Différence et souffrance de l’adulte surdoué

12 novembre 2021

Introduction Je n’aime pas les mots «surdon», «douance», «surdouance», «doué», «surdoué» ou même «HPI» (haut potentiel intellectuel). Porteurs de beaucoup d’idées fausses, ils me renvoient aussi aux plus sombres moments de l’Histoire, quand la catégorisation des groupes humains a fondé la décision d’en exploiter, voire d’en éliminer certains. J’utilise ces qualificatifs par pure commodité, car je n’ai pas, jusqu’à présent, réussi à en trouver de plus satisfaisants pour décrire une population au mode de fonctionnement particulier et avéré. Le terme «surdoué» porte à confusion. La compréhension commune que l’on en a conduit à des malentendus et à de la souffrance. Le surdon est une réalité neurophysiologique. Un surdoué, qui pense en permanence de façon différente, vivra très souvent l’expérience de l’isolement. Pas seulement un isolement physique ou affectif, mais plus sûrement une vraie solitude, un enfermement, parfois intolérable à endurer. Il est très rare que les surdoués s’ouvrent à qui que ce soit de leurs pensées et de leurs ressentis, même à leurs proches, et cette impossibilité à communiquer peut prendre un tour dramatique. Rompre l’isolement est fondamental. J’ai consulté plus d’un millier de pages Internet et des dizaines de communications scientifiques. Outre mes échanges avec le professeur Lançon, j’ai confronté mes découvertes avec un groupe test : une «communauté», un groupe de chatteurs (une grande majorité de trentenaires et de quadragénaires dont le point commun était d’être surdoué). Je les ai questionnés, observés, rencontrés. À l’occasion de la rédaction de ce livre, beaucoup ont pu partager sur leur fonctionnement tellement particulier, dont ils n’avaient jamais osé parler – même avec les autres chatteurs – préjugeant qu’on risquait de les regarder d’un drôle d’air. Ce livre n’est pas pour autant un simple témoignage personnel. Je ne me serais jamais risquée à publier mes conclusions si je n’y avais été encouragée par tous ceux qui s’y sont également reconnus, alors même que j’avais achevé mes recherches et la rédaction de mes observations. Les nombreux témoignages recueillis ensuite sur mon blog (www.talentdifferent.com) sont venus à leur tour étayer ces conclusions. Un mot caractérise au plus près cette population particulière : «polymathe» – qui a des connaissances variées et approfondies. Mais, reconnaissez-le, ce mot ne fait pas vraiment rêver… Mon fils aîné m’a un jour proposé le terme d’«absurdoué». C’est le terme que j’aimerais bien garder en fin de compte, tant, effectivement, il y a quelque chose d’absurde dans le surdon, au-delà de la capacité effective à pouvoir s’intéresser en profondeur à différents sujets. Un surdoué, ce n’est pas seulement une magnifique mécanique intellectuelle. C’est d’abord, et avant tout, un être d’une sensibilité physique et émotionnelle exacerbée, d’une hyperémotivité, au coeur d’un combat de tous les instants, qui absorbe une partie majeure de son énergie personnelle quotidienne. Ce livre est destiné à aider les thérapeutes à identifier les spécificités de fonctionnement de certains patients, dont la souffrance résiste aux traitements classiques contre la dépression. Cette édition augmentée s’attache d’ailleurs à approfondir les pistes d’accompagnement. S’il le peut, il est aussi conçu pour aider les adultes surdoués, seuls ou accompagnés, à reprendre espoir. Et même, pour certains, à faire la paix avec eux-mêmes.

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