore, la manipulation affective : « je suis triste quand tu ne travailles pas, je suis content lorsque tu ranges ta chambre, je suis en colère quand tu n’obéis pas… » : d’une part, nous rendons l’autre responsable de notre état, que ce soit notre mal-être ou notre bien-être, d’autre part, nous lui donnons le pouvoir de déterminer notre bonheur ou notre malheur.

En ce qui concerne les besoins, le piège est de trouver des besoins à l’autre : « j’ai besoin que tu ranges ta chambre, j’ai besoin que tu sois calme… », ce qui, en cas de non réaction, peut entrainer des propos du genre : « Tu pourrais faire un effort, avec tout ce que je fais pour toi… ».

Une fois les sentiments et les besoins identifiés, reste la demande à formuler, de façon à laisser la possibilité à l’autre d’exprimer aussi ses sentiments et ses besoins, et d’accepter, de négocier ou de refuser notre demande. Car « c’est la liberté que nous nous donnons qui nous relie l’un à l’autre ». Le dialogue reste donc ouvert à l’autre, et de multiples solutions peuvent apparaître. Que nous ayons le même besoin ou des besoins différents, il s’agira de savoir comment, concrètement, combler ce ou ces besoins. « C’est la concertation qui permet d’inventer toutes sortes de solutions ».

Il peut arriver aussi que je sois seul face à deux besoins fondamentaux sans savoir lequel choisir car je sais que je forcerai une partie de moi et que je refoulerai l’autre. C’est aussi ce qui se passe lorsque j’agis par habitude ou par devoir. Par exemple, je suis une mère de famille qui, à un moment donné, est partagée entre le besoin d’être disponible à mes enfants et le besoin de finir mes tâches ménagères d’ici la fin de la journée. T.D’A. attire notre attention sur le fait que « Nos besoins ont plus besoins d’être reconnus que satisfaits ! ». Ainsi, il m’invite dans ce cas à me poser 2 minutes, à écouter mes besoins et accueillir les différentes parties de moi-même : d’une part mon besoin de disponibilité et d’accueil pour mes enfants et d’autre part mon besoin de me mettre à jour dans mes tâches ménagères. Prendre ce petit temps d’écoute de moi-même, permet de prendre conscience de ce qui m’habite, m’apaise et me permet de choisir sans avoir de regret.

Ce processus n’est pas simple à mettre en place car nous n’avons pas forcément l’habitude d’être attentif au moins à nos besoins, sinon à ceux des autres, et nous nous exposons à une certaine vulnérabilité, nous éprouvons notre orgueil. Mais l’avantage est de travailler à notre propre changement plutôt que d’attendre lechangement de l’autre. Ce processus nous permet de mettre à jour tous nos besoins et de constater qu’ils sont justes et légitimes, et de prendre conscience qu’ils ne peuvent pas être tous satisfaits. C’est pourquoi la CNV doit être abordée en admettant que la demande que l’on va faire doit être négociable, afin de respecter mon besoin ET celui de l’autre dans la mesure du possible.

Enfin, pour pratiquer la CNV, si on peut lire des ouvrages pour approcher cette méthode, T.D’A. recommande de se faire accompagner pour l’utiliser.

Choisir sans rien nier ni renier de ce qui nous habite

J’agis dans la joie d’aimer ou dans la peur de ne pas être aimé ?

Pour T.d’A.[1] les enfants, tout comme les adultes d’ailleurs, n’aiment pas faire des choses par obligation, surtout si elles menacent d’un blâme ou d’une punition si l’on obtempèrent pas. Pour réaliser ce qu’on nous demande, nous avons besoin d’en comprendre le sens et d’être libre dans nos actes. En CNV, le sens va être donné lorsque nous exprimons nos besoins et la liberté est assurée par la formulation de notre demande qui laisse la possibilité à l’autre de refuser ou de négocier. Sans cela, ce n’est plus une demande, mais « une exigence qui ne laisse pas de liberté à l’autre ; l’autre va donc soit se soumettre, soit se rebeller, mais certainement pas agir dans le goût et la joie de contribuer à notre bien-être ! »Pour T.d’A. les exigences amènent les enfants à obéir ou désobéir, alors qu’une demande amène l’enfant à se responsabiliser puisqu’il est amené à agir dans le respect de ses besoins ET de ceux des autres. On ne peut vouloir appliquer la CNV si, au bout du compte, on veut que l’autre fasse ce que l’on attend de lui, si notre objectif est de changer l’autre. M.B.R. affirme « Les résultats obtenus par la contrainte peuvent coûter cher ». Il explique aussi combien, en tant que parent, nous attendons que les enfants se comportent d’une certaine manière.

C’est pour T.d’A. un point extrêmement important : donner du sens. Il invite à bannir de notre langage des expression comme : « C’est comme cela parce que c’est comme cela » « Pose pas toujours des questions » « Il y a des choses qu’il faut faire, qu’on le veuille ou non » « Tu comprendras plus tard » « c’est pour ton bien » et il veut permettre aux enfants de ne pas obéir et suivre aveuglément des consignes, des habitudes, des automatismes. Pour qu’un être humain devienne plus responsable de ce qu’il fait, il doit être plus conscient de ce pourquoi il agit. Ce n’est pas toujours facile pour les parents qui n’ont justement pas appris à agir en sachant pourquoi. T. d’A. va plus loin en affirmant que nous avons aussi besoin de donner un sens à notre vie, à sa signification humaine, philosophique et spirituelle. Un second point extrêmement important pour T.d’A. c’est d’écouter sans juger. Nous y reviendrons. M.B.R. met en évidence la différence entre demander et exiger. Demander selon les principes de la CNV, c’est donner à l’autre l’occasion« d’exercer sa générosité. Sil répond favorablement à notre demande, il le fera mû par un élan de bienveillance et éprouvera autant de plaisir à donner que nous à recevoir ». Si l’on exige et que l’autre cède à nos exigences, « leurs réactions ne seront motivées que par le ressentiment, la crainte, la culpabilité ou la honte ».

« En cherchant à obtenir des autres qu’ils nous donnent ou qu’ils fassent ce que nous voulons, nous menaçons leur autonomie, leur liberté de choix. Et quand une personne sent qu’elle est privée de sa liberté de choix, il y a des chances qu’elle résiste, même si elle comprend les raisons de notre demande et y accéderait volontiers en temps normal ». Laisser la liberté à l’autre ouvre la porte à l’amour inconditionnel. Il s’est imposé à M.B.R. lorsque ses enfants étaient encore petits. Il affirme : « Ainsi, exprimer aux autres cette qualité d’amour, de respect et d’acceptation sans condition ne signifie pas que nous devons aimer ce qu’ils font. Cela ne signifie pas que nous devons être permissifs et renoncer à nos besoins et à nos valeurs. Il s’agit simplement de témoigner aux autres le même respect, qu’ils décident de faire ce que nous leur demandons ou non ».

M.B.R. nous invite donc à aimer l’autre tel qu’il est et quoiqu’il fasse et a développer une certaine qualité de relation : « En matière d’éducation des enfants, il existe une alternative au laxisme et à la contrainte. Cette autre démarche nécessite de prendre conscience de la différence subtile, mais importante, entre vouloir pousser quelqu’un à faire quelque chose (ce que je ne préconise pas !) et se donner clairement pour objectif d’établir la qualité de relation nécessaire pour que les besoins de chacun soient comblés ».

T.d’A. cite Gandhi : « Ne confondons pas ce qui est habituel avec ce qui est naturel ».

T.d’A. affirme : « Ainsi, notre bonheur, notre bien-être ne vient pas de ce que nous possédons, ni de ce que nous faisons mais de comment nous vivons notre relation avec les êtres, les activités et les choses »

Catherine

Voir aussi dans notre bibliographie : Cessez d’être gentil soyez vrai : Être avec les autres en restant soi-même

[1] Cessez s’être gentil, soyez vrai ! Les éditions de l’Homme

Exemples de CNV

Voici quelques exemples qui illustrent ce que la CNV tend à éviter et ce qu’elle prône. Ces exemples s’appuient sur le protocole vu dans les articles sur la CSN : observation, sentiment, besoin, demande.

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« Oh la la ! Ta chambre est encore en bazar ! Y’en a partout ! Raz le bol, c’est toujours pareil ! On ne sais même plus où poser les pieds ! Range-moi ça tout de suite ! »

T.d’A. a travaillé dans différentes écoles et a mené plusieurs enquêtes auprès de nombreux enfants. Ils sont unanimes pour affirmer qu’ils n’apprécient pas qu’on leur crie dessus comme ça et ils réagissent de 2 manières différentes : soit ils obéissent en se disant qu’ils n’ont pas le choix mais risquent de partir en claquant les portes, en montant bruyamment les escaliers ou en mettant leur musique à fond… (soumission) ou bien ils vont se rebeller en râlant et tout le monde va s’énerver…

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« Quand je vois tes vêtements par terre, ainsi que tes jouets et ton lit qui n’est pas fait (Observation), je me sens triste et découragée (sentiment) parce que j’ai pris soin de ranger hier pour faire le ménage et que j’ai besoin de respect pour mon travail et de collaboration pour la propreté de la maison (besoin). Je voudrais savoir si tu serais d’accord pour ranger tes affaires maintenant (demande concrète et négociable) ? »

Scénario n°1 : « Ok, je le fais ! »

Scénario n°2 : « Ben, c’est que je suis entrain de finir de coller ma maquette et j’aimerai bien terminer pour voir ce que ça donne ! » « Tu veux dire que tu es enthousiasmé et impatient de voir le résultat de ta maquette et que tu as besoin d’accomplir ce travail jusqu’au bout avant de ranger tes affaires ? » « C’est ça, je veux finir ma maquette d’abord et je rangerai après. »

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« J’en ai trop mare ! C’est n’importe quoi ton travail. Dès que j’ai le dos tourné tu ne fais plus rien, tu es vraiment fainéant ! Si tu continues comme ça, tu va retourner à l’école ! »

‘’Dès que j’ai le dos tourné’’ est une généralisation, donc une évaluation, pas une observation. En traitant l’enfant de fainéant, de menteur, de bon à rien, nous l’enfermons dans son comportement, nous l’étiquetons et il aura beaucoup de mal à en sortir, même lorsqu’il prendra conscience que les comportements peuvent évoluer. En observant rigoureusement les faits, nous laissons la possibilité d’un véritable changement et d’une ouverture sur des demandes d’actions précises à réaliser plus tard.

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« Quand je vois qu’en mon absence de la pièce ton travail n’avance pas (observation), je me sens inquiet et préoccupé (sentiment) et j’ai besoin d’être rassuré sur deux choses : que tu comprends le sens de ce travail, en quoi il peut être utile à l’avenir et que tu te sens bien à la maison, que tu te sens en confiance de sorte que si quelque chose ne va pas tu sois à l’aise pour le dire (besoin). Serais-tu d’accord pour me dire comment tu te sens, toi, par rapport à cela ? (demande) ».

Nous pouvons aussi nous demander, pour chacun des cas, comment nous nous sentirions si nous étions à la place de notre enfant. Les enquêtes de T.d’A. montrent que, dans le premier cas, les enfants se sentent jugés, incompris, rejetés et peuvent râler et/ou argumenter ou jouer l’indifférence… Dans le second cas, les enfants se sentent considérés, accueillis dans leur difficulté et leur cheminement car nous leur proposons d’en parler librement, sans craindre d’être jugé, contraint et soumis à un résultat. Cette demande ouvre à la discussion qui va permettre de donner du sens à ce qui est demandé aux enfants et à remonter à la cause du symptôme.

T.d’A. explique bien que l’observation ne doit pas être des évaluations et des interprétations personnelles où l’enfant va se sentir jugé et entrer dans un jeu d’autodéfense plutôt que d’entrer dans la compréhension. M.B.R. ajoute que cela ne signifie pas que nous devons nous abstenir « de juger les actes d’autrui, mais que nous séparions bien nos observations de nos évaluations ».

Exemple de confusion entre observation et évaluation :

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« Paul traine pour faire son travail »

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« Ce matin, Paul a traîné pour faire son travail »

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« Ce que je te propose ne te conviens jamais »

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« Les trois dernières fois que je t’ai proposé une activité, tu m’as dit que cela ne te convenais pas »

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« C’est mal de frapper ton frère »

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« Quand je te vois frapper ton frère, j’ai peur parce que j’ai besoin de savoir que les membres de notre famille sont en sécurité »

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« Ton résultat est faux »

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« Mon résultat est différent, je me demande comment tu as obtenu cette réponse. Veux-tu me dire comment tu as fait ? »

Le fait de faire suivre l’expression d’un sentiment de ‘’parce que je’’ explicite que c’est ce qui ce passe en moi qui engendre ce sentiment et atteste que j’accepte la responsabilité de mes sentiments plutôt que de les reporter sur un tiers :

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« Tu m’as déçu en choisissant une BD »

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« J’ai été déçue que tu choisisses une BD parce que j’ai besoin de savoir que tu lis différents livres »

Attention aussi à la motivation par la culpabilité qui fait porter la responsabilités de nos sentiments à l’autre.

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« Maman est malheureuse quand tu bâcles ton travail ». L’enfant peut se mettre à travailler pour échapper à la culpabilité.

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« Quand je vois ce travail bâclé, je suis malheureuse parce que j’ai besoin de savoir que tu prends ton travail au sérieux »

En cas de difficultés pour l’enfant, les parents estiment qu’il est de leur devoir de rendre leur enfant heureux et s’empressent de donner des conseils ou de montrer leur désaccord :

« Non, je ne veux pas y aller, c’est agaçant, personne ne veut jouer avec moi ! personne ne m’aime ! »

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« As-tu au moins essayé de voir ce que tu as pu faire pour éloigner de toi tes amis ? »

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« Peut-être que si tu parlais différemment à tes amis, ils t’aimeraient davantage ? »

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« Ce n’est pas vrai, tu as déjà eu des amis. Je suis certain que tu t’en feras de nouveaux ! »

Nous ne sommes pas obligés de parler dans de telles circonstances, un regard peu suffire. Mais, si nous nous exprimons, il est préférable de lui montrer que nous entendons son sentiment de tristesse et son besoin d’une qualité de relation différente avec ses amis :

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« On dirait que tu es vraiment triste parce que tu ne t’amuses pas beaucoup avec tes amis ? »

Toute personne en souffrance a d’abord besoin d’une présence et d’empathie. Si l’enfant a besoin de conseil, il le demandera.

Certains peuvent rester septique et se dire qu’il faut quand même parfois imposer des choses et mettre des limites. T.d’A. nous fait remarquer que derrière chaque action que nous pensons devoir faire parce que c’est comme ça, il y a un besoin. A chaque fois que nous pensons que nous devons faire quelque chose parce qu’il le faut, il y a un besoin et il nous invite à nous poser pour rechercher nos réels besoins.

De plus, pour M.B.R., il faut bannir de notre langage les mots comme ‘’falloir’’ ou ‘’devoir’’ car ils « impliquent que le sujet n’est pas responsable de ses pensées, sentiments et actions ». En effet, il est facile après de se dédouaner de toute responsabilité car « il fallait que je le fasse », « je devais le faire ».

Nous avons vu plus haut qu’un second point extrêmement important pour T.d’A. c’est d’écouter sans juger[1]. Chez les adolescents, notamment, c’est surtout le besoin d’être écouter et le besoin de considération qui est primordial. Bien plus que pour une solution à trouver, une action à faire ou une décision à prendre, les parents sont souvent sollicité pour une écoute bienveillante, tout simplement. Pour T.d’A., à travers tous conflits qu’il soient économique, politique, ethniques, scolaires, familiaux, conjugaux, nous avons le même choix : agresser, fuir ou aller à la rencontre de l’autre. Les adolescents ont particulièrement besoin que nous allions à leur rencontre.

Denis Sonet, conseiller conjugal et adepte de l’écoute active de Carl Rogers, travaillait également beaucoup avec des adolescents et il affirmait que les adolescents parlent à travers leur silence. La réaction la plus courante face à la demande d’un jeune est de formuler des conseils, des jugements, faire des enquêtes, des interprétations et de relever les erreurs pour le remettre sur les rails ! Non… il faut écouter et faire un diagnostic ! L’empathie c’est placer un miroir devant l’autre pour qu’il se voit tel qu’il est. Et avant même de se mettre en empathie, il faut avoir une considération positive inconditionnelle pour l’autre. Il sitait Carl Rogers qui invite à commencer par apprécier l’autre comme on apprécie un coucher de soleil !

Quand un jeune expose une problématique ou pose une question, il n’attend pas que nous répondions à sa question ou sa problématique, il attend que nous cherchions pourquoi il a posé sa question ou sa problématique. Sa question est là uniquement pour nous faire découvrir là où il veut nous amener. Denis Sonet nous rappelait l’importance d’accueillir les sentiments négatifs de l’autre. Pour cela, il faut être capable d’encaisser ce qu’on entend… modérer le plexus… et garder ses convictions. Tout sentiment négatif exprimé et accueilli en face quitte la personne. Nous devons accepter et accueillir SA vérité pour que lui puisse ensuite accepter LA vérité. Attention, accueillir n’est pas approuver ! Après l’écoute de l’autre, vient la phase de parole. Nous devons alors faire ressortir les qualités de l’enfant, ce qui est positif et valoriser. Après, nous pouvons donner notre avis, nous en avons le droit et même le devoir. Mais, il faut qu’il soit clair : ‘’oui’ ou ‘’oui si’’ ou ‘’non parce que’’.

Exemple : une jeune fille de 15 ans déclare ne plus vouloir partir en vacances avec ses parents. Elle a justement deux copains qui partent en vacances à Nice sous la tente et qui l’invite.

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« Il n’en est pas question ! » Modérer le plexus…

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« Si je comprends bien, tu es enthousiasmé à l’idée de partir avec deux copains sous la tente plutôt qu’avec nous ? » – « Ben oui, tu comprends, je m’ennuie un peu avec vous, et puis j’aimerai vraiment profiter de cette invitation ! » – « Alors, c’est sérieux cette proposition ? » – « Oui, ils ont déjà tout organisé, y’en un qui a une voiture, il conduit très bien et il est très prudent. »…

Ainsi, en étant à l’écoute, nous pourrons connaître tous les détails et établir un diagnostique. Le temps de parole arrive :

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« Tu sais je suis contente que tu es des initiatives comme celle-là à ton âge, c’est formidable ! Moi je n’aurai jamais oser demander. Peut-être qu’avec ton père nous devrions changer notre mode de vacances… mais tu sais, ce n’est pas facile, ton père est toujours très fatigué par son travail… »

Viens le moment de donner son avis :

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« Je suis d’accord » ou

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« Je suis d’accord si vous allez dans le même camping que nous » ou

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« Je ne suis pas d’accord parce que je trouve que tu es trop jeune encore et je serai beaucoup trop inquiète »

L’écoute active peut aussi être très importante simplement lorsque l’enfant raconte quelque chose :

« Aujourd’hui, à l’atelier de poterie, nous avons fait un vase en colombins. J’ai fini avant tout le monde ! »

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« C’est bien ! »

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« C’est mal, tu fais ta prétentieuse ! »

Dans les deux cas, le dialogue s’arrête, il est coupé.

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« Tu es fière ma chérie parce que tu l’as fais plus vite que les autres ? » – « Oui, et le prof m’a dit qu’il était très réussi ! » – « En plus le prof a reconnu la qualité de ton travail ? » -« Oui, et il l’a mis au milieu de la table pour que tout le monde le vois ! »…

Lorsqu’une personne peut décharger son négatif envers l’autre, il finit par relativiser et voir le côté positif de l’autre qu’il n’était plus capable de voir à travers sa colère :

« J’en ai mare de Kevin ! Il met toujours le bazar dans ma chambre ! J’aimerai mieux ne pas avoir de frère ! »

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« J’ai l’impression que tu es très en colère ! » – « Mais oui, c’est toujours pareil, il vient dans ma chambre lorsque je n’y suis pas et dérange mes affaires ! » – ☺ « Et toi, ça t’énerve de voir ta chambre avec du désordre que tu n’as pas mis ? » – « Ben oui, c’est agaçant, surtout que je l’ai rangée hier » – ☺ « Tu aimerais que ta chambre soit respectée ? » – « Ben oui ! Mais… en même temps, je sais bien qu’il est encore petit, il ne se rend pas compte… »

Denis Sonet prônait tout particulièrement l’écoute active avec les jeunes, les pré requis étant de vouloir écouter et communiquer. Pour être empathique, il faut être cohérent, être unifié, ne pas délivrer de messages contradictoires, être authentique, tendre à la vérité, à la transparence, et… ne pas juger ! C’est lorsqu’on ne juge pas, que l’on permet à l’autre de changer. Pour Denis Sonet également, écouter, c’est une qualité du cœur. Quand quelqu’un est écouté, il existe ! C’est exactement ce qu’un enfant a besoin, de se sentir exister, et encore plus au moment de l’adolescence.

« La tendresse et l’admiration sont les deux mamelles de l’éducation » Denis Sonet

Il faut beaucoup d’exercice et d’application assidue avant que l’écoute active et la communication non violente ne devienne une seconde nature et que l’on puisse, particulièrement dans les situations tendues, l’appliquer spontanément sans retomber dans ses vieux modèles de communication.

Bonne communication !

Catherine Chemin


[1] T.d’A. a été animateur au sein d’une association pour jeunes en difficulté

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