L’IEF en Espagne

17 décembre 2006 | Les Plumes

L’IEF en Espagne n’est pas clairement interdite, mais elle n’est pas réglementée, ce qui donne lieu à diverses interprétations qui peuvent être ou non favorables aux familles. Globalement, les décisions rendues dans le Nord (Catalogne) semblent plus favorables que celles prises dans le Sud (Andalousie). Le manque de législation a surtout pour effet de compliquer l’obtention des diplômes académiques ainsi que la réintégration éventuelle dans le système scolaire. L’instruction en famille concernerait environ un millier de familles, mais il n’y a pas de statistiques officielles.

Le cadre légal

La Constitution espagnole protège le droit des familles à choisir le mode d’instruction de leurs enfants.
Constitution espagnole, article 27 :
1. Est reconnue la liberté d’enseignement,
3. Les pouvoirs publics garantissent le droit des parents de donner à leurs enfants la formation religieuse et morale conforme à leurs convictions

Comme en France, la Constitution fait référence à l’article 26-3 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : « Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants. »
Cependant, la loi sur l’éducation en vigueur à ce jour (LOGSE) est muette sur cette option et ne parle que d’obligation scolaire. Il n’existe aucun texte réglementant les modalités de l’instruction en famille, ni même l’évoquant de façon explicite.
Une des conséquences remarquables est que, contrairement à la France, les enfants instruits en famille ne peuvent se présenter aux examens en candidat libre (diplôme d’études secondaires), mais sont obligés de suivre la procédure réservée aux adultes et donc d’attendre l’âge de la majorité légale (18 ans).

Sur le terrain

Plusieurs familles ont été « dénoncées » aux services sociaux du fait de ne pas scolariser leurs enfants dans des établissements scolaires. Dans ces cas, la non scolarisation était considérée comme un indice de mauvais traitements ou d’abandon. Très peu de ces familles sont allées au tribunal. La majorité des juges estiment justement, après avoir vérifié que ces familles ne négligent pas leurs obligations parentales, qu’elles se préoccupent plutôt davantage de leurs enfants. Dans la majorité des jugements rendus, la sentence a été favorable aux familles. Dans le pire des cas, on a « condamné » les parents à inscrire leurs enfants dans un établissement scolaire. Aucune famille ne s’est jamais vu retirer la garde de ses enfants. Cependant, après s’être sentis suspectés, certains parents ont renoncé à instruire leurs enfants, trouvant la situation trop difficile à assumer. Dans l’un des cas, la dénonciation était dirigée contre un collectif de familles qui ne scolarisait pas leurs enfants. Après des recours successifs, elles se sont rendues au Tribunal Suprême de Justice qui a conclu que l’instruction en famille, selon les lois espagnoles, n’était pas un délit.

En 2005, pour la première fois, trois familles de la province de Malaga ont été jugées et condamnées à scolariser leurs enfants, sous peine de leur retirer la garde des enfants et de les enfermer dans un centre pour mineurs. Cette sentence a été prononcée par le juge malgré un rapport très favorable aux familles, élaboré par les Services Sociaux.
Suite à cette affaire, plusieurs familles du sud de l’Espagne décidèrent de créer la « Plate-forme pour la liberté en matière d’éducation » en juillet 2005. L’objectif de cette organisation était d’une part, le soutien aux familles concernées par la décision de justice, d’autre part, la reconnaissance du libre choix d’instruction, et également le droit pour les enfants instruits en famille de se présenter aux examens en candidat libre. Cette plate-forme n’ayant pas obtenu les résultats escomptés, les familles ont décidé de soutenir l’action de l’ALE qui poursuit de façon active les mêmes objectifs.

Les associations

Il existe en Espagne deux associations :

Crecer Sin Escuela,
Association non militante dont l’objectif est essentiellement de permettre les échanges entre familles non scolarisantes.

ALE (Asociación para la Libre Educación),
Cette association basée à Barcelone est très active sur le plan politique.
Elle a organisé à Barcelone le 14 septembre dernier la « journée de l’instruction libre », rassemblement de familles pour la reconnaissance légale de l’instruction en famille. A cette occasion a été lu un manifeste présentant les revendications suivantes :
– la reconnaissance du droit constitutionnel des familles à instruire leurs enfants selon leurs propres valeurs éthiques et religieuses ;
– une réglementation spécifique de l’instruction en famille comme alternative au système scolaire ;
– l’accès en candidat libre aux examens du diplôme d’études secondaires (ESO) à partir de 16 ans, ainsi qu’aux études universitaires à partir de 18 ans.
La veille, les représentants de l’ALE ont eu une entrevue avec le Secrétaire d’État du Ministère de l’Education.

Article publié dans Les Plumes (décembre 2006) – Christine Azaroual

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