Apprentissages autonomes

Un petit résumé !

Nous avons certainement tous eu l’occasion d’observer déjà à quel point nos enfants peuvent être performants lorsqu’ils sont motivés. La motivation est un moteur qui peut, non pas consommer, mais engendrer une énergie incroyable à l’inverse de la tâche pesante qui, elle, va consommer beaucoup d’énergie. Les enfants ont un désir inné d’apprendre et ils sont capables de beaucoup de volonté lorsqu’ils sont motivés !

Des parents ont fait le choix de ne pas scolariser leurs enfants, de leur faire confiance, de les laisser apprendre librement ce qui les passionnent et de les laisser découvrir, de manière tout aussi autonome, leurs propres centres d’intérêt. La démarche repose sur un laisser-faire et une stimulation bienveillante des goûts de chaque enfant.

L’observation de l’enfant de la part des parents et leur volonté de lui proposer une ambiance et des éléments adéquats contribuent très largement au développement de leur autonomie dans les apprentissages et la découverte de leurs centres d’intérêt. Mettre en avant les aspirations de l’enfant pour qu’elles deviennent des passions est primordial et il faut être attentif aux besoins de l’enfant par rapport à celles-ci. Cette attention peut être uniquement pour fournir un cadre, de la matière première, les capacités d’une tierce personne…

Pour pratiquer les apprentissages autonomes, un élément primordial est la confiance des parents en leur enfant, une confiance dans une relation d’amour inconditionnelle. Le pré-requis étant la confiance mutuelle avec son enfant. Il est également indispensable de réaliser un travail sur soi en amont afin de ne plus avoir d’attentes vis-à-vis de son enfant, tant nous sommes conditionnés, programmés, formatés pour la plupart par une enfance passée au sein de l’école voire au-delà (études supérieures).

Léandre Bergeron, auteur de Comme des invitées de marque (éditions L’instant présent) où il décrit l’enfance libre et heureuse de ses trois filles, parle même « d’obsession à vouloir instruire nos enfants le plus tôt possible [qui] est une interférence dans la relation parent-enfant, une atteinte très grave à la symbiose. L’idée que le parent se fait de l’enfant, l’image qu’il a de lui, est un écran entre les deux. Pour le parent, l’enfant n’en sait toujours pas assez. Chez l’enfant s’installe le sentiment qu’il n’est jamais à la hauteur, qu’il est un objet inadéquat. »

Il dit encore : « se déscolariser est un long processus, surtout parce que la scolarisation pénètre et imprègne tellement tous les cerveaux que ça nous prend longtemps avant de comprendre ce que peut être un cerveau déscolarisé. Aujourd’hui, hors de l’école, point de salut. » « Pourtant, je dois constater que, quand on ne le leur impose pas, les enfants apprennent avec une simplicité déconcertante ».

D’après André Stern, musicien, luthier, journaliste, auteur[1]…, l’enfant apprend en jouant, le jeu est le meilleur moyen d’apprendre ; les recherches en neurosciences actuelles, d’après lui, tendraient à confirmer d’ailleurs que le cerveau est naturellement fait pour apprendre et que le jeu est le meilleur moyen pour y parvenir. Il explique que certains pensent que l’enfant est paresseux, sournois, tricheur de nature et qu’il faut le remettre dans le droit chemin, le forcer à apprendre, à se structurer sinon il ne ferait rien, il n’apprendrait rien. André Stern pense que c’est lorsque l’on interrompt l’enfant dans son jeu, qu’on lui fait perdre son rythme[2], sa disposition spontanée qu’il devient fainéant… Il faudrait encore expliquer ce que jeu signifie ici. André Stern ne définit pas le jeu mais il semble, d’après l’ensemble de ses propos, que le jeu est quelque chose qui est fait avec enthousiasme. Donc, si un travail comme apprendre une langue est fait avec enthousiasme, pour lui, cela est un jeu. Il ne fait pas de clivages entre le travail, les loisirs, la vie, la famille. André Stern considère que la base est l’enthousiasme qui engendre la compétence qui engendre la réussite. Pour lui, il faut choisir une activité et travailler encore et encore pour devenir expert.

André Stern est persuadé que les trois seules et uniques clés nécessaires à l’épanouissement d’un enfant sont : l’amour, la confiance, et la liberté, que n’importe quel enfant pourrait réussir avec une éducation comme celle qu’il a reçue. Il semble qu’André Stern a eu seul la volonté de toujours persévérer d’avantage dans ses passions grâce à son unique enthousiasme. Volonté de toujours travailler encore et encore pour devenir expert comme le dit André Stern.

André Stern résume[3] parfaitement cela dans son livre[4] dont je vous livre ici quelques extraits qui résument bien l’idée des apprentissages autogérés : « Pendant mon enfance, tout allait de soi et tout était souriant. Je me souviens du quotidien, fait de rencontres et de jeux, comme d’un fluide prospère, exempt de mises à l’épreuve.

Apprentissage et jeu sont pour moi synonymes. Mes ‘’semaines types’’, composées, à côté des riches heures improvisées, de nombreuses activités hebdomadaires ou structurées, étaient chargées, et pourtant affranchies du stress, de la concurrence, de la course à la performance et du combat pour la bonne note.

Papa et maman avaient une pleine confiance. Pour n’avoir aucun doute, il leur suffisait d’observer mon quotidien florissant comme une corne d’abondance, et mon incoercible force d’apprentissage dans l’ensemble des domaines qui me préoccupaient.

Je n’ai pas connu le terme des études et la nécessité du passage à la vie professionnelle. Je n’ai pas eu à franchir le seuil, parfois douloureux, qui sépare le savoir théorique – acquis sur les bancs de l’école – de sa mise en pratique sur le terrain : je n’ai jamais quitté le terrain.

Un apprentissage vivant s’enracine profondément dans le quotidien. […] Je n’ai éprouvé aucune difficulté à ‘’m’insérer dans la société’’. Je n’ai même jamais connu du tout la nécessité de m’y insérer, puisque je n’en ai jamais été soustrait. Ne sont-ce pas les étudiants, cultivés hors-sol, que l’on greffe à la société, un beau matin ? »

« il serait également erroné de croire que ce livre raconte l’histoire d’une personne exceptionnelle, d’un individu ‘’surdoué’’. Tout enfant mis dans la situation qui fut la mienne vivra, à sa manière, une évolution aussi riche, aussi multiple et aussi singulière que celle que j’ai connue. »

John Caldwell Holt (1923 – 1985) est un éducateur et un écrivain américain, l’un des plus grands défenseurs des mouvements du homeschooling (scolarité à la maison) puis du unschooling (comprendre apprentissages informels, auto-gérés ou encore autonomes) et un pionnier dans la défense des droits des enfants.

John Holt a exercé plusieurs métiers avant de devenir instituteur pendant 15 ans, face à l’insistance de sa sœur. Il part ensuite à Boston où il rencontre Bill Hull, également enseignant. Ils démarrent ensemble un projet d’observation de classe : l’un enseigne, tandis que l’autre regarde. John Holt se sert de toutes ses notes accumulées au cours de ses expériences et observations pour écrire ses deux livres les plus connus How Children Fail (Comment les enfants échouent) et How Children Learn (Comment les enfants apprennent). A travers ces livres, John Holt explique sa philosophie de l’éducation et soutient que la peur est la première raison de l’échec à l’école : peur de ne pas avoir la bonne réponse, peur d’être ridicule devant le professeur et les autres élèves, peur de ne pas faire assez bien, peur d’échouer et de décevoir Il pointe également l’ennui, le manque de sens et les exigences de conformité qui ne laisse de place ni à la curiosité, ni à la créativité. Cette situation est aggravée par le fait que les enfants sont forcés à étudier des matières qui ne les intéressent pas forcément.

Nous pouvons affirmer aujourd’hui que ces questionnements sont malheureusement toujours d’actualité. Nous constatons que l’école d’aujourd’hui renforce encore plus ce regard négatif que peuvent avoir certains enfants sur eux-mêmes. Les enfants qui en pâtissent le plus sont souvent des enfants très sensibles et ce sont surtout les garçons qui sont atteints. Malgré de trop nombreuses réformes pour modifier les rythmes et les programmes, la façon de les présenter ne change pas !

Il rejoint ensuite les universités de Harvard et de Berkeley en sciences de l’éducation, il consacre ses travaux et ses conférences à la réforme de l’enseignement. Mais au bout de quelques années, il perd ses illusions et cesse de penser que l’école est réformable. Dès lors, John Holt décide de consacrer son temps « non plus à créer des écoles alternatives, mais des alternatives à l’école ».

Il se penche d’abord vers le homeschooling mais enlever l’enfant de l’école pour la recréer à la maison ne le satisfait pas.

Ses recherches portent enfin sur les apprentissages autonomes car il pense que l’enfant n’a pas besoin d’être dans un contexte d’obligation pour apprendre. Les enfants apprennent naturellement si l’environnement leur permet de suivre leurs propres intérêts et que l’on met à leur disposition de nombreuses ressources. John Holt devient alors le porte-parole des familles engagées dans l’éducation hors école dans une ambiance « unschooling » aux apprentissages autonomes.

Par apprentissages, John Holt entend la manière d’appréhender et de donner du sens au monde qui nous entoure et être capable d’y accomplir des choses. Alors que, « réussir à l’école veut dire se souvenir des réponses aux questions des enseignants, devenir habile à deviner quelles questions ils poseront et à les tromper quand on ne connaît pas les réponses ».[5]

John Holt explique dans son livre la différence d’appendre à l’école et d’apprendre pour soi-même : « Il y a des années, je donnais des cours particuliers à une élève qui avait des difficultés à l’école. Un jour, elle me demanda : “Comment fait-on pour apprendre l’Histoire ?” Prenant sa question tout à fait au sérieux, je lui ai répondu : “Je pense que tu me poses en fait deux questions : la première, comment puis-je en apprendre plus sur l’Histoire, et la deuxième, comment puis-je obtenir de meilleures notes en Histoire à l’école ? La première chose qu’il faut comprendre, c’est qu’il s’agit de deux activités complètement différentes et séparées, qui n’ont presque rien à voir l’une avec l’autre. Si tu veux en savoir plus sur comment on se documente sur le passé, je peux te donner des conseils à ce sujet. Et si tu veux savoir comment avoir de meilleures notes en Histoire, je peux aussi te donner des conseils à ce sujet. Mais ce ne seront pas du tout les mêmes conseils. »

Il a notamment écrit Les Apprentissages autonomes, comment les enfants s’instruisent sans enseignement, traduction française de son ouvrage Learning all the time, qui constitue une synthèse de ses réflexions sur le sujet.

Chaque page de Les Apprentissages autonomes témoigne de la confiance absolue et inébranlable de John Holt dans l’élan irrépressible des enfants pour apprendre chaque jour. S’appuyant sur des réflexions et des anecdotes de toute une vie, il fait l’éloge de la qualité d’accompagnement des parents et démontre l’efficacité des apprentissages lorsqu’ils font sens. Ses propos encouragent les parents à respecter ce moteur, en montrant comment les enfants sont des chercheurs scientifiques par nature. Ils aiment apprendre et chercher à comprendre le monde même ce qu’ils ne peuvent pas toucher. Ils sont curieux et ont un profond désir de donner du sens aux choses. Leur besoin d’apprendre est aussi fort que ceux de manger ou dormir, ce sont des apprenants de nature : « Il est impossible d’être vivant et conscient, et ne pas être en train d’apprendre quelque chose ».

Cette manière d’aborder les apprentissages rejoint complètement la théorie selon laquelle on apprend mieux surtout par l’expérience et un peu par interaction. Il suffit de rendre accessibles les connaissances aux enfants au moment qu’il convient selon leur développement. Le travail de l’adulte consiste surtout à observer, renseigner quand le besoin se manifeste de la part de l’enfant, leur fournir un environnement adapté et les accompagner avec tact et patience.

Le comportement des parents selon John Holt

John Holt préconise de répondre aux enfants sans chercher à dépasser le cadre de leur question. Répondre précisément en faisant court. Si cela ne suffit pas à l’enfant, il en demandera plus. Le fait d’en dire plus à l’enfant que ce qu’il veut entendre peut lui ôter son envie de savoir.

Il récuse également formellement l’aide qu’un parent veut apporter à un enfant alors qu’il n’a rien demandé. Souvent, l’enfant se fâche en disant « laisse-moi faire ! ». Le message reçut de l’enfant est qu’il n’est pas capable de faire ou de découvrir seul. Peut-être est-ce effectivement le cas… pour l’instant ! L’enfant y arrivera plus tard.

Il va même plus loin en prônant que les apprentissages dirigés détruisent la créativité de l’enfant, son envie d’apprendre, sa spontanéité voire sa joie de vivre.

Il n’est pas favorable aux récompenses et aux punitions qui anéantissent la motivation interne.

Les enfants ont surtout besoin de comprendre le processus qui mène à un bon travail. Pour cela, il est bon que les enfants puissent observer des adultes réalisant un projet : fabrication d’un objet, écriture d’un article…

Pour lui, « l’apprentissage n’est pas le produit de l’enseignement » et « l’enseignement ne fait pas l’apprentissage ».

J.H. détaille également dans ce livre les façons d’accompagner les enfants dans leurs découvertes, notamment en matière musicale, en mathématiques et pour l’apprentissage de la lecture.

John Holt a donc une certaine expérience dans un cadre scolaire qui lui a permis d’en conclure des principes qui peuvent s’appliquer à tous, notamment le besoin de donner du sens aux apprentissages pour lequel il donne beaucoup d’idées concrètes très judicieuses qui rejoignent souvent la pédagogie Montessori.

Cependant, John Holt a généralisé certaines de ces observations comme si tous étaient capables de faire ce que certains peuvent faire. Nous ne partageons pas ce point de vue.

Ainsi, il a observé, comme nous, que certains enfants sont capables d’apprendre à lire seul (c’est d’ailleurs son cas personnel[6]). Qu’est-ce que cela veut dire ? Suffit-il de leur expliquer le code une fois et ils sont capables, alors, de l’appliquer ? Pour certains oui, mais pour d’autres ce n’est même pas la peine ! Cela veut dire qu’ils sont capables de découvrir le code seul. John Holt l’explique très bien. De jeunes enfants sont capables d’observer pendant des heures des mots et d’arriver à déchiffrer seul le code qui leur permettra de lire. Mais, est-ce possible pour tous ? Nous ne le croyons pas. Nous pensons que c’est lié à un certain mode de fonctionnement du cerveau.

D’autre part, John Holt soutient dans un paragraphe très confus sur l’abstraction : « Je sais comment les courbes de niveau des cartes sont dessinées – de cette façon je les comprends ; mais je suis incapable de faire comme mon beau-frère qui peut planifier des randonnées à ski. Il lui suffit de regarder les courbes de niveaux d’une carte, et instantanément, il est capable de sentir et de visualiser l’aspect et le profil d’un endroit. La raison pour laquelle il est capable de réaliser cela et pas moi, c’est qu’il a parcouru des dizaines de montagnes, puis il a regardé et étudié les courbes de niveau des régions qu’il a parcourues »[7], « Même avec de très nombreuses explications, personne ne pourra interpréter un système de symboles non familier pour en déduire la réalité qu’il représente. Il faut d’abord faire l’opération dans l’autre sens ». C’est peut-être parce qu’il n’a pas le fonctionnement de cerveau adéquat ! Mais contrairement à ce qu’affirme John Holt, un enfant ou un adulte peut être capable de décoder des symboles seuls ou d’imaginer en 3D dans sa tête ce qu’il voit en 2D, que ce soit des dessins, des schémas… et ce, avec peu d’expérience ou même sans ! En observant plusieurs heures, un enfant peut, par exemple, comprendre le principe du courant séquentiel en observant une photo d’un montage ; ou bien un enfant peut comprendre le fonctionnement d’un moteur en observant un schéma de moteur.

Si pour certaines personnes, même une grande expérience demeurera insuffisante pour comprendre certains codes, certains symboles… d’autre pourront les comprendre tout seul ! Nous n’utilisons pas tous notre cerveau de la même façon, c’est pourquoi tout le monde ne peut pas être expert dans tous les domaines ou apprendre de la même manière.

La difficulté pour les parents qui choisissent les apprentissages auto-gérés restent les contrôles pédagogiques car certains inspecteurs et conseillers pédagogiques, pourtant bien intentionnés, ont beaucoup de mal à entendre, à écouter parents et enfants tant ils sont eux-mêmes formatés et incapables d’envisager autre chose que le modèle scolaire. Ils ont du mal à concevoir qu’on puisse faire bien en faisant autrement qu’à l’école.

Il faudrait qu’ils écoutent le témoignage dans le film Etre et devenir d’une directrice d’une prestigieuse université américaine, où elle explique que les enfants ayant été instruits à la maison sont recherchés par ces universités justement parce qu’ils sont différents des autres élèves !

Claire


[1] Auteur de …et je ne suis jamais allé à l’école, histoire d’une enfance heureuse aux éditions Actes Sud

[2] Maria Montessori avait fait le même constat et avait observé que les enfants devenaient concentrés, attentifs aux autres après avoir pu se centrer sur une activité autant de temps qu’ils en avaient eu besoin.

[3] Dans le film Etre et devenir de Clara Bellar

[4] Et je ne suis jamais allé à l’école, histoire d’une enfance heureuse aux éditions Actes Sud

[5] Les Apprentissages autonomes, comment les enfants s’instruisent sans enseignement page 10

[6] Les Apprentissages autonomes, comment les enfants s’instruisent sans enseignement page 142

[7] Les Apprentissages autonomes, comment les enfants s’instruisent sans enseignement page 80

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